Le sommet de Bahreïn, un sommet du réalisme et de l'absence de fanfaronnades – Par Hatim Bettioui

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Le sommet de Manama n'a pas connu de divergences susceptibles d'accentuer les divisions dans le monde arabe, déjà largement fracturé par les crises et les conflits

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Les personnes qui ont suivi le sommet arabe, tenu dans la capitale bahreïnie Manama le 16 mai, sont unanimes pour décrire cet événement comme le "sommet du réalisme". C'est la première fois dans l'histoire des 32 précédents sommets arabes qu'il se tient dans cette ville.

Tout s'est déroulé en douceur et dans le calme. Les voix qui se sont élevées dans le palais de Sakhir étaient raisonnables, sensées et empreintes de sagesse, sans les bravades inutiles qui, selon les termes du poète syrien défunt Nizar Qabbani, "n'ont jamais abattu un char".

Ces transformations dont a tant besoin le monde arabe

Ce réalisme s'est incarné dans le discours inaugural prononcé par le roi de Bahreïn, Hamad bin Isa Al Khalifa, qui a lancé plusieurs initiatives. Parmi les plus importantes, son appel à la tenue d'une conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient et le soutien à la reconnaissance pleine et entière de l'État de Palestine et à son adhésion à l'ONU. Il a également proposé de fournir des services éducatifs et de santé aux personnes affectées par les conflits dans la région.

Pour contribuer à la stabilité et au développement de la région, le roi de Bahreïn a aussi lancé une initiative visant à développer la coopération arabe dans le domaine des technologies financières et de la transformation numérique.

La région arabe a effectivement besoin de réformes adaptées aux avancées technologiques et à la transition numérique, sans oublier les questions liées aux changements climatiques et l'urgence de les traiter sans retard. Il est également nécessaire de mettre en place de nouvelles bases et mécanismes pour attirer massivement les investissements internationaux, en travaillant pour atteindre ces objectifs par le biais de la coopération arabe commune et de ses partenariats internationaux.

Le sommet de Manama n'a pas connu de divergences susceptibles d'accentuer les divisions dans le monde arabe, déjà largement fracturé par les crises et les conflits. Au contraire, il s'est déroulé avec fluidité et a été bien organisé, sous la direction du roi Hamad et de son jeune héritier, le prince Salman bin Hamad bin Isa Al Khalifa, assurant ainsi son succès.

Le niveau de participation des rois, présidents et émirs arabes au sommet a été satisfaisant. Bien que certaines figures importantes aient été absentes, la présence des pays du Golfe a été notable et conforme aux attentes.

Entre deux mers, l’eau douce

Avant que notre avion n'atterrisse à l'aéroport de Manama, la mer vue d'en haut ressemblait à un tapis bleu parsemé de teintes azurées, et l'île de Bahreïn apparaissait comme un havre de paix, bien qu'elle soit située dans une région où les vagues de la politique s'entrechoquent parfois violemment.

Bahreïn est un archipel composé de 33 îles, la plus grande étant l'île de Bahreïn (591 km²), représentant environ 83 % de la superficie totale du royaume, qui est d'environ 757,5 km².

Le nom "Bahreïn", l'un des plus anciens de la région, provient de la présence de sources d'eau douce au milieu des eaux salées de la mer. Cependant, Bahreïn a longtemps été le premier à souffrir des effets des changements climatiques.

Bahreïn connaît bien sa taille et, avec modestie, son emplacement stratégique unique dans la région du Golfe. Mais elle ne manque jamais de jouer un rôle positif lorsqu'il s'agit d'instaurer la paix. Des archéologues ont découvert des preuves et des vestiges confirmant la position de Bahreïn comme centre commercial et maritime clé entre l'Est et l'Ouest. C'est un pays qui émerge des profondeurs de l'histoire, ayant été le siège des civilisations de "Dilmun", puis "Tylos" et "Awal". Historiquement, elle a été décrite comme "la terre de l'immortalité" ou "la terre du paradis suprême", en raison de sa renommée pour ses sources d'eau douce et ses forêts de palmiers, ainsi que pour son rôle de pont vital entre les civilisations phéniciennes du Levant, la Mésopotamie en Irak et la vallée du Nil en Égypte.

