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Les Algériens dubitatifs après l'annonce d'une prochaine démission de Bouteflika
Un millier d'étudiants manifestent de nouveau mardi à Alger, au lendemain de l'annonce de la prochaine démission -d'ici au 28 avril- du président Abdelaziz Bouteflika, une décision qui a été accueillie avec méfiance.
Confronté à plus d'un mois de contestation massive et inédite, M. Bouteflika, le dirigeant algérien qui sera resté le plus longtemps au pouvoir -20 ans-, a annoncé qu'il quitterait ses fonctions d'ici la fin de son mandat le 28 avril.
Semaine après semaine, le président de 82 ans a tenté de s'accrocher au pouvoir, multipliant les propositions assimilées par la rue à des manoeuvres, sans jamais réussir à calmer la contestation.
Après avoir renoncé à briguer un 5e mandat, dont la perspective avait déclenché les manifestations, M. Bouteflika a reporté sine die la présidentielle prévue le 18 avril, tout en prévoyant, pour organiser la réforme du pays, de rester en fonction un temps indéterminée à l'issue de son mandat, en vue d'organiser une transition.
Cette option a été catégoriquement rejetée par la rue, et le président algérien a fini par l'abandonner après avoir été massivement lâché par son camp ses dernières semaines.
"Non événement", "poisson d'avril", la démission annoncée de celui dont des millions d'Algériens ont réclamé le départ depuis plus d'un mois a suscité plus de haussements d'épaules que de joie.
"Je me demande ce que ça cache", a réagi Yasmine, 30 ans, soupçonnant comme de nombreux Algériens une nouvelle manoeuvre de M. Bouteflika et de ses proches pour rester au pouvoir.
Dans le cortège étudiant, Meriem Medjdoub, en 2e année de psychologie à Alger, estime que "la démission de +Boutef n'apporte rien+". "Nous réclamons un changement radical".
Pour Imen Zaaf, en 2e année d'anglais, cette démission annoncée "est une diversion" car, comme "après chaque mobilisation de rue (...), ils cherchent à gagner du temps".
"Le départ de Bouteflika est une partie de la solution", avance Amina Yahyaoui, étudiante en journalisme, mais "il faut qu'il soit suivi du départ de tous les membres de ce gouvernement et il faut ensuite laisser le peuple voter librement pour élire un président".
Pour le quotidien francophone El Watan, "le signal fort attendu s'apparente à une demi-mesure qui laisse tout le monde sur sa faim tant que la démission d'+AB+ n'aura pas été formulée et tant que le départ de tout ce qui symbolise le système n'aura pas été réellement enclenché".
"La fin du long règne de Bouteflika est loin d'être synonyme de celle du système", se méfie Liberté, autre titre francophone, tout en saluant "une victoire importante pour le peuple".
Les "importantes mesures" que le chef de l'Etat a indiqué lundi devoir prendre "pour assurer la continuité" de l'Etat durant la période de transition, avant de remettre formellement sa démission, suscitent toutes sortes de spéculations.
Certains y voient la volonté de placer "ses hommes" pour garder la main durant l'intérim.
Election d'un nouveau président de la Chambre haute, que la Constitution charge de l'intérim? Limogeage du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major, fidèle soutien qui a fini par lâcher le chef de l'Etat en prônant son départ du pouvoir?
Dans le même temps, les enquêtes annoncées contre d'influents hommes d'affaires liés au proche entourage du chef de l'Etat laisse craindre une possible "guerre de clans" au sommet de l'Etat.
Ali Haddad, patron des patrons démissionnaire, riche et influent homme d'affaires proche du premier cercle présidentiel, a été arrêté dans la nuit de samedi à dimanche à un poste frontière avec la Tunisie. Il doit être transféré mardi devant un juge d'instruction à Alger.
Pour l'heure, selon la presse, il ne lui est reproché qu'une infraction à la législation sur les changes: la fouille de sa voiture a permis de découvrir des devises et des dinars algériens qu'il aurait dû déclarer à la Douane.