LE PLUS DIFFICILE EST LE CHEMIN ! LE PLUS COURT EST LA RÉSIGNATION !  Amadou Lamine Sall confie ses rêves pour le ‘’Sénégal de Faye-Sonko’’

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Nous rêvons de voir un jour le gouvernement du Sénégal proposer à Trump une aide au développement dédiée, ciblée pour l’acquisition d’abris et de nourriture destinées aux Américains sans logis et Le Seigneur sait qu’ils sont nombreux. Cette aide au développement du Sénégal pourrait s’étendre à la France                                                                             

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Le président-poète, premier chef d’Etat du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, disait d’Amadou Lamine Sall, l'un des poètes majeurs de l’Afrique francophone contemporaine, qu’il était le poète le plus doué de sa génération. Lauréat de nombreux prix et membre de l’Académie mondiale de la poésie, Lamine Sall raconte dans ce beau texte pourquoi « Regarder aujourd’hui le Sénégal tel qu’il est, est réconfortant par rapport au reste de (leur) sous-région, mais cela ne saurait suffire. Les révolutions ne se mangent pas, dit-il, et pire, elles ne donnent pas à manger ! »

« Au bout de la patience, il y a le ciel. Le temps vient lentement du désert et il n’est pas pressé, car il transporte l’éternité. » Gouverner, c’est apprendre chaque jour comment échapper au peloton d‘exécution ! Le peuple qui vous élit ne s’adresse pas, en vérité, à vous. Il s’adresse à l’espoir que vous portez. Alors, vous avez intérêt à transformer en essai gagnant vos tirs ! Le pari du nouveau gouvernement est d’arriver à « réconcilier des contraires : patience et vitesse, précision et imagination. » Il le faudra bien, puisque le temps presse et qu’il n’est point comptable des accusations et des invectives publiques. Ces dernières ne peuvent pas être les seules réponses à l’attente des citoyens. 

Dans notre si cher pays, une toile commence à se dessiner pourtant sous nos yeux encore embués. On sent la présence de l’araignée. On nous tisse des abris. D’abord contre nous-mêmes. N’est-ce pas que le prophète Muhammad a été sauvé par la toile d’une araignée ? Quelque chose se lève mais le vent de l’impatience empêche de l’entendre se lever ! Veillons ! Écoutons ! 

Regarder aujourd’hui le Sénégal tel qu’il est, est réconfortant par rapport au reste de notre sous-région, mais cela ne saurait suffire. Les révolutions ne se mangent pas et pire, elles ne donnent pas à manger ! « Les projets économiques ne se réalisent pas seuls. La croissance des marchés, des investissements, des innovations, ne se fait pas d’elle-même. Elle a besoin de passerelles culturelles, de rendre possible la rencontre et la confiance. » 

« La vie est la première partie de la mort », dit-on. L’échec pourrait être le premier pas vers la réussite ! A notre pays, nous ne pouvons souhaiter que la réussite et le sucés. L’exigence de réussite doit être notre hymne ! Et cette exigence ne relève pas seulement de l’État, mais également du peuple et de tous les citoyens. Il nous faut cultiver l’émulation et non la rivalité et la confrontation. Œuvrer et travailler ensemble à la lumière de la même chandelle.

Soyons notre propre chandelle, notre propre lumière. Nous avons lu la réaction du Premier ministre Ousmane Sonko sur le financement à coût de milliards de l’USAID que Trump, un tambour à subir pour quatre ans, a désormais stoppé. Le Premier ministre s’en réjouit presque en pensant que cela nous apprendra à d’abord compter sur nous-mêmes ! Nous adhérons à cette posture. Mais attention. Pensons aux mots de Senghor : je le cite : « Je veux l’Afrique, mais je ne combattrais pas la machine, car elle seule vaincra la misère. » Pour dire que nous ne nous développerons pas seul, fermé au monde !

