Afghanistan: le chef suprême des talibans est resté jusque-là dans l'ombre

5437685854_d630fceaff_b-

Photo fournie par les talibans le 25 mai 2016 du leader taliban Haibatullah Akhundzada

1
Partager :

 

 

Depuis qu'ils ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, plusieurs dirigeants talibans ont fait leur entrée publique dans Kaboul. Mais leur chef suprême, Hibatullah Akhundzada, se fait d'une discrétion absolue.

Les talibans ont cependant affirmé dimanche qu'il se trouvait dans la ville de Kandahar (sud) et qu'il apparaîtrait "bientôt en public".

                                        C:\Users\Naïm Kamal\AppData\Local\Temp\Temp1_httpdoc.afp.com9LV7LV-MultimediaVersion.zip\urn_newsml_afp.com_20210830_c1eabd51-8f04-4d9e-aad0-9ec84e91550a_mmdHighDef.jpg

Portrait d'Haibatullah Akhundzada, chef suprême des talibans

Ce mollah spécialiste des questions judiciaires et religieuses est sorti de l'anonymat en mai 2016 pour prendre la tête du mouvement islamiste, qui était alors en proie à des luttes intestines.

Il a été nommé quelques jours après la mort de son prédécesseur, Mansour, tué par une frappe de drone américain au Pakistan, avec pour principal objectif de réunifier les talibans.

Ceux-ci s'étaient fracturés dans une violente lutte pour le pouvoir après la mort de Mansour et la révélation du fait qu'ils avaient caché pendant des années celle de leur fondateur, le mollah Omar.

On connaît peu de choses sur le rôle au quotidien d'Hibatullah Akhundzada, dont la communication se limite à de rares messages annuels à l'occasion des fêtes islamiques. Pour plusieurs analystes, il est plus symbolique qu'opérationnel.

Les talibans n'ont diffusé qu'une seule et unique photo de lui. Il n'a encore jamais fait d'apparition publique.

Fils d'un théologien, originaire de Kandahar, cœur du pays pachtoune et berceau des talibans, cet érudit jouissait déjà avant même sa nomination à leur tête d'une grande influence en leur sein. Il dirigeait leur système judiciaire.

Après avoir repris le pouvoir en Afghanistan il y a deux semaines, 20 ans après en avoir été chassés par une coalition menée par les États-Unis, les talibans ont gardé jusqu'à ce weekend un silence total sur ses activités et ses déplacements.

Une vie de "reclus" 

Par contraste, les chefs de diverses factions talibanes sont apparus publiquement à Kaboul ces derniers jours, prêchant dans des mosquées, discutant avec des figures de l'opposition ou même rencontrant des représentants de la fédération de cricket. 

Les talibans ont depuis toujours l'habitude de laisser leur chef suprême dans l'ombre. Le fondateur du groupe, le mollah Omar, menait une vie d'ermite et allait rarement dans la capitale afghane du temps où le mouvement était au pouvoir dans les années 1990.

Il préférait rester caché à son domicile de Kandahar et ne rencontrait qu'avec réticence les dignitaires qui lui rendaient visite. Mais sa parole était sacrée et aucun de ses successeurs n'a inspiré le même respect au sein du mouvement.

Selon Laurel Miller, la cheffe du programme Asie de l'International Crisis Group, Hibatullah Akhundzada "semble avoir adopté un mode de vie similaire de reclus".

Mais cette discrétion pourrait aussi être dictée par des raisons de sécurité, pour éviter qu'il ne connaisse le sort de son prédécesseur Mansour, observe pour l'AFP Mme Miller.

"Un porte-parole des talibans a indiqué que leur chef apparaîtrait bientôt et il pourrait avoir des raisons de le faire pour faire taire les rumeurs sur sa mort", ajoute-t-elle.

"Mais il est aussi possible qu'après s'être montré, il se retire à nouveau et exerce son autorité de manière isolée, comme le faisait le mollah Omar", considère-t-elle.

Préserver l'équilibre entre factions 

Son apparition ferait taire les bruits qui courent en Afghanistan et au Pakistan depuis des années sur le sort d'Hibatullah Akhundzada et qui suggéraient qu'il aurait contracté le Covid-19 ou aurait été tué dans un bombardement.

Ces rumeurs n'ont jamais été étayées par aucun élément concret. Le moment est crucial pour les talibans, qui vont maintenant devoir démontrer qu'ils sont capables de gouverner.

Le mouvement taliban est composé d'une multitude de factions originaires de divers endroits en Afghanistan et représentant des gens aux aspirations différentes.

Quand la nouvelle de la mort du mollah Omar a été divulguée en 2015, elle a déclenché une brève lutte pour le pouvoir au sein du groupe et débouché sur la scission d'au moins une faction majeure.

A l'heure d'exercer le pouvoir, après 20 années passées à guerroyer, les talibans devront veiller à préserver l'équilibre entre leurs différentes factions, aux intérêts variés.

Tout vide du pouvoir pourrait déstabiliser un mouvement qui, sous l'action d'Hibatullah Akhundzada, a réussi à garder sa cohésion, malgré la mort de milliers de ses combattants, et l'assassinat ou le transfert vers la prison américaine de Guantanamo de certains de ses plus hauts responsables.

D'autres analystes ont toutefois suggéré qu'il attendait simplement pour se montrer que toutes les troupes américaines et étrangères aient quitté l'Afghanistan, ce qui sera effectif mardi.