Sénégal : le président ordonne des mesures pour ''pacifier l'espace public'', la société civile cherche la mobilisation

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L'activiste Ndeye Fatou Fall, plus connue sous le nom de Falla Fleur, à Dakar, le 6 février 2024. Arrêtée le 30 mai 2023, en détention préventive pour avoir mobilisé des manifestants à travers les réseaux sociaux. Plusieurs centaines d'opposants, selon certaines organisations de défense des droits de l'homme, ont été arrêtés au Sénégal depuis 2021 dans le cadre du bras de fer entre Ousmane Sonko, figure de l'opposition, avce le président Sall. (Photo Michele Cattani / AFP)

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Le président sénégalais Macky Sall a ordonné à son gouvernement de prendre des mesures d'"apaisement" face au tollé causé par le report de la présidentielle, tandis que l'opposition et la société civile continuent d'essayer d'organiser la riposte.

Le communiqué ne précise pas quelles seraient ces mesures, demandées en premier lieu au ministère de la Justice.

M. Sall fait face au même moment aux pressions internationales. La Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao) réunit au Nigeria les ministres des Affaires étrangères des Etats membres, et le Sénégal, réputé comme un des bons élèves de l'organisation, risque pour la première fois depuis longtemps de figurer au menu de crise au côté des Etats sécessionnistes, Burkina Faso, Mali, Niger.

La Cedeao a demandé mardi au Sénégal de rétablir "de toute urgence" le calendrier de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et repoussée à la dernière minute au 15 décembre, malgré la bronca de l'opposition et d'une grande partie de l'opinion.

L'Union européenne, s'alignant sur la Cedeao, a à son tour appelé à revenir au 25 février. Un autre allié, les Etats-Unis, a jugé illégitime le vote ajournant l'élection. Ces partenaires du Sénégal ont exprimé leur inquiétude devant le risque de troubles, mais aussi devant le coup porté à la pratique démocratique dont le Sénégal est volontiers cité comme un exemple dans une région où se succèdent les putschs et les faits accomplis.

Les autorités sénégalaises n'ont pas donné de signe d'être prêtes à reconsidérer le report.

"Nous entendons bien ce message", a dit mercredi soir depuis le Nigeria le ministre des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall à la télévision française France 24, "mais nous privilégions aujourd'hui la logique politique interne".

Le président Sall a décrété samedi le report de la présidentielle, trois semaines avant l'échéance, en pleine bagarre politique sur les candidatures retenues ou écartées pour le scrutin.

L'Assemblée nationale a approuvé lundi un ajournement au 15 décembre, avec les voix du camp présidentiel et des partisans d'un candidat recalé et sous la protection des gendarmes.

Elle a aussi voté le maintien de M. Sall au pouvoir jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Le deuxième mandat de M. Sall expirait officiellement le 2 avril. Après avoir entretenu le doute pendant des mois, il a répété à différentes reprises l'engagement pris en 2023 de ne pas se représenter.

Ce report, qui pourrait ramener le Sénégal au point de départ d'un processus électoral périlleux et dont la constitutionnalité est vivement mise en doute, a causé un choc et un tollé. L'opposition crie au "coup d'Etat constitutionnel". Elle soupçonne une manigance pour éviter la défaite du candidat du camp présidentiel, voire pour maintenir M. Sall à la tête du pays encore plusieurs années.

Question de confiance 

Des tentatives de manifestations ont été réprimées et des dizaines de personnes interpellées.

Plusieurs candidats ont fait part de leur intention de continuer à faire campagne et ont appelé à un front commun des acteurs politiques et sociaux.

Malgré une indignation largement répandue et des informations éparses sur des appels à la grève, des sit-ins, ou trois journées ville morte à partir de ce jeudi, la contestation cherche toujours à s'organiser.

Un collectif revendiquant une quarantaine d'organisations de la société civile dont plusieurs syndicats prévoit une journée ville morte vendredi à Dakar où la vie, ralentie par la crainte en début de semaine, suivait son cours habituel jeudi.

Face à l'une des plus graves crises politiques des dernières décennies, le président Sall a dit mercredi en conseil des ministres sa volonté d'engager un processus "d'apaisement et de réconciliation", rapporte un communiqué de ses services.

Il a "demandé au gouvernement, notamment (à la) ministre de la Justice de prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l'espace public", ajoute le communiqué sans autre précision.

M. Sall a réaffirmé "sa décision de ne pas prendre part à l'élection" et a "renouvelé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba".

De vives interrogations entourent ce dernier, désigné candidat du camp présidentiel par M. Sall lui-même. M. Ba est vivement contesté dans son propre camp. Il a gardé le silence publiquement sur la crise en cours.

Le communiqué de la présidence dit qu'il a "réitéré sa loyauté au président" et exprimé son soutien au report de l'élection.  (AFP)

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