Certes la révolution systémique engagée nous interdit désormais de subir et de quémander toute « aide au développement », mais pas l’échange ! J’avoue que « l’aide au développement » m’a toujours fait sourire et intrigué. Comment des pays dits riches de l’UE, économiquement handicapés, au taux d’emprunt faramineux, peuvent-ils aider l’Afrique à se développer ? Un leurre ! Mais construisons toujours des ponts. Ils sont plus louables que des murs ! Les murs sont des impasses !

Nous rêvons de voir un jour le gouvernement du Sénégal proposer à Trump une aide au développement dédiée, ciblée pour l’acquisition d’abris et de nourriture destinées aux Américains sans logis et Le Seigneur sait qu’ils sont nombreux. Cette aide au développement du Sénégal pourrait s’étendre à la France, en ciblant les nombreux démunis et vieillards délaissés et abandonnées par leur famille. Au-delà d’un devoir d’humanité, nos religions musulmanes et chrétiennes nous y invitent partout où la solitude, le manque et l’isolement sévissent, humilient, dégradent l’être humain. Ces maladies sont pires que la famine et la mort, cette « déesse du sommeil. » 

Le Sénégal est producteur de pétrole, de gaz. Ses richesses minières ne sont pas négligeables : « fer, or, cuivre, tourbe, chrome, lithium, uranium avec un socle précambrien, province métallogénique important, phosphates d’alumine, argiles céramiques, pierres ornementales comme le marbre, le granite, sables lourds comme le zircon, le titane, sables extra siliceux comme la verrerie. » Depuis fin 2024, le Sénégal compte 18, 70 millions d’habitants ! La belle France que nous aimons mais qui laidit, ne compte aucun minerai majeur. La Guyane lui donne un tout petit peu d’or, la Nouvelle Calédonie du nickel. C’est le Mali, comme colonie, avec « 860 mines d’or en activité avec une production annuelle de 60 tonnes » et l’uranium du Niger, qui ont fait le bonheur de la France râleuse, jadis si lettrée et si accueillante. Elle compte une population de 68,17 millions d’habitants.

Comment comprendre alors, en faisant la comparaison des richesses minières et du nombre d’habitants, que le Sénégal soit un pays dit pauvre et la France dit riche ? Ce qui a fait la différence, entre autres, n’est rien d’autre que trois éléments majeurs et irréfutables : l’industrialisation, la formation, l’éthique citoyenne et professionnelle ! L’Europe s’industrialise avec les minerais africains et l’Afrique s’appauvrit avec des richesses laissées aux autres.

La vérité, une fois encore, est qu’il n’existe pas de pays sous-développés. Il n’existe que des femmes et des hommes sous-développés, c’est-à-dire sans éducation, sans formation, sans culture. Sous cet angle, le pays de Léopold Sédar Senghor et de Cheikh Anta Diop, relaye bien loin l’Amérique de Trump, analphabète scellé et accompli, qui ne saurait même pas situer son pays sur une carte, régnant sur un pays-continent où l’enseignement public paralytique et pourri, ne produit, de plus en plus, que des millions de délaissés pour compte destinés à la rue, au chômage endémique, à la drogue, la criminalité. Si certains pays sont dits riches, ils ne sont riches que de leurs pauvres minutieusement et pernicieusement exploités, isolés, enfermés dans l’ignorance. 

Les grands hommes d’État ne sont pas venus au pouvoir après de grandes calamités publiques, mais bien à la suite de grands désamours sociaux ! Le chef est de l’opinion du peuple jusqu’à ce que le chef se rende compte que l’opinion du peuple ne correspond plus à l’opinion de sa caisse et de ses promesses électorales. Alors, le chef se dit qu’il va droit lui-même et par lui-même, vers son propre coup d’État social ! Il s’en rend compte lui-même quand il demande l’heure à son peuple. Ce dernier lui répond : « minuit » alors que la vraie réponse et qui rassure est : « minuit, Monsieur le Président. »

