Ce qu'il faut savoir sur les violences au Sénégal faisant jeudi 9 morts

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Des policiers tirent des gaz lacrymogènes depuis l'arrière d'une camionnette sur des manifestants à Dakar le 1er juin 2023, lors des troubles consécutifs à la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko. Un tribunal sénégalais a condamné jeudi le leader de l'opposition Ousmane Sonko, candidat à l'élection présidentielle de 2024, à deux ans de prison pour "corruption de la jeunesse", mais l'a acquitté des accusations de viol et de menaces de mort. (Photo GUY PETERSON / AFP)

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Le Sénégal a connu jeudi une éruption de violences qui a fait neuf morts après la condamnation à deux ans de prison de l'opposant Ousmane Sonko, l'une des journées de contestation politique les plus meurtrières de ces dernières années.

Comment en est-on arrivé là ? A quoi s'attendre ? Des éléments de réponse, face à beaucoup d'incertitudes.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis février 2021, les Sénégalais vivent au rythme du feuilleton qui met en scène M. Sonko, l'un des chefs de file de l'opposition, une jeune employée d'un salon de massage qui l'accuse de l'avoir violée à cinq reprises, et un certain nombre d'autres acteurs, y compris du pouvoir.

M. Sonko a toujours réfuté les viols dont il est accusé. Il crie au complot ourdi par le pouvoir pour l'écarter de la présidentielle de 2024, à laquelle il est candidat.

Jeudi, il a été acquitté des accusations de viols mais condamné à deux ans de prison pour avoir poussé à la débauche une jeune de moins de 21 ans, un délit au Sénégal. Cette condamnation devrait signifier son inéligibilité.

Lire aussi : Faut-il avoir peur pour le Sénégal ? – Par Naïm Kamal

Ses droits électoraux sont déjà compromis par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre, une autre manipulation de la justice selon lui.

M. Sonko dit refuser de connaître le même sort que deux autres concurrents du président Macky Sall, Khalifa Sall et Karim Wade, qui ont vu leur trajectoire interrompue par des affaires judiciaires.

La personnalité de M. Sonko divise. Mais il jouit d'une forte popularité auprès des jeunes et dans les milieux modestes, dans un contexte économique et social éprouvant.

Absent à son procès et au délibéré, il a été interpellé dimanche et ramené de force chez lui. Se disant "séquestré", il a appelé les Sénégalais à manifester "massivement".

Est-ce fini pour Sonko ?

Il n'a pas pris la parole depuis sa condamnation. Tous les accès à son domicile sont bloqués par les forces de sécurité qui repoussent par la force ceux qui cherchent à l'approcher. Ses avocats et ses soutiens dénoncent une assignation à résidence dénuée de fondement légal.

Le ministre de la justice Ismaïla Madior Fall a contesté que M. Sonko soit séquestré. Il a évoqué une mesure de "police administrative" consistant à "limiter ses mouvements" en raison de "ses appels à l'insurrection".

Le ministre a ajouté que la condamnation devait être exécutée et que l'opposant pouvait "être arrêté à tout moment". De nombreux Sénégalais s'alarment du potentiel explosif d'une arrestation.

Le ministre a assuré que M. Sonko ne pouvait pas faire appel de la décision du tribunal parce qu'absent au procès, il a été jugé par contumace. Me Ciré Clédor Ly, avocat de M. Sonko, s'inscrit en faux: les faits ont été requalifiés de crime en délit et M. Sonko n'est plus en état de contumace, qui s'applique en matière criminelle, dit-il.

Des juristes disent qu'en vertu des textes, M. Sonko doit être rejugé s'il se constitue prisonnier ou est arrêté.

Même si son sort devait être scellé judiciairement, la question d'un règlement politique pour dissiper les tensions, par l'aministie par exemple, reste posée.

Quel scénario à venir ?

Des hommes en tenue et armement de combat ont été déployés en différents points de la capitale, sans que l'AFP établisse clairement s'il s'agissait de soldats ou de gendarmes.

La situation restait tendue et paraissait susceptible de s'enflammer à nouveau.

La situation de M. Sonko n'est pas la seule source de tension. Les Sénégalais attendent depuis des mois de savoir si le président Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, se présentera à un troisième mandat en 2024. L'opposition et des défenseurs des droits disent que la Constitution le lui interdit et l'appellent à renoncer.

La loi fondamentale a été révisée en 2016. Elle stipule que la durée du mandat présidentiel est de cinq ans, et non plus sept, et que "nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs".

M. Sall a dit à plusieurs reprises par le passé qu'il ne ferait pas plus de deux mandats. Mais depuis des mois il entretient le flou. Du point de vue juridique, le débat est tranché, en faveur de la possibilité de se représenter, a-t-il dit. Restent les considérations politiques.

Pour décrisper le climat, il a lancé mardi un dialogue politique boycotté par une partie de l'opposition. Il a dit accepter qu'un troisième mandat fasse partie de la discussion. (AFP)

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