Tunisie - gouvernement Habib Jemli, Ghannouchi au perchoir et à la barre

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Tunis- L’annonce la semaine dernière de la composition du gouvernement de réalisation de Habib Jemli, qui devra obtenir ce vendredi la confiance de l’Assemblées des Représentants du Peuple (ARP/Parlement), a mis fin à plus de 46 jours de suspens et de longues tractations ayant suscité un débat houleux sur l’avenir politique de la Tunisie.

Mais, le déblocage de la situation politique, après une longue attente et la divulgation des noms de l’équipe gouvernementale censée être composée de technocrates indépendants, a autant déçu que surpris.

Selon nombre d’observateurs, l'option pour un gouvernement comptant une pléthore de portefeuilles ministériels montre le dilemme dans lequel s'est empêtré Habib Jemli, obligé de satisfaire les exigences de partis qui le soutiennent dans un exercice périlleux, notamment le mouvement Ennahdha, que de choisir un cabinet resserré de mission.

Le jeu périlleux d’équilibrisme auquel s’est confronté le nouveau chef de l’exécutif tunisien se décline à travers le nombre élevé des membres du gouvernement, soit 42, dont 28 ministres et 14 secrétaires d’Etat.

Il se décline également à travers la forte coloration politique du nouveau gouvernement, dont la composition a obéi aux règles de jeu partisan et que de nombreux se sont empressés de qualifier de "gouvernement d’Ennahdha et non de technocrates indépendants".

Le problème de l’indépendance des membres du gouvernement Jemli a été vite battu en brèche.

Les réactions des partis de l’opposition ne se sont pas fait attendre, qualifiant le nouveau gouvernement d’"incolore, inodore et sans saveur", d’une "nouvelle Troïka, à la solde du mouvement Ennahdha" et annonçant qu’ils ne lui accorderont pas leur confiance au parlement.

Cette option a été confirmée par le président chef du mouvement et président de l'ARP et chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi qui a reconnu lui-même qu’il s’agit d’"un gouvernement politique et non pas un gouvernement de technocrates".

S'exprimant à l'issue de la réunion du bureau de l'ARP, Ghannouchi a relevé que Jemli a été chargé de former un exécutif de compétences politiques : "un gouvernement politique et non pas un gouvernement de technocrates".

Pour lui, "les politiques indépendants peuvent être membres du gouvernement".

Ghannouchi à la barre

Les observateurs de la scène politique n’ont pas eu beaucoup de peine pour découvrir le pot au rose en critiquant un gouvernement désigné, dont les membres "ne sont pas tous indépendants".

Plus du tiers de la nouvelle équipe ont des solides liens avec le mouvement Ennahdha qui a gagné les dernières législatives sans pour autant réussir à obtenir une majorité confortable qui lui permet de gouverner seul.

On s’est évertué, par contre, à faire un panachage savant en nommant des technocrates indépendants dans certains ministères techniques à l’effet de brouiller les pistes et de confier les ministères régaliens à des figures dont l’appartenance politique au parti islamiste ne souffre d’aucun doute.

Outre la forte coloration d’Ennahdha dans le prochain gouvernement, les mêmes observateurs soutiennent la présence de ministres proposés par le bloc "Al Karama" (islamiste radical) et "Qalb Tounes" (centriste).

En attendant la tenue vendredi de la réunion plénière de l’ARP censée accorder la confiance au nouveau gouvernement, comprenant 11 femmes et cinq juges, un grand flou persiste.

Si tout le monde admet que le gouvernement Habib Jemli réussira son passage au parlement et obtiendra pas moins de 120 voix (pour 109 requis) à la faveur du jeu d’alliance concocté entre "Ennahdha", "Qalb Tounes" et le mouvement "Al Karama", il ne reste pas moins vrai que de nombreuses inquiétudes persistent.

Selon les mêmes analystes, ces inquiétudes concernent l’aptitude du gouvernement à affronter une situation difficile et complexe et à réussir rapidement à donner des signaux clairs qui permettent de restaurer la confiance des Tunisiens et de répondre à leurs attentes les plus pressantes.

Au-delà, des doutes sont exprimés sur la capacité du chef de gouvernement désigné à convaincre et à piloter une équipe pléthorique et peu homogène alors qu'il lui manque l'essentiel, à savoir une capacité de manœuvre confortable qui lui éviterait de rester l'otage des calculs politiciens, au moment où le contexte exige plus que jamais de remettre l’économie du pays sur les rails et de lui éviter le scénario grec.

D’ores et déjà, les réactions des partis politiques ne s’est pas fait attendre. Le dirigeant au sein du mouvement "Tahya Tounes", Walid Jalled a affirmé que son parti ne