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Les Arabes sont seuls face à Trump, donnons leur une chance ! – Par Youssef Aït Akdim
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Lorsque le roi Abdallah II de Jordanie s’est rendu à Washington, nombre de commentateurs ont préféré critiquer son attitude plutôt que l’agenda de Trump. Certes, l’image du souverain jordanien face à un président américain méprisant était cruelle. Mais elle révélait surtout la pression exercée sur Amman, comme sur l’ensemble des alliés arabes de Washington
Donald Trump parle sans filtre, mais ses mots ont des conséquences bien réelles. Sa dernière provocation sur Gaza en est l’illustration parfaite. Son idée d’épuration ethnique – vider l’enclave palestinienne de ses habitants pour en faire une "Riviera du Moyen-Orient" – relève peut-être du fantasme, mais elle donne le ton d’un nouvel épisode du chaos régional.
En sabotant les efforts de trêve entre le Hamas et Israël, Trump renforce une fois de plus Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien, sous le coup d’un mandat de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, a savouré chaque mot du président américain. "Music to my ears", aurait-il pu dire. Trump lui offre l’occasion rêvée de flatter l’aile la plus radicale de sa coalition, notamment Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Mais ce n’est pas qu’une question de posture politique : cette séquence encourage aussi l’expansionnisme israélien et les déplacements forcés de Palestiniens, à Gaza comme en Cisjordanie, où la colonisation s’accélère.
Si la surenchère verbale de Trump a un mérite, c’est celui d’avoir rapproché les pays arabes. Pourtant, au lieu de blâmer l’instigateur de cette crise, certains s’en prennent à une victime collatérale. Lorsque le roi Abdallah II de Jordanie s’est rendu à Washington, nombre de commentateurs ont préféré critiquer son attitude plutôt que l’agenda de Trump. Certes, l’image du souverain jordanien face à un président américain méprisant était cruelle. Mais elle révélait surtout la pression exercée sur Amman, comme sur l’ensemble des alliés arabes de Washington.
Le roi Abdallah II n’est ni un novice ni un faible. Héritier d’une monarchie qui a traversé assassinats, guerres et révoltes, il sait naviguer entre les exigences des tribus bédouines, celles des réfugiés palestiniens et les rapports de force internationaux. Formé à l’Académie royale militaire de Sandhurst, il a gravi les échelons jusqu’au grade de major général dans l’armée jordanienne. À l’inverse, Donald Trump n’a jamais porté l’uniforme. Pas plus que ses prédécesseurs immédiats, Joe Biden et Barack Obama.
Après sa rencontre avec Trump, Abdallah II a publiquement rejeté toute idée de déplacement des Palestiniens, rappelant que cette position était celle d’un front arabe uni. Il a insisté sur la nécessité de reconstruire Gaza sans exode forcé et sur l’urgence humanitaire pour les Gazaouis. L’accuser de complicité avec un projet d’épuration ethnique est non seulement injuste, mais aussi aveugle aux subtilités diplomatiques. Comme l’Égypte et l’Arabie saoudite, la Jordanie s’oppose au plan de Trump tout en cherchant à préserver une relation vitale avec Washington.
Les dirigeants des pays arabes – notamment ceux du voisinage immédiat de la Palestine (Jordanie, Egypte, Liban et Syrie) – comprennent mieux que quiconque la complexité du moment. Leur priorité légitime est d’atténuer les tensions avec la nouvelle administration américaine. Ils peuvent être critiqués sur bien des sujets, mais pas sur leur stratégie visant à gagner du temps et à consolider leurs positions. Face à une Europe tétanisée, bien plus bruyante sur l’Ukraine que sur Gaza, il est peut-être temps de laisser sa chance à la diplomatie arabe.