International
Après une dizaine de décès, les Etats Unis vers l’interdiction des e-cigarettes. En Inde c’est fait
Il y avait un consensus mercredi à Washington à un colloque de l'industrie mondiale du tabac et de la nicotine: les temps sont durs.
Ces trois dernières semaines, l'Inde et l'Etat américain du Massachusetts ont décidé d'interdire la vente de cigarettes électroniques, tandis que deux autres Etats (New York et Michigan) ont prohibé les e-cigarettes aromatisées... dont Donald Trump a annoncé pour octobre l'interdiction dans l'ensemble des Etats-Unis (les goûts tabac resteront en vente, soumis à autorisation).
Même si l'Europe échappe pour l'instant au tour de vis, le produit qui devait représenter l'avenir se retrouve attaqué sur plusieurs continents. Pour les près de 400 participants du Forum mondial du tabac et de la nicotine, il est urgent de stopper ce qu'ils jugent être une précipitation irrationnelle des pouvoirs publics.
"C'est un moment charnière pour l'industrie", a reconnu Howard Willard, PDG du cigarettier géant Altria, premier actionnaire du leader américain des vapoteuses, Juul. "Le vapotage est à un point d'inflexion".
Le matin-même, face aux turbulences, le patron de Juul a été remplacé.
L'industrie est confrontée à deux problèmes. D'une part la popularité croissante du vapotage chez les jeunes. D'autre part a éclaté cet été une épidémie de maladies pulmonaires aigües et dans certains cas mortelles, apparemment liées à des recharges au cannabis achetées sur le marché noir, sans qu'on connaisse l'ingrédient toxique.
L'industrie est d'accord pour interdire la consommation aux moins de 21 ans, et blâme plutôt les pouvoirs publics pour n'avoir pas sévi contre les magasins vendant aux mineurs.
- "C'est fou" -
Mais interdire totalement les cigarettes électroniques est absurde, ont répété les intervenants, au nom du principe de la réduction des risques, la cigarette étant pire que les autres produits à la nicotine.
Sur des stands, les cigarettiers mettent en valeur ces alternatives moins nocives. Outre des dragées et poches à la nicotine, ils comptent sur des appareils qui chauffent le tabac, au lieu de le brûler.
Philip Morris International parie sur son IQOS: on insère une sorte de courte cigarette dans un appareil allongé, qui chauffe le tabac et dégage un aérosol présenté comme moins toxique.
Dans une session, Konstantinos Farsalinos, un cardiologue grec, s'en est pris à l'Inde, où un million de fumeurs meurent chaque année. "Ils ont interdit les produits à la nicotine les moins nocifs du marché!" s'est-il étranglé. "De la négligence de santé publique", a abondé un enseignant de l'université d'Ottawa.
Au Japon, les e-liquides à la nicotine ne sont pas autorisés, mais les cigarettes, si. "C'est fou", a dit Konstantinos Farsalinos.
Le sénateur de Caroline du Nord, Richard Burr, a dénoncé une "frénésie" et comparé la vague d'interdiction à une "chasse aux sorcières", accusant les Etats comme le Massachusetts d'avoir agi tout en ayant "zéro fait".
Les responsables de cette frénésie seraient d'abord les médias, qui mélangeraient les maladies pulmonaires de l'été et le problème des jeunes, sans prendre en compte que le vapotage serait le meilleur espoir pour les adultes qui voudraient arrêter de fumer.
"Nous ne pouvons pas laisser des hypothèses de désinformation guider la politique et devenir des vérités acceptées", a dit le PDG d'Altria.
Dans un autre panel, les intervenants ont vivement critiqué l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a réitéré cet été son hostilité aux e-cigarettes.
Parmi les superpuissances régulatrices, "l'OMS est de loin la pire et la plus dangereuse", a clamé Clive Bates, un consultant. L'organisation internationale a "un penchant général pour les positions extrêmes".
Mais pour sortir de cette crise, les industriels concèdent qu'ils doivent regagner en crédibilité.
La question de la communication se pose: Juul, qui a ciblé les jeunes sur Instagram jusqu'à 2018, a annoncé la cessation de toute activité publicitaire, mais tout le monde n'est pas sur cette ligne.
Certains veulent parler aux fumeurs et croient possible d'ériger une muraille entre plus et moins de 21 ans, même sur internet.
"Les produits de prochaine génération peuvent être promus de façon responsable auprès des consommateurs adultes", a assuré Ricardo Oberlander, PDG de Reynolds American, du groupe British American Tobacco.