Trois reporters assassinés, être journaliste au Mexique, c’est être potentiellement mort

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Mexico - Le meurtre le week-end dernier du journaliste Nevith Condes Jaramillo vient réaffirmer le risque extrême encouru par la profession au Mexique et sa triste renommée comme l'un des pays les plus dangereux au monde pour exercer le métier de journaliste. 

Assassinats, menaces, agressions, enlèvements de journalistes, attentats contre les médias: l'escalade se poursuit et les violences persistent alors que les organisations des droits de l'Homme ne cessent d'appeler le gouvernement à faire le nécessaire pour protéger ceux dont la mission est d'informer la société et garantir la liberté de la presse.

"Être journaliste au Mexique, c'est un peu comme être sur une liste noire", avait l'habitude de dire le reporter mexicain Javier Valdez, lui aussi victime de la situation qu’il dénonçait, soit l’extrême vulnérabilité d’une profession située en première ligne d’un conflit sanglant qui met aux prises cartels de drogue et autorités.

Avec une centaine de journalistes assassinés depuis l'an 2000, dont trois en une semaine et dix depuis le début de cette année, le pays des aztèques fait partie des endroits les plus dangereux pour la presse sur fond de violences liées au trafic de drogue et à la corruption dans les milieux politiques.

"La violence contre les journalistes, sous toutes ses formes, est l'un des principaux obstacles qui empêchent notre pays de se renforcer en tant que démocratie", relève la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) dans un communiqué en réaction à l'assassinat du journaliste Nevith Condes Jaramillo. 

Selon des proches cités par le bureau de l'association Reporters sans Frontières (RSF) au Mexique, le journaliste assassiné aurait reçu des menaces en novembre 2018 et en juin dernier.

Pour cette raison, "il avait sollicité des mesures de protection" auprès d'un organisme gouvernemental mexicain qui doit assurer la sécurité des professionnels de l'information, a indiqué RSF.

Ce nouveau crime a été vivement dénoncé par la profession et l'ensemble de la société mexicaine. La presse a exigé d’une seule voix la fin de l’impunité pour les assassinats.

Des manifestations et hommages aux journalistes assassinés ont eu lieu tout au long de cette semaine, devant les ministères de l'Intérieur et de la Justice et sur l’avenue Reforma, principale artère de la capitale. 

De même, des journalistes de divers médias et groupes de presse du pays ont signé une pétition pour mettre fin à la violence contre les professionnels des médias et pour demander des conditions de sécurité pour l'exercice de la profession.

Les pétitionnaires ont appelé le président de la république Andrés Manuel López Obrador et les responsables fédéraux et locaux à réagir pour faire la lumière sur l'homicide et exigé une approche de fermeté contre ce genre de crimes.

Devant cette situation alarmante, le gouvernement fédéral s'est engagé à reconnaître l’importance de protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l'Homme, eu égard aux risques qu’ils courent actuellement dans l’exercice de leurs activités, et à mobiliser les fonctionnaires fédéraux et locaux pour garantir la sécurité des professionnels du média. Il a en outre promis de se conformer à toutes les recommandations faites en la matière par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Depuis 2012, le gouvernement mexicain a mis en place un "mécanisme de protection", qui inclut diverses mesures destinées à sauvegarder l'intégrité physique des journalistes menacés.

Plus d'un millier de personnes bénéficient de ce "Mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes", qui s’avère de plus en plus indispensable malgré ses limites.

Dans l'ensemble, les violences liées au trafic de drogue ont flambé ces derniers mois dans certaines zones du pays. Plus de 2.000 homicides volontaires ont été dénombrés en mars dernier, soit le mois le plus violent des six dernières années.