L’Europe a du plomb dans l’aile

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Face aux changements géostratégiques, paradoxalement, une nouvelle idée de l’Europe peut émerger. Elle a pour nom une politique étrangère commune et une défense autonome. Analyse.

L’idée européenne est une idée généreuse. Elle a permis de sauvegarder la paix après des guerres récurrentes et très meurtrières. Elle a aussi permis à des pays comme l’Espagne ou le Portugal de faire un saut énorme dans la modernité. Ce sont là des acquis réels de la construction européenne. Mais on le voit encore à l’occasion des présidentielles en France, cette idée ne fait plus l’unanimité au sein des peuples européens. Partout en Europe, la défiance vis-à-vis des institutions de Bruxelles s’étend.

Après le Brexit, l’évocation d’un éclatement de l’Union européenne n’est plus une absurdité. Les partis anti-européens recueillent de plus en plus de suffrages et frôlent la victoire à chaque élection. La crise économique est passée par là. Le chômage endémique est, à tort, imputé à l’Europe, alors qu’il serait aggravé en cas de fermeture des frontières. L’Euro a sans doute été mal conçu. Une monnaie unique, présuppose un niveau de développement équivalent, des politiques fiscales identiques, ce qui est loin d’être le cas.

Mais il n’y a pas que l’économie. Les flux migratoires ont démontré que les peurs subsistent, et même se renforcent. Si l’Allemagne, avec une population vieillissante, s’est montrée accueillante, les autres peuples se montrent moins généreux. Or, l’absence de frontières peut favoriser des déplacements massifs. Il faut remarquer que la France, par exemple, où le débat sur l’immigration est central, n’enregistre pas un flux massif, les migrants préfèrent les pays anglo-saxons.

L’absence des frontières est aussi liée, dans l’imaginaire, au terrorisme. Là, aussi, c’est totalement faux. À part le Bataclan, la menace terroriste est endogène. Mais l’idée que le retour aux frontières nationales permettrait de mieux se protéger a fait son chemin. Le résultat reste le même. Une grande défiance s’est installée vis-à-vis des institutions européennes, des fonctionnaires de Bruxelles et de leur réglementation pléthorique.

S’agissant de grandes démocraties, ce hiatus ne peut perdurer éternellement. Déjà en 2005, il a fallu que les parlements français et hollandais passent outre les résultats défavorables des référendums sur le traité européen. Ce déni de démocratie ne peut pas être reproduit à l’infini. L’idée européenne a besoin d’un nouveau souffle, d’une meilleure respiration démocratique et sans doute d’une véritable relance économique, car les peuples imputent à l’Europe les politiques d’austérité qui n’ont pas eu les résultats escomptés.

Les difficultés actuelles ravissent la Russie de Poutine qui cherche ouvertement à reprendre sa zone d’influence dans le vieux continent. Plus surprenant, Donald Trump ne voit pas d’inconvénient à l’éclatement de l’Europe. C’est face à ces changements géostratégiques que, paradoxalement, une nouvelle idée de l’Europe peut émerger. Elle a pour nom une politique étrangère commune et une défense autonome. La question de l’OTAN est réellement posée. Ce n’est pas un caprice de la nouvelle administration. Les USA ne peuvent indéfiniment supporter le coût de la défense européenne, alors que ses enjeux sont dans le pacifique. Ce saut vers plus d’intégration est difficile à 27, voire impossible dans l’état actuel des choses, mais c’est la voie la plus raisonnable pour sauver l’idée européenne. Une union à plusieurs vitesses serait le début du détricotage. Or, plusieurs dirigeants semblent s’y être résignés, face à la colère des électeurs de leur pays.