Campagne présidentielle EN ALGERIE : Les candidats fuient les grandes villes du nord

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La campagne électorale pour la présidentielle en Algérie a débuté dimanche de manière discrète, sept mois après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, alors que le déroulement et l'issue de ce scrutin sont incertains en raison de son rejet par le mouvement de contestation.

Les cinq candidats en lice ont tous participé à ou soutenu les deux décennies de présidence Bouteflika et sont vilipendés par une bonne partie de la population.

Parmi eux, les ex-Premiers ministres Ali Benflis et Abdelmajid Tebboune, des septuagénaires, font figure de favoris. A leurs côtés: Azzedine Mihoubi, Abdelaziz Belaid et Abdelkader Bengrina.

La campagne, qui se terminera le 8 décembre à minuit, trois jours avant le scrutin, "s'annonce très difficile", avertit l'universitaire Mohamed Hennad. "J'espère qu'il n'y aura pas de violence et que la contestation demeurera pacifique".

Meeting chahuté 

En ce premier jour, aucun candidat n'a organisé de meeting à Alger ou dans une des grandes villes du nord, où le refus du scrutin est clamé chaque semaine.

M. Bengrina avait planifié une tournée dans la capitale avec la presse, tout en refusant d'indiquer à l'avance les endroits où il se rendrait.

Selon des médias locaux, le meeting d'Ali Benflis a quant à lui été chahuté à Tlemcen (nord-ouest d'Alger). Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la salle où le candidat devait animer un meeting et ont scandé "Benflis dégage", d'après les mêmes sources.

"Des personnes ayant tenté de semer le trouble ont été arrêtées", a ajouté l'agence officielle APS.

Le "Hirak", mouvement de contestation inédit apparu en février, ne faiblit pas -des manifestations massives continuent chaque semaine- et refuse plus que jamais la tenue d'une présidentielle.

Après avoir obtenu en avril le départ d'Abdelaziz Bouteflika, les contestataires s'étaient déjà opposés à une élection prévue le 4 juillet, qui avait été annulée faute de candidats.

Autre preuve que cette campagne est "rejetée", explique Mohamed Hennad à l'AFP, aucun candidat n'a jusque-là apposé ses affiches électorales sur les panneaux prévus à cet effet dans la capitale.

Dans certains endroits, "des affiches de détenus d'opinion ou la liste de leurs noms ont été collées sur ces panneaux. C'est tout un symbole", avance encore cet ancien professeur en Sciences politiques à l'université d'Alger.

Près d'une centaine de manifestants du Hirak sont détenus et/ou sont poursuivis en Algérie, selon le comité national de libération des détenus (CNLD).

"Rendez-vous crucial" 

Le général Ahmed Gaïd Salah, homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika, et le haut commandement militaire refusent tout autre scénario de sortie de crise qu'une élection présidentielle et rejettent la mise en place d'institutions de transition comme réclamé par les manifestants.

Samedi soir, le haut commandement a lancé un appel aux Algériens pour les "exhorter" à "participer activement aux côtés des forces" de sécurité afin d'"assurer la réussite de ce rendez-vous crucial pour l’avenir du pays".

Le communiqué de l'armée précise que les dispositions ont été prises afin de "permettre au peuple algérien de participer massivement à la campagne électorale et au prochain scrutin présidentiel en toute liberté et transparence."

Depuis près d'un mois, la télévision publique montre des manifestations dans certaines villes en faveur des élections et soutenant le général Gaïd Salah. 

A Alger, Youssef, étudiant de 22 ans, regarde les panneaux d'affichages vierges. "Loin des yeux, loin de la colère du peuple", dit-il. "Chiche! Qu'ils viennent dans les quartiers populaires afficher leurs portraits", lance son ami Mohamed Amine, 23 ans.

"Si ces élections sont honnêtes, alors la participation se résumera aux cinq candidats, leurs familles, leurs proches, les opportunistes qui les entourent et quelques milliers de votants. En étant très généreux, le taux de participation sera de moins de 10%", estime Mohamed Benbrahim, un octogénaire.

Dans le quartier populaire de Bab el Oued à Alger, Ahmed, un enseignant à la retraite, juge que cette présidentielle sera "enseignée dans les livres d'histoire". "Une élection avec des candidats, mais sans le peuple...".