Il ne faut jamais apprendre à un peuple que devant le manque, l’injustice et l’iniquité, obéir à la loi « cesse d’être un devoir. » Nous devons lire et voir toujours dans la République « la forme aboutie d’une société » juste et solidaire. Il ne faut jamais laisser la politique l’emporter sur la République ! Ne mêlons jamais nos voix à celles qui applaudissent la politique et maudissent la République ! Bien sûr, cette dernière n’est pas exempte de reproche quand elle donne, les yeux bandés, l’image durable d’un voyou que la justice toujours acquitte et protège.

Nous croyons au « refus de l’ordre établi » quand l’ordre ne sert que le chef. Nous sommes pour la volonté de changement.  Nous sommes pour « la différence et la singularité. Le premier devoir d’un homme d’État, dans l’épreuve, consiste à agir, à rassembler, à mobiliser. » Il s’agit de faire preuve « d’énergie, de gravité, de responsabilité, de combat, de labeur inlassable. » Certains principes restent moteurs de tout vrai changement : « l’esprit d’indépendance ! La volonté de justice », connaître et respecter son histoire, défendre sa culture et son patrimoine, tisser des liens, créer des ponts. 

Jacques Chirac dit un jour ceci à celui qui compte parmi mes amis les plus touchants, les plus courageux et les plus lettrés, Dominique de Villepin, qu’il rencontrait pour la première fois, comme maire de Paris : « Cher Dominique, les hommes politiques ont besoin de gens qui leur disent la vérité, pas de flatteurs. »

Aujourd’hui, « héros et bouchers » se confrontent par le monde ! La guerre, la barbarie, le sang, le rejet de l’autre, l’intolérance, dominent le monde ! L’horreur est franchie entre Israël et la brave Palestine, la Russie et l’Ukraine. Certains ont fini par faire mieux et plus qu’Hiroshima, la Shoah, le Cambodge, le Rwanda, l’Irak. Ils ont « perfectionné l’art » de tuer et d’être impunis ! Il est temps de refaire autrement la politique !

Mon pays le Sénégal perfectionne l’art de vivre, d’aimer, de s’opposer. Selon ses valeurs et sa culture. Il lui reste l’art du culte du travail, du civisme et de la discipline, sans lequel il ne pourrait exister aucun développement. L’école est fondamentale mais quand elle sert le savoir.

Il reste aux politiques, partout, à cesser « l’élevage » des pauvres ! Les peuples doivent cesser de miser sur un Président comme sur un cheval. Un Chef d’État n’est pas un cheval de course. Il a plutôt besoin de temps et de patience. Par ailleurs, les peuples n’ont plus le temps de bien rêver pour mieux voter, car pour rêver il faut avoir le temps de bien dormir et ils ne dorment pas. Ils cherchent, terrifiés, à survivre ! Ceux qui, souvent, osent réclamer du pain, on leur sert des cadavres ! Notre terre n’est pas belle et Dieu ne viendra pas nous aider. Nous avons trahi Son Message et désappris de Ses Envoyés !

A nos compatriotes, nous disons notre développement doit cesser d’être un combat assumé et porté seul par l’État. Notre destin, nous appartient en premier, chacune, chacun. Nous voudrions dire ici aux jeunes Sénégalais de dix à quinze ans, ceci : «  La culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre. »

Février 2025.

* Lauréat des Grands Prix de l’Academie française et membre de l’Academie mondiale de poésie.

-Lauréat du Prix international de poésie Tchicaya Utamsi d’Assilah.

-Lauréat international du prix de poésie africaine de Rabat. 

-Lauréat de prix de poésie en France, Italie, Roumanie, Québec, en Chine.

- Amadou Lamine Sall est entré comme poète dans le dictionnaire  

-Sa poésie est au programme de nombre de lycées et d’universités par le monde. Son œuvre est traduite dans plusieurs langues internationales.

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