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Heurts violents avec la police après une vaste manifestation d'indépendantistes catalans
La police catalane a dispersé samedi soir plusieurs milliers de militants après une marche pacifique de 350.000 manifestants indépendantistes au centre de Barcelone, nouvelle démonstration de masse contre la condamnation de dirigeants séparatistes pour avoir tenté de faire sécession de l'Espagne.
A la nuit tombée, les unités anti-émeutes catalanes ont chargé à plusieurs reprises et tiré des balles de mousse pour repousser quelque 10.000 manifestants rassemblés près du quartier général de la police à l'appel des Comités de défense de la république (CRD), groupuscules radicaux.
Pendant des heures, les militants, jeunes pour la plupart, les avaient nargués en leur lançant des bouteilles, des canettes en métal ou des pétards, et leur criant "dehors les forces d'occupation", ou même "fils de Franco", du nom du dictateur qui a gouverné l'Espagne de la guerre civile de 1936-1939 jusqu'à sa mort en 1975.
Ces escarmouches étaient loin d'atteindre l'intensité des affrontements de la semaine précédente, qui avaient fait plus de 600 blessés, dont 289 policiers, dans les jours qui ont suivi la condamnation par la Cour suprême de neuf leaders séparatistes à des peines de jusqu'à 13 ans de prison.
L'après-midi avait commencé dans une ambiance festive. Quelque 350.000 personnes, selon la police municipale, avaient répondu à l'appel des deux grandes associations Assemblée nationale catalane et Omnium cultural.
"Nous manifestons pacifiquement, nous ne sommes pas violents contrairement à ce que disent les médias espagnols", a assuré Manuela Muñoz, 57 ans, employée dans une usine chimique.
Les manifestations, pacifiques depuis leur début en 2012, avaient pourtant dégénéré en violences pour la première fois après la condamnation le 14 octobre des leaders sécessionnistes.
Au soir même de la sentence, des milliers de personnes avaient tenté de paralyser l'aéroport de Barcelone, se heurtant à la police qui les a empêchés d'entrer.
Puis, du mardi au vendredi, l'agitation dans les principales villes de cette région de 7,5 millions d'habitants avait tourné en scènes de guérilla urbaine.
Barricades en feu, jets de pavés, de billes d'acier et de cocktails Molotov contre la police qui ripostait avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc ou en mousse.
"Dialogue sans condition"
Dimanche, la rue sera aux anti-indépendantistes. Ils veulent "dire +ça suffit+ à la violence que nous avons vécue et à la confrontation" cherchée par le gouvernement régional séparatiste, a expliqué à l'AFP le président de l'association Societat civil catalana, Fernando Sánchez Costa.
Son organisation a déjà organisé deux grandes marches de la "majorité silencieuse" opposée à l'indépendance, après la tentative de sécession de 2017.
"C'est un message important pour la Catalogne, l'Espagne et le monde, où l'on confond souvent indépendantisme et Catalogne", alors que "nous sommes la majorité", a-t-il souligné.
Des membres du gouvernement socialiste espagnol, dont le ministre des Affaires étrangères, le catalan Josep Borrell, prochain chef de la diplomatie européenne, se joindront à la marche.
Les élus de l'opposition de droite aussi, qui réclament au gouvernement des mesures exceptionnelles contre les violences en Catalogne, à l'approche des élections législatives du 10 novembre. Le chef de l'exécutif Pedro Sánchez s'y refuse jusqu'à présent.
A Madrid, dans une forêt de drapeaux espagnols, le chef du parti d'extrême droite Vox, Santiago Abascal, a dénoncé samedi devant des milliers de ses partisans --20.000 selon la police-- "la trahison des socialistes" face "au séparatisme criminel".
Son parti a pris pied au parlement en avril en remportant 24 sièges sur 350 mais plusieurs sondages récents en font la troisième force au parlement lors du prochain scrutin.
Arrivé au pouvoir en juin 2018 en partie grâce aux votes des séparatistes catalans, Pedro Sanchez avait entamé avec eux un dialogue qui a vite tourné court.
Il ignore depuis les appels du président de la région Catalogne, l'indépendantiste Quim Torra, qui demande un "dialogue sans condition", une façon d'exiger que le gouvernement accepte un referendum d'autodétermination. Madrid considère que la Constitution ne le permet pas.
"Nous ne parlerons pas d'un droit à l'autodétermination qui n'existe pas, ni dans cette démocratie ni dans aucune autre", a déclaré samedi à la presse la numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo.