Algérie: des réserves gazières mais capacités d'exportation presque saturées

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Le Premier ministre italien Mario Draghi (G) serre la main du président algérien Abdelmadjid Tebboune (D) lors de leur rencontre dans la capitale Alger, le 11 avril 2022.. (Photo de Filippo Attili / Bureau de presse du Palazzo Chigi / AFP) / /

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L'Algérie, qui a signé lundi un accord pour augmenter ses livraisons de gaz à une Italie cherchant à réduire sa dépendance de la Russie, dispose de réserves considérables mais ses capacités d'exportation sont presque saturées.

Le pays, dont les réserves prouvées de gaz naturel s'élèvent à près de 2,4 mille milliards de m3, fournit environ 11% du gaz consommé en Europe, contre 47% pour la Russie.

Plusieurs pays cherchant à réduire leur dépendance des livraisons russes depuis l'invasion de l'Ukraine se sont tournés vers l'Algérie, par ailleurs une alliée de Moscou, mais Alger ne dispose que d'une capacité très limitée pour augmenter ses exportations.

L'Algérie pourra-t-elle respecter le nouvel accord avec l'Italie?

Peu de détails ont filtré à ce stade sur cet accord conclu lors d'une visite du Premier ministre italien Mario Draghi à Alger, mais selon un communiqué du groupe énergétique italien ENI, il prévoit une "fourniture progressive de volumes croissants de gaz à partir de 2022, jusqu'à 9 milliards de mètres cubes de gaz par an en 2023-24", via le gazoduc Transmed qui relie les deux pays en transitant par la Tunisie.

L'Italie est déjà le premier client du gaz algérien, qui représente le tiers de ses approvisionnements. Elle en avait importé durant le premier trimestre 2021 un total de 6,4 milliards de mètres cubes, soit une progression de 109% par rapport à 2020, selon l'agence officielle algérienne APS.

"Des interrogations entourent la capacité de l'Algérie à augmenter ses exportations", estime Aydin Calik, analyste à la Middle East Economic Survey (MEES).

L'Algérie est le premier exportateur africain de gaz naturel et le 7ème  mondial, mais des infrastructures à moderniser et une hausse de la consommation locale limitent sa marge de manœuvre quant à une augmentation substantielle de ses livraisons à l'étranger.

Selon les chiffres compilés par MEES pour 2021, le gazoduc Transmed desservant l'Italie avait une capacité non utilisée de quelque 7,8 milliards de m3, en deçà des 9 milliards prévus par le dernier accord algéro-italien.

Selon l'expert Abdelmajid Attar, ancien ministre algérien de l'Energie, le gaz pourrait également être liquéfié et envoyé à travers des méthaniers, sachant que "les unités de liquéfaction qui existent en Algérie ne sont exploitées qu'à 50/60% de leurs capacités".

Quel impact sur les prix?

Le géant étatique algérien des hydrocarbures Sonatrach a indiqué lundi dans un communiqué que l'accord avec ENI "permet aussi aux deux sociétés de fixer les niveaux des prix de vente de gaz naturel, selon les conditions du marché, pour l'exercice 2022-2023 conformément aux clauses contractuelles de révision des prix".

Selon M. Calik cela pourrait signifier que Sonatrach a obtenu à la faveur du nouvel accord "une révision à la hausse" du prix de ses livraisons de gaz à l'Italie.

Pour Anthony Dworkin, expert au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), l'Algérie s'efforce de mettre à profit le contexte actuel de la guerre en Ukraine pour augmenter ses livraisons à l'Europe et ses revenus.

"Elle veut aussi montrer qu'elle est un partenaire énergétique fiable pour l'Europe", ajoute-il.

Quelle implications diplomatiques ?

Dans un apparent souci de ne pas se mettre à dos Moscou, un allié de longue date, l'Algérie répète que ses capacités supplémentaires d'exportation vers l'Europe sont trop limitées pour se substituer au gaz russe.

Selon M. Dworkin, Alger "va probablement s'en tenir à une politique équilibrée pour préserver à la fois ses relations avec la Russie et l'Europe".

Il note que l'Algérie se fournit traditionnellement en armes auprès de Moscou mais aussi de pays européens comme l'Italie et l'Allemagne, et qu'elle s'est abstenue ou voté contre des résolutions adoptées à l'ONU pour sanctionner la Russie après son invasion de l'Ukraine.

"Mais préserver les liens avec la Russie, ne veut pas dire que l'Algérie va laisser passer des opportunités commerciales lucratives pour l'exportation" de son gaz, estime-t-il. (AFP)