Depuis le premier siècle après Jésus-Christ, Bahreïn était appelée "Tylos", et lorsque Néarque est venu la découvrir sur ordre d'Alexandre le Grand, elle était un centre de commerce de perles et si seulement celles-ci pouvaient témoigner elles raconteraient les épopées des peuples et des ethnies qui sont passés par ici à leur recherche.

De complexité en complexité

Le sommet de Bahreïn n’a pas réussi à accomplir ce que les sommets précédents n’ont pu réaliser, dont les déclarations finales ont toujours rabâché les mêmes décisions, terminologies, rhétoriques politiques et diplomatiques, ainsi que les mêmes souhaits et rêves arabes avortés.

Cependant, il a veillé à ce que ses décisions ne dépassent pas ce qui est possible, et que son credo soit le large consensus. La politique est l'art du possible, et c’est là que résident le réalisme et la rationalité qui ornent la diplomatie calme et élégante du pays.

La plupart des dirigeants, acteurs et commentateurs politiques ont insisté sur le fait que le sommet de Bahreïn se tenait dans des circonstances régionales et internationales extrêmement complexes, allant des guerres dévastatrices et des tragédies humaines douloureuses aux menaces qui touchent la nation arabe dans son identité, sa sécurité et son intégrité territoriale. Heureusement, il existe la bénédiction de l'oubli, car la plupart des sommets arabes, sauf exceptions, ont coïncidé ou se sont déroulés dans des contextes de grande complexité. Ainsi, chaque nouvelle complexité fait oublier la précédente.

Le sommet de Bahreïn a réaffirmé les principes déjà appelés dans les précédents sommets arabes, en commençant par l’urgence de formuler une position arabe et internationale commune et immédiate face au déni des droits légitimes du peuple palestinien en matière de sécurité, de liberté et d'autodétermination, en passant par l'adoption du dialogue et de la solidarité pour arrêter les saignements des guerres, et en aboutissant à l'établissement d'une paix définitive comme une option incontournable, tout en confirmant l'unité du peuple palestinien et en considérant l'Organisation de libération de la Palestine comme le représentant légitime de cette unité. Mais y a-t-il des oreilles pour ouïr cela de l'autre côté de l'arène de ce conflit chronique ?

Bahreïn, un centre de convergence

Il est fort agréable de noter que le sommet de Bahreïn s'est tenu à un moment où le royaume célèbre le jubilé d'argent de l'accession au trône du roi Hamad bin Isa Al Khalifa, suite au décès de son père, le cheikh Isa, le 6 mars 1999.

Toutes les étapes de développement du royaume ont toujours été marquées par la sécurité et la stabilité malgré quelques secousses provoquées par des acteurs externes. Le royaume s'est également distingué dès le début par ses investissements importants dans le secteur de l'éducation, au point que le taux d'alphabétisme y est nul, tout comme il a investi dans le secteur de la santé. L'investissement dans l'humain est son credo, et il n'est pas surprenant que les élites et les intellectuels de Bahreïn brillent dans la région du Golfe.

Jusqu'à récemment, Bahreïn est également restée un centre de convergence pour toute la région. Le premier avion à atterrir dans la péninsule arabique l'a fait à Bahreïn, où le pétrole a également été découvert pour la première fois. Et il y a beaucoup à dire à ce sujet.

En dehors des décisions prises lors du sommet, cet événement a été une œuvre d'art à laquelle la femme bahreïnie a contribué. Les tenues de cérémonie royales féminines conçues par la créatrice bahreïnie Jawaher Al Emadi ont attiré l’attention des participants au sommet. Ce travail a nécessité environ deux mois de réalisation.

Al Emadi a choisi un design qui représente Bahreïn et son peuple, d'où le choix de la couleur sable qui s'harmonise avec le sol du royaume.

Ainsi est Bahreïn, que ce soit en politique, en diplomatie, dans la vie sociale ou dans d'autres domaines, la courtoisie, l'élégance et la modestie demeurent la griffe bahreïnienne, des qualités appropriées et nécessaires en toutes circonstances et à toutes époques dans ce pays raffiné.

D’après Annahar Al-arabi – Traduit et adapté par Quid

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