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Afrique du Sud : Polémique à couteaux tirés sur l’incendie meurtrier de Johannesburg
Le maire de Johannesburg, Kabelo Gwamanda (C), s'adresse aux médias sur les lieux d'un incendie à Johannesburg le 31 août 2023. Pau moins 73 personnes sont mortes dans l'incendie d'un immeuble de cinq étages dans le centre de Johannesburg le 31 août 2023, ont annoncé les services d'urgence de la ville sud-africaine. (Photo par Michele Spatari / AFP)
Par Hamid AQERROUT - Bureau de la MAP à Johannesburg
Johannesburg - Alors que le bilan des victimes de l’incendie qui a ravagé, tôt jeudi, un bâtiment dans le quartier central des affaires de Johannesburg ne cesse de s’alourdir, la classe politique et les ONG sont à couteaux tirés sur les causes profondes de ces nouveaux drames qui a endeuillé tout le pays.
Au moins 73 personnes, dont sept enfants, ont jusqu’à présent perdu la vie dans cette catastrophe et le nombre de morts devrait s’alourdir à mesure que les services d’urgence continuent de fouiller le reste du bâtiment. Environ 200 personnes auraient vécu dans l’immeuble sinistré, dont certaines auraient sauté par les fenêtres pour échapper aux flammes, selon des témoins.
L’incendie meurtrier, qui s’est déclaré aux petites heures de jeudi matin dans un bâtiment détourné au coin des rues Albert et Delver de la capitale économique de l’Afrique du Sud, est l’un des pires que le pays ait connu ces dernières années.
Sur place, la scène est chaotique. Les gens qui regardaient l’horreur se dérouler s’inquiétaient pour les voisins et les amis qu’ils ne pouvaient pas voir. Alors que des corps bordaient la rue à l’extérieur du vieux bâtiment patrimonial en feu, il a été signalé que les issues de secours avaient été scellées, piégeant les gens à l’intérieur.
On ne sait pas exactement ce qui a provoqué l’incendie du bâtiment, qui est situé dans une zone défavorisée de ce qui était autrefois le quartier des affaires du centre économique de l’Afrique du Sud (CBD) et qui était utilisé comme quartier informel. Néanmoins, certains résidents pensent que les bougies utilisées pour éclairer l’intérieur de la structure en étaient probablement la cause. Ils ont à ce propos dénoncé les délestages électriques récurrents imposés par la compagnie publique d’électricité «Eskom» qui n’arrive pas à produire suffisamment d’électricité pour les citoyens et les entreprises.
Ce nouveau drame révèle ainsi la mauvaise gouvernance de la métropole, due à plusieurs facteurs, notamment l’échec de la politique des alliances entre partis politiques, la corruption endémique et la criminalité rampante.
Dans la foulée des réactions à ce sinistre, l’organisation communautaire «Inner City Federation» a accusé la ville de Johannesburg de ne pas prendre soin des bâtiments qui sont restés inactifs. «La propriété s’était retrouvée dans une telle situation parce que la Mairie de Johannesburg ne prenait pas soin de la propriété alors qu’elle en avait le contrôle», a déclaré à la MAP Mahlangu Siya, membre de l’organisation.
Il a ainsi appelé le Maire de Joburg à agir contre ceux qui ont détourné des immeubles du centre-ville, les ont plongés dans la misère et les ont transformés en foyers de criminalité.
Un triste jour pour la ville de Johannesburg
Dans cet élan d’indignation, l’Association des propriétaires et gestionnaires immobiliers de Johannesburg fait constater que le problème s’est aggravé ces dernières années au point que leurs membres demandent chaque semaine des conseils sur la façon de protéger leurs locataires et leurs entreprises.
"C’est vraiment un triste jour pour la ville de Johannesburg", a déclaré sur place Angela Rivers, directrice générale de l’association.
Le leader du parti ActionSA, Herman Mashaba, a, quant à lui, adressé des critiques acerbes aux autorités, en soulignant que ses efforts antérieurs pour résoudre le problème des bâtiments détournés dans le CBD de Johannesburg avaient rencontré de l’hostilité, ce qui a conduit à cette nouvelle tragédie.
Il a expliqué que lorsqu’il était encore maire de la ville, il avait tenté de confier les bâtiments au secteur privé pour les réaménager, mais n’avait pas réussi en raison des attaques de certains politiciens du pays qui ont bénéficié de ces bâtiments détournés.
"Ce qui s’est passé après la fin du régime ségrégationniste de l’apartheid en 1994, c’est l’effondrement de l’État de droit. Certains responsables de notre gouvernement font partie du syndicat de ce détournement", a déclaré M. Mashaba.
Mais le gouvernement national n’est pas de cet avis. Il persiste et signe que cette nouvelle tragédie n’était pas le signe d’un problème de logement dans le pays, mais plutôt d’une question de détournement d’immeubles. «Ce n’est pas un problème de logement, parce que la majorité de ceux qui résident dans des immeubles détournés ne sont pas Sud-africains et le gouvernement ne peut pas fournir de logement aux immigrants illégaux", a déclaré dans la foulée le ministre à la Présidence, Khumbudzo Ntshavheni, en appelant à une stratégie nationale sur la manière de gérer les bâtiments détournés.
Force est de constater qu’outre la criminalité rampante, Joburg a connu, en l’espace de quelques semaines, plusieurs incidents dramatiques. En juillet dernier, deux violentes explosions avaient secoué le ville, la première souterraine et la seconde dans une installation de stockage de produits chimiques, laissant pantois les Joburgers qui déplorent l’état de leur ville qui était, il y a quelques années à peine, le centre financier de l’Afrique du Sud, voire de toute l’Afrique.
Une combinaison de négligence du gouvernement, de défaillance de la prestation de services et de dégradation urbaine sont ainsi mises en cause.