Où va le prince ? Par Dr Samir Belahsen

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Dans l’affrontement géopolitique entre Américains et Chinois, l’Arabie Saoudite parait outillée pour prétendre (comme d’autres émergeants) au statut de pays pivot

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Le visiteur … Par Samir Belahsen

Le 19 mai 2023, l’Arabie saoudite a accueilli le 32e sommet arabe. Ce sommet a été marqué par deux faits majeurs :

Le premier était bel et bien prévu, préparé et annoncé, c’est la présence du président Syrien après douze ans d’absence.

Le second constituait la surprise du sommet : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a pris part au sommet sur invitation « personnelle » du prince Mohamed bin Salman nous explique -t- on. 

Cette invitation a dérouté outre certains participants (comme l'Algérie et la Syrie), les observateurs et les opinions publiques.

Décidément, le prince MBS n’arrêtera pas de nous surprendre. 

Après avoir tourné la page du conflit avec l’Iran à Pékin, voilà qu’il invite Volodymyr Zelensky au sommet.

L’explication selon laquelle il aurait cédé à des pressions occidentales me parait un peu simpliste. Je vais tenter une approche plus géopolitique.

Dans l’affrontement géopolitique entre Américains et Chinois, l’Arabie Saoudite me parait outillée pour prétendre (comme d’autres émergeants) au statut de pays pivot.

Selon J.Cohen, quatre éléments permettent à un pays d’y prétendre :

  1. Pays ayant des avantages concurrentiels dans des aspects critiques des chaînes d'approvisionnement mondiales.

  2.  Pays particulièrement adaptés au nearshoring, à l'offshoring ou au friendshoring.

  3. Pays disposant de capitaux importants et disposés à les déployer dans le monde.

  4. Pays aux économies développées et dirigeants avec des visions globales qu'ils poursuivent malgré les contraintes.

Le cinquième élément que j’ajouterai aux quatre cités par Cohen, est l’influence régionale du pays qui peut découler de l’un des quatre mais pas obligatoirement.

Dans l’affrontement géopolitique global, dans un monde bipolaire, ces pays peuvent influencer le nouvel ordre mondial mais peuvent se permettre d’avoir des choix au cas par cas, des agendas propres. En un mot, ils peuvent se permettre un multi-alignement.

L’Arabie Saoudite, dispose de réserves pétrolières de l’ordre de 267 milliards de barils. ( soit 20% des réserves mondiales) 

La collusion avec la Russie en fait un poids lourd sur le marché.

Avec un PIB de plus de 1040 milliards de dollars, c’est la première économie du monde arabe.

Le prince avait fait adopter en 2016 une vision 2030 visant une transformation de l’économie Saoudienne.

L’influence du royaume sur les pays de la région est grandissante. Le prince avait tourné la page de l’embargo du Qatar. L’émir Tamim a même assisté au sommet de Djedda alors qu’il n’avait pas apprécié le retour de la Syrie. 

Le prince a aussi amélioré sa relation avec la Turquie après l’affaire macabre du journaliste Jamal Khashoggi. 

Il a enfin tourné la page du conflit avec l’Iran ce qui devrait permettre de tourner celle de la guerre au Yémen. Même si au Yémen heureux rien n’est jamais simple. 

L’Arabie Saoudite est en conséquence outillé pour prétendre, et prétend déjà par ses actes, au statut de pays influent dans la région. Et elle se presse à se donner les moyens de devenir vraiment un pays pivot avec la vision 2030.

Les derniers flirts du royaume avec les rivaux des Américains laissent en tout cas bien croire qu’il se pense déjà prêt à jouer ce rôle de pivot oubliant la principale faiblesse de la vision 2030 : l’absence de véritable évolution politique en interne que les quelques avancées sociétales ne peuvent occulter.

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