20 ans après l’intervention américaine, les talibans toujours maitres du jeu en Afghanistan

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Les représentants talibans Abdul Latif Mansoor (g), Shahabuddin Delawar (c) et Suhail Shaheen, lors d'une conférence de presse à Moscou, le 9 juillet 2021

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20 ans après l’intervention américaine en Afghanistan en 2001, pour chasser les talibans, les Américains qui s’apprêtent à s’en désengager ne peuvent offrir que le spectacle d’un échec lamentable. Vendredi, les talibans ont affirmé qu'ils avaient pris le contrôle de 85% du territoire de l'Afghanistan, dont deux importants postes-frontière avec l'Iran et le Turkménistan, dans le cadre d'une offensive qu'ils mènent contre les forces de Kaboul au moment où les Américains achèvent leur retrait.

Au cours d'une conférence de presse à Moscou, Shahabuddin Delawar, un représentant des talibans, a ajouté qu'environ 250 des 398 districts du pays étaient désormais aux mains des insurgés, mais ces affirmations n'ont pas pu être confirmées de source indépendante.

"Si (les talibans) contrôlent une telle proportion du territoire, alors pourquoi leurs dirigeants vivent-ils au Pakistan et ne peuvent-ils pas venir en Afghanistan ?", a réagi Fawad Aman, le porte-parole du ministère de la Défense. "Pourquoi envoient-ils leurs combattants tués ou blessés au Pakistan ?"

Les forces afghanes, désormais privées du crucial soutien aérien américain, ont perdu beaucoup de terrain, mais ont assuré vendredi avoir reconquis la première capitale provinciale prise cette semaine par les insurgés, Qala-i-Naw (nord-ouest).

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Des forces de sécurité afghanes à Qala-i-Naw, le 7 juillet 2021 dans la province afghane de Bagdhis où les talibans ont lancé une offensive

Quelques heures avant ces annonces, le président américain Joe Biden a annoncé dans un discours que la mission militaire de Washington en Afghanistan se terminerait le 31 août, près de 20 ans après avoir commencé. 

M. Biden a en outre déclaré qu'il n'était pas "inévitable" que ce pays tombe aux mains des talibans, estimant que les autorités afghanes ont "la capacité" d'assurer la continuité du gouvernement. Un discours peu convaincant destiné à masquer l’échec de l’intervention américaine si tant est que son but était vraiment de chasser du contrôle de l’Afghanistan les talibans que les USA avaient grandement contribué à émerger comme force principale du pays en lutte alors contre l’occupation soviétique.

Les talibans tiennent désormais un arc de territoires s'étendant de la frontière iranienne, dans l'ouest, à celle avec la Chine, dans le nord-est.

Ils ont affirmé vendredi s'être emparés d'un poste-frontière majeur avec le Turkménistan, quelques heures après avoir annoncé la capture du plus important poste-frontière avec l'Iran, également situé dans la province afghane de Herat (ouest).

Zabihullah Mujahid, un porte-parole taliban, a déclaré que les postes-frontière d’Islam Qala (avec l'Iran) et de Torghundi (avec le Turkménistan) étaient "complètement" sous le contrôle des insurgés. 

Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur Tareq Arian, les forces afghanes tentent à présent de les reprendre. 

Islam Qala est l'un des plus importants passages frontaliers d'Afghanistan, c'est par lui que se fait la majeure partie du commerce légal entre ce pays et l'Iran.

Torghundi est également un lieu de passage important, avec le Turkménistan.

Le mois dernier, les insurgés avaient déjà conquis Shir Khan Bandar, le principal poste-frontière entre l'Afghanistan et le Tadjikistan. 

Un millier de soldats afghans avaient dû trouver refuge sur le territoire tadjik après d'intenses combats.

Moscou a déclaré que les insurgés étaient maîtres de la plus grande partie de la frontière afghane avec le Tadjikistan.

"Le plus tôt sera le mieux"

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Cartes montrant l'évolution des zones de contrôle du territoire afghan par le gouvernement ou les talibans, d'avril à juillet

Les talibans "contrôlent actuellement environ les deux tiers de la frontière avec le Tadjikistan", a affirmé vendredi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, au cours d'une conférence de presse. 

"Nous appelons les parties en présence dans le conflit inter-afghan à faire preuve de retenue et à empêcher une propagation des tensions hors des frontières du pays", a-t-elle ajouté, tandis qu'une délégation talibane se trouve à Moscou. 

Les forces afghanes ont perdu beaucoup de terrain, en particulier dans les zones rurales, et les talibans encerclent de grandes villes comme Herat.

Suhail Shaheen, un porte-parole des talibans, a cependant affirmé à l'AFP que les insurgés souhaitaient "un accord négocié" et "ne croyaient pas en un monopole sur le pouvoir".

Les talibans se sont également réjouis de l'annonce de M. Biden. 

"Le plus tôt sera le mieux pour le départ des troupes américaines et étrangères", a réagi M. Shaheen.  

Les talibans ont également déclenché une offensive contre, pour la première fois, une capitale provinciale, Qala-i-Naw, où des combats les ont opposés aux forces gouvernementales pendant deux jours. 

Vendredi, le porte-parole du ministère de la Défense Fawad Aman a annoncé sur Twitter que les forces afghanes l'avaient reprise. 

Le pays traverse "l'une des étapes les plus compliquées de la transition", avait reconnu jeudi le président afghan Ashraf Ghani. 

"Le pays peut être contrôlé", avait-il cependant assuré, se disant confiant dans la capacité de son gouvernement à gérer la crise. 

Si le porte-parole des talibans, Suhail Saheen, a déclaré croire en "une solution pacifique", les insurgés semblent n'être guère intéressés à discuter avec le gouvernement et les négociations officielles de Doha sont au point mort.

Les talibans n'ont jamais été aussi puissants depuis qu'ils ont été renversés par la coalition dirigée par les États-Unis fin 2001.

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