Crise libyenne : la réunion de Berlin fait du surplace

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Tous pays intéressés par le conflit en Libye ont pris part à la conférence de Berlin sauf les Libyens eux-mêmes. Ni Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d'union nationale (GNA) basé à à Tripoli, ni Khalifa Haftar, qui contrôle l'est libyen et l’essentiel de la production pétrolière du pays n’ont accepté de prendre part une conférence sous l'égide de l'ONU.

Les pays dits concernés par ce conflit ont promis dimanche de respecter un embargo sur les armes et de ne plus interférer dans ses affaires intérieures, pour tenter de ramener la paix dans ce pays déchiré par la guerre civile. Une décision du conseil de sécurité que personne n’a par ailleurs respecté. 

Ce qui fait que les conséquences de cet engagement pris lors de la conférence à Berlin sur le terrain, où règne une trêve des combats précaire entre les deux camps, restent incertaines.  Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, qui avait déjà échoué à faire assoir les deux protagonistes à la même table à la rencontre du lundi 13 janvier de Moscou cornaqué par Vladimir Poutine te Tayyip Erdogan, a reconnu que si la conférence avait été "très utile", le fossé restait béant entre les deux hommes. "Il est clair qu'on n'a pas réussi pour l'instant à lancer un dialogue sérieux et stable entre eux", a-t-il déclaré à la presse à Berlin.

L’échec annoncé de la conférence de Berlin est accentué par le silence radio des deux principaux protagonistes de la crise : le gouvernement d'union (GNA) de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli (ouest), et le maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est libyen. Aucun des deux bélligérants ne s'est pronnoncé sur les résultats de la réunion.

Les armes ont à l'inverse continué de parler par intermittences au sud de Tripoli dans la nuit de dimanche à lundi, malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le 12 janvier. Des tirs d'armes lourdes ont aussi été entendus depuis le centre-ville, avant qu'un calme relatif ne revienne.

Au niveau du Maghreb, seule l’Algérie qui a amassé ses troupes à ses longues frontières, près de 1000 Km, avec la Libye a été présente à Berlin par son président Abdelmajid Tebboune qui tente de revigorer la diplomatie de son pays. La Tunisie, invitée de dernière minute a décliné l’invitation, tandis que le Maroc écarté par Berlin a fait part dans un communiqué de « son profond étonnement quant à son exclusion de la conférence » au sujet de la Libye, précisant que « le Royaume du Maroc a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne. Il a joué un rôle décisif dans la conclusion des accords de Skhirat, qui sont, à ce jour, le seul cadre politique – appuyé par le Conseil de Sécurité et accepté par tous les protagonistes libyens – en vue de la résolution de la crise dans ce pays maghrébin frère. » Rabat a par ailleurs souligné ne pas comprendre ni les critères ni les motivations qui ont présidé au choix des pays participant à cette réunion » précisant que « pays hôte de cette conférence, qui est loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux. »

La veille de la réunion de Berlin le Roi Mohammed VI avait reçu un appel téléphonique du président français, Emmanuel Macron. Selon un communiqué du Cabinet royal, « l’entretien a porté, particulièrement, sur la crise libyenne, à la veille de la réunion prévue à Berlin, ce 19 janvier. » Le communiqué précise qu’à « cette occasion, le rôle important du Royaume du Maroc et ses efforts reconnus, depuis de longues années, en vue de la résolution de la crise dans ce pays maghrébin ont été soulignés. Ces efforts ont, notamment, produit l’accord de Skhirat, entériné par le Conseil de sécurité et soutenu par la communauté internationale".


"Petit pas" 

Devant l’échec patent de la conférence, M. Lavrov aussi bien que la chancelière allemande Angela Merkel, hôte de la conférence, ont parlé d'un "petit pas en avant", tout en reconnaissant que beaucoup restait à faire pour parvenir à la paix. Ce qui vaut aveu d’échec. 

Le seul point peut-être à retenir de la réunion de Berlin est que les dirigeants de onze pays, à commencer par la Russie et la Turquie qui jouent un rôle-clé en Libye, ont souligné dans une déclaration commune "qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit", selon le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, bien contraint de par ses fonctions à l’optimisme.

"Tous les participants se sont engagés à renoncer à des interférences dans le conflit armé ou les affaires intérieures de la Libye", a indiqué M. Guterres, alors que la Turquie soutenu par Qatar soutient en hommes et en armes le GNA et que la Russie est soupçonnée d'appuyer le maréchal Haftar, aux côtés de la France, de l'Egypte, de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Janvier dernier  

Les participants ont aussi promis, promesse qui n’engagent que ceux qui y croient, de respecter l'embargo sur les livraisons d'armes à la Libye, décrété par l'ONU en 2011 mais resté largement lettre morte.

Depuis la reprise des combats entre camps rivaux en Libye en avril 2019, plus de 280 civils et 2.000 combattants ont été tués et, selon l'ONU, plus de 170.000 habitants ont été déplacés. Le pays est dans le chaos et miné par les violences et les luttes de pouvoir depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Le chef de l'Etat français Emmanuel Macron, soupçonné par ses alliés européens de faire bande à part en soutenant le maréchal Haftar, a demandé lui l'arrêt de l'envoi de miliciens syriens pro-turcs et de militaires turcs pour soutenir le GNA.

"Vive inquiétude" 

"Je dois vous dire la vive inquiétude que m'inspire l'arrivée de combattants syriens et étrangers dans la ville de Tripoli, il faut que cela cesse", a-t-il affirmé.

L'ONU espère surtout que cette conférence renforcera la trêve entrée en vigueur le 12 janvier à l'initiative de la Russie et la Turquie.

Une rencontre entre représentants militaires des deux camps devrait pouvoir se tenir "dans les prochains jours" selon l'ONU pour transformer cette accalmie en cessez-le-feu "permanent", comme les participants au sommet de Berlin l'ont appelé de leurs vœux.

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a parlé de "progrès" faits à Berlin vers "un cessez-le-feu complet", même "s'il reste des questions" sur la capacité de la communauté internationale à en vérifier la réalité. 

Pour Emadeddin Badi, expert au Middle East Institute, le résultat du sommet est plutôt "décevant", compte tenu "de l'importance des dirigeants" présents.

Les cours du pétrole étaient en hausse lundi après-midi, de plus de 1% sur les marchés asiatiques, du fait de l'inquiétude pour l'offre provoquée par le blocage des principaux terminaux pétroliers de l'Est de la Libye par les forces pro-Haftar.

- Force internationale ? -

Des escarmouches sont signalées presque quotidiennement, y compris le jour du sommet au sud de Tripoli. Et le camp Haftar a bloqué les exportations de pétrole libyennes, seule véritable source de revenus du pays, à la veille du sommet de Berlin.

Dans ce contexte, le chef du GNA a demandé dimanche l'envoi dans son pays d'une "force militaire internationale" sous l'égide de l'ONU.

Elle aurait pour mission de "protéger la population civile", a-t-il dit, faisant écho à des propos similaires cette semaine du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Plusieurs dirigeants, notamment les chefs de gouvernement italien et britannique, se sont dits ouverts dimanche à l'idée de l'envoi d'une mission internationale, voire d'une force, pour aider à garantir un cessez-le-feu, une fois qu'il aura été agréé entre les deux camps.

Les pays de l'UE doivent commencer à débattre lundi à Bruxelles d'une contribution dans ce domaine.

Quid avec MAP et AFP