Massacre de Christchurch: la Nouvelle Zélande va durcir la législation sur les armes

5437685854_d630fceaff_b-

703
Partager :

La Nouvelle-Zélande a annoncé lundi 18 mars un durcissement de sa législation sur les armes après le carnage commis dans deux mosquées dont l'auteur, un suprémaciste blanc, a décidé de se défendre seul devant la justice.

La Première ministre Jacinda Ardern a assuré que la coalition gouvernementale était unie sur la nécessité de restreindre l'accès du public aux armes dont Brenton Tarrant est accusé de s'être servi vendredi pour tuer méthodiquement 50 fidèles de deux mosquées de Christchurch, localité de l'île du Sud.

"Nous avons pris une décision en tant que gouvernement, nous sommes unis", a annoncé Mme Ardern, flanquée de Winston Peters, son vice-Premier ministre et partenaire au sein de la coalition au pouvoir, alors que le pays tente de comprendre comment le pire massacre de musulmans dans un pays occidental de l'histoire récente a pu se produire dans un archipel réputé paisible.

Le parti de M. Peters, New Zealand First, opposé jusque-là à de telles mesures, a apporté son soutien total aux réformes. "La réalité c'est qu'après 13H00 vendredi, notre monde a changé à jamais et nos lois feront de même", a-t-il lancé.

Mme Ardern a également annoncé l'ouverture d'une enquête interne sur une attaque qui pose de nombreuses questions sur le fait que Brenton Tarrant, fasciste autoproclamé, n'ait pas attiré l'attention des agences de renseignement.

Les réseaux sociaux sont également sur la sellette en raison de la diffusion en direct, vendredi sur Facebook, pendant de longues minutes, du carnage filmé par son auteur, un ressortissant australien de 28 ans.

Si le groupe américain a dit avoir supprimé 1,5 million de vidéos, les réseaux sociaux sont montrés du doigt pour n'avoir pas bloqué les images en "temps réel de l'attaque terroriste".

Un jeune de 18 ans a été inculpé à Christchurch pour avoir relayé la vidéo mais aussi mis en ligne une photographie de la mosquée al-Nour avec la mention "cible atteinte", et pour incitation à la violence.

Cette tragédie a provoqué une onde de choc en Nouvelle-Zélande, pays de cinq millions d'habitants dont 1% se disent musulmans, réputé pour sa tradition d'hospitalité. Des Néo-Zélandais de tous bords continuaient à manifester lundi leur dégoût face aux attaques, et leur refus de la haine raciale.

Une cérémonie maorie de purification s'est tenue à la mosquée al-Nour, réunissant des Néo-Zélandais indigènes, les dirigeants de la communauté musulmane et les autorités locales. Puis, des étudiants se sont présentés sur les lieux pour déposer des gerbes de fleurs et allumer des bougies.

D'autres ont participé à un nouveau haka, danse traditionnelle maorie, en hommage aux défunts. A Auckland, les élèves du collège Orewa se sont rassemblés pour créer la forme d'un coeur ainsi que le message "Kia Kaha", ou "Soyez forts" en langue maorie.

Les organisateurs de la plus grande foire aux armes de Nouvelle-Zélande, le Kumeu Militaria Show, près d'Auckland, ont annoncé l'annulation de l'événement du fait des massacre et des "risques élevés pour la sécurité".

La Nouvelle-Zélande avait déjà renforcé la législation sur les armes dans les années 1990 mais les lois sur la détention d'armes à feu sont restées assez permissives. La quasi totalité de ceux qui demandent un port d'armes obtiennent satisfaction.

David Tipple, directeur général de Gun City, qui a vendu au suspect quatre armes à feu, a déclaré ne ressentir aucun sentiment de culpabilité pour les meurtres. "Nous n'avons rien décelé d'extraordinaire quant à ce détenteur de permis de port d'armes", a-t-il déclaré.

Brenton Tarrant, qui avait fait samedi lors de son inculpation au tribunal le signe de reconnaissance des suprémacistes blancs, a limogé lundi son avocat commis d'office.

Celui-ci a précisé que l'extrémiste australien voulait "assurer seul sa défense dans cette enquête". "Il est apparu comme quelqu'un de rationnel et qui ne souffre pas d'un handicap mental. Il semblait comprendre ce qui se passait".

Aux termes de la loi néo-zélandaise, il sera renvoyé en procès s'il plaide non coupable, ce qui rend possible une confrontation avec les survivants et les familles des victimes.

Mustafa Farouk, président de la Fédération des associations islamiques de Nouvelle-Zélande a déclaré qu'il avait foi en la justice.

"En tant que communauté, nous aimerions que cette personne soit traitée de manière équitable, qu'on lui donne tous ses droits", a-t-il dit à la presse. "Nous croyons en la justice ici et nous savons qu'elle fera ce qu'il faut".

Parallèlement, l'impatience monte parmi les familles qui réclament les corps de leurs proches, la coutume musulmane prévoyant d'inhumer un défunt dans les 24 heures suivant le décès.

Des ouvriers creusaient lundi des dizaines de tombes dans un cimetière de Christchurch. Les médecins légistes ont dit espérer être en mesure de satisfaire les familles rapidement, tout en soulignant qu'ils devaient procéder avec précaution dans leur enquête.

Selon une liste qui circule parmi les familles, les personnes tuées avaient entre trois et 77 ans . Certains victimes étaient originaires du quartier, d'autres de pays aussi lointains que l'Egypte. Au moins deux des morts appartenaient à la même famille, un père et un fils.

New Delhi a annoncé dimanche que cinq de ses ressortissants avaient été abattus, le Pakistan a fait état de neuf morts, dont une personne tuée en tentant d'arrêter le tueur. Trente-et-une personnes sont toujours hospitalisées dans un état critique.