Russie : Démission du gouvernement, réforme constitutionnelle, Poutine se prépare à rester

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Révision de la Constitution et démission surprise du gouvernement : Vladimir Poutine a annoncé mercredi une série de changements au système qu'il pilote depuis 20 ans, nourrissant les conjectures quant à son avenir après 2024.

Une "demande de changement a clairement émergé au sein de la société", a dit Vladimir Poutine, avant une après-midi d'annonces chocs pendant et après un discours annuel devant le Parlement et les élites politiques du pays.

Lors de son allocution centrée sur les défis auxquels doit faire face la Russie tels que la crise démographique ou la pauvreté, M. Poutine a proposé de soumettre à l'avis des Russes une série de réformes de la Constitution devant renforcer les pouvoirs du Parlement, tout en préservant le caractère présidentiel du système.

Le Premier ministre Dmitri Medvedev, un fidèle de M. Poutine, a dans la foulée annoncé la démission du gouvernement, qui reste chargé des affaires courantes jusqu'à la nomination d'une nouvelle équipe.

"Je veux vous remercier pour tout ce qui a été fait, exprimer ma satisfaction pour les résultats obtenus (...) même si tout n'a pas réussi", a déclaré M. Poutine.

M. Medvedev, qui devrait devenir vice-président du Conseil de sécurité russe, a expliqué que le gouvernement devait démissionner pour "donner au président de notre pays les moyens de prendre toutes les mesures qui s'imposent".

Il a souligné que les réformes constitutionnelles proposées par Vladimir Poutine modifiaient "l'équilibre des pouvoirs" dans le pays.

République présidentielle forte 

La démission intervient alors que la popularité du Premier ministre stagne à moins de 30% - contre près de 70% pour M. Poutine - sur fond d'anémie économique et de niveau de vie en baisse.

Le Kremlin a fait aussi face cet été au plus grand mouvement de contestation, vivement réprimé, depuis le retour en 2012 de Vladimir Poutine à la présidence. Les candidats du pouvoir ont essuyé dans la foulée un camouflet aux élections locales à Moscou.

Dmitri Medvedev est un proche parmi les proches du chef de l'Etat. Il a occupé de 2008 à 2012 les fonctions de président russe, Vladimir Poutine ayant dû céder la place et prendre la tête du gouvernement le temps d'un mandat pour respecter la limite de deux mandats présidentiels consécutifs, fixée par la Constitution. En 2012, les deux hommes ont de nouveau permuté, Vladimir Poutine revenant au Kremlin.

La principale réforme constitutionnelle annoncée mercredi vise à renforcer le rôle du Parlement dans la formation du gouvernement, lui donnant la prérogative d'élire le Premier ministre que le président sera alors "obligé de nommer". Actuellement, la Douma ne fait que confirmer le choix du chef de l'Etat. 

Selon M. Poutine, il s'agit d'un changement "significatif" pour lequel la Russie est assez "mûre". Les deux chambres du Parlement sont dominées par des forces pro-Poutine et ne s'opposent jamais aux volontés du Kremlin.

Les propositions de réformes exposées par M. Poutine visent aussi à renforcer les gouverneurs régionaux, à interdire aux membres du gouvernement et aux juges de disposer d'un permis de séjour à l'étranger et à obliger tout candidat à la présidentielle à avoir vécu les 25 dernières années en Russie.

Néanmoins, Vladimir Poutine, qui en l'état actuel de la législation n'a pas le droit de se représenter en 2024, a souligné que la Russie devait rester régie par un système présidentiel.

Le chef de l'Etat conservera le droit de limoger tout membre du gouvernement et nommera les chefs de toutes les structures sécuritaires.

"Dirigeant à vie" 

Il a également proposé de renforcer les pouvoirs du Conseil d'Etat, une institution consultative composée de divers responsables nationaux et régionaux, et de placer la Constitution russe au-dessus du droit international dans la hiérarchie des normes.

Ce projet de réforme du système politique sera soumis à un vote des Russes qui ne portera pas pour autant le nom de référendum car le cadre légal ne le permet pas, a ensuite précisé son porte-parole, Dmitri Peskov.

Les annonces de mercredi sont dès lors pour les analystes comme pour les opposants la preuve que M. Poutine organise l'après-2024, date de la fin de son mandat actuel à l'issue duquel il ne peut se représenter en l'état actuel de la législation. 

Sans apporter de précisions, le président russe a évoqué de manière très vague la question d'un changement à l'article qui limite le nombre des mandats présidentiels "à deux mandats successifs".

Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, a lui jugé que quelles que soient les annonces, Vladimir Poutine cherche à "rester dirigeant à vie".

Selon l'expert indépendant Konstantin Kalatchev, qui s'exprimait avant la démission du gouvernement, le maître du Kremlin a lancé "un réel débat sur le transfert du pouvoir" après 2024.

"Plutôt que de dessiner un avenir clair pour la vie politique russe, les réformes de Poutine permettent à tous les acteurs d'imaginer une multitude de futurs et donc à se préparer à chacun d'entre eux", juge pour sa part le directeur de l’Institut Russie du King's College de Londres.