Le Premier ministre français ouvre mardi les travaux d'une Assemblée comme lui en sursis

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Le Premier ministre français Michel Barnier prononce un discours lors du 130e Congrès national des sapeurs-pompiers de France, au Parc des expositions de Macon, dans le centre-est de la France, le 28 septembre 2024. (Photo Alex MARTIN / AFP)

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Par Stéphanie LEROUGE (AFP)

Le Premier ministre français Michel Barnier ouvre mardi les travaux du Parlement avec sa déclaration de politique générale sans solliciter un vote de confiance, conscient de la fragilité de son gouvernement face à une Assemblée elle-même promise par beaucoup à la dissolution.

"Je suis là depuis 20 jours, je ne sais pas pour combien de temps", compte tenu "de la situation (...) inédite à l'Assemblée nationale", a reconnu samedi le chef du gouvernement français, à l'occasion d'un déplacement dans l'Est de la France.

"Mais je suis là comme quelqu'un qui engage un long chemin (...) avec beaucoup de détermination", a-t-il ajouté.

Les récentes législatives anticipées en France - convoquées par le président Emmanuel Macron après l'échec cuisant de son parti aux élections européennes début juin - n'ont pas permis de dégager de majorité. L'Assemblée est fragmentée en trois blocs irréconciliables: la gauche, arrivée première aux élections mais pourtant absente du gouvernement, le centre droit macroniste, et l'extrême droite, en position d'arbitre.

Un nouveau gouvernement, emmené par Michel Barnier, a fait ses premiers pas le 23 septembre. Ce nouvel exécutif était né dans la douleur, après 15 jours de tractations menées M. Barnier. La couleur de l'équipe gouvernementale penche nettement vers la droite, famille politique dont est issu Michel Barnier.

Le chef de file de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a estimé que ces législatives avaient été "volées aux Français". La colère est d'abord tournée contre Emmanuel Macron, accusé par ses opposants de "coup de force démocratique".

Attendu au tournant 

Mardi, la pression sur Michel Barnier s'exprimera aussi dans la rue, avec des manifestations dans toute la France pour demander l'abrogation de la réforme des retraites et l'augmentation des salaires, à l'appel de plusieurs syndicats.

Peu de choses ont filtré depuis la nomination de Michel Barnier le 5 septembre sur les lignes directrices qu'il entend donner à sa politique.

Son entourage a annoncé lundi que le Premier ministre, à l'instar de son prédécesseur Gabriel Attal, ne solliciterait pas de vote de confiance mardi à l'issue de sa déclaration de politique générale, dans laquelle il présentera sa feuille de route.

Chaque nouveau chef de gouvernement en France prononce devant le Parlement une déclaration de politique générale, à l'issue de laquelle a lieu un débat, qui peut être suivi ou pas d'un vote.

M. Barnier se sait attendu au tournant, par les groupes du "socle commun" qui soutiennent son action - la droite et les trois partis du camp présidentiel - mais aussi par l'extrême droite, qui l'a placé "sous surveillance", et peut à tout moment le faire tomber en joignant ses voix à celle de la gauche pour faire adopter une motion de censure.

Le gouvernement va devoir s'atteler au plus vite à la difficile tâche de faire adopter avant le 31 décembre par le Parlement les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale, dans un contexte financier en France particulièrement dégradé.

La plupart des acteurs politiques s'attendent à ce que l'exécutif français doive, comme l'an dernier, en passer par dix 49.3 (cette disposition de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote), qui seront autant d'occasions de censure.

"Rien" à l'agenda 

Hormis ces lois budgétaires, les parlementaires se demandent bien sur quels textes ils vont pouvoir travailler, compte tenu de la difficulté à faire émerger des majorités à l'Assemblée nationale.

Michel Barnier va-t-il reprendre le projet de loi sur la fin de vie, dont ne veulent pas ses ministres conservateurs ? Introduire la proportionnelle aux élections, à laquelle la droite est hostile ? Que vont devenir les projets de loi mis entre parenthèses avec la dissolution comme ceux sur l'agriculture ou le logement ?

A l'Assemblée, le risque est "que ça vivote mais que ça ne produise rien", se désole une ancienne ministre, qui ne voit "rien" à l'agenda de l'Assemblée en octobre, si ce n'est le 31 octobre la "niche" réservée aux textes du Rassemblement nationale (RN - extrême droite), et peut-être des propositions de loi transpartisanes.

L'Assemblée n'est d'ailleurs pas totalement en ordre de bataille pour travailler, avec une vice-présidente et trois présidents de commission nommés au gouvernement, et pas encore remplacés.

Cette assemblée mal-née pourrait elle-même n'avoir qu'une durée de vie assez limitée.

Beaucoup de députés s'attendent à une nouvelle dissolution dès que la Constitution le permettra, soit dès l'été 2025, un an après les législatives anticipées.