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Élections Nigérianes : Continuité ou ruptures ? Par Samir Belahsen
La couverture du journal Vanguard, l’un des rares au Nigeria considéré comme indépendant du contrôle politique, célébre le candidat du parti au pouvoir, All Progressives Congress (APC), Bola Tinubu, comme président élu après l'élection présidentielle à Lagos, le 1er mars 2023. (Photo par Pius Utomi EKPEI / AFP)
« Ces idées de lutte entre deux agents opposés, d'antagonisme entre la vie et la mort, la santé et la maladie, la nature brute et la nature animée, ont fait leur temps. Il faut reconnaître partout la continuité des phénomènes, leur gradation insensible et leur harmonie. »
Claude Bernard
« On ne peut espérer aucune continuité dans l’existence. »
Yasmina Reza
Le 25 février, les électeurs nigérians se sont rendus aux urnes pour élire leur nouveau président et leurs représentants parlementaires. Le candidat du parti au pouvoir au Nigeria, le Congrès des progressistes (APC), Bola Tinubu, 70 ans, a été déclaré vainqueur.
Ancien membre du groupe pro-démocratique National Democratic Coalition (Nadeco), il a dû militer contre Abasha et son régime militaire et avait été contraint à l’exil. Et depuis que le pays a abandonné le régime militaire en 1999, ce dernier scrutin est la septième élection générale organisée au Nigeria.
Les partis d’opposition des deux autres principaux candidats, le PDP d’Atiku Abubakar et le parti travailliste de Peter Obi, ont réclamé l’annulation du scrutin du 25 février et la démission du président de la commission nationale électorale.
Le président sortant du Nigeria Muhammadu Buhari a salué mercredi la victoire de Bola Tinubu. Pour lui "le peuple a parlé".
Félicitant Bola Ahmed Tinubu, il déclaré qu’il était la meilleure personne pour ce poste, invitant ceux qui "ressentent le besoin de contester cette élection [...] de s'adresser aux tribunaux et non à la rue". Même s’il admet des failles dans le processus électoral, il n’en demeure pas moins à ses yeux que ‘’le peuple a parlé", ces failles ne constituant pas un "problème" assez important pour nuire à la "régularité" de cette élection".
Le Nigéria, le plus grand pays d’Afrique
Les enjeux de ces élections concernaient toute l’Afrique. Ils nous concernent nous Marocains à plus d’un titre.
Première économie du continent, avec un PIB de plus de 400 milliards de dollars et plus de 200 millions d’habitants, le Nigéria pèse de tout son poids sur le présent et l’avenir du continent.
Bola Tinubu, Jagaban pour ses partisans, est attendu sur deux questions centrales.
D’abord la situation sécuritaire, en plus de la crise des enlèvements contre rançon et de la multiplication des gangs, l’insurrection djihadiste au nord est une sérieuse menace pour toute la région qui a vu les coups d'État militaires se multiplier (Burkina Faso, Mali et Guinée).
Les question économiques qui se posent vont de la gestion des nouveaux billets de banque aux grands choix stratégiques telles les choix concernant les Oléoducs et les raffineries, amélioration de la production pétrolière en encourageant l’investissement dans le secteur notamment par plus de visibilité fiscale, la lutte contre les mafias pétrolières, la mise en œuvre de la nouvelle monnaie ouest-africaine l'Eco etc.
La victoire du parti, congrès des Progressistes (APC), reste très relative : les gouverneurs des différents États ont des ressources et des prérogatives. D’ailleurs le nouveau président a déclaré mardi soir : « C’est un pays que nous devons construire ensemble, en recoller les morceaux brisés. Nous devons travailler dans l’unité. »
Maroc-Nigéria : Une histoire et des opportunités
Le président Bola Tinubu, qu’on surnomme "le parrain" en raison de sa grande influence politique, musulman, est membre de l’ethnie Yoruba, l’une des plus grandes ethnies d’Afrique qui avait son propre royaume au huitième siècle.
Au-delà des anciennes relations historiques et de l’opposition sur le terrain du Maroc à la sécession du Biafra, la relation du Maroc avec le Nigéria ne cesse de s’améliorer depuis l’alternance politique et l’élection de Buhari en 2015.
En langage diplomatique, on devrait souhaiter que les échanges commerciaux soient au même niveau que l’amitié Maroco- nigériane.
On devrait souhaiter clairement qu’avec le nouveau président, on franchirait de nouvelles étapes pour raffermir les relations politiques et économiques entre les deux pays en concrétisant les projets actuels et en profitant des nouvelles opportunités.
Le principal projet en cours est le gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), long d’environ 6 000 km, qui devrait traverser treize pays africains sur la façade atlantique pour acheminer le gaz nigérian jusqu’au Maroc ou il serait connecté au Gazoduc Maghreb Europe (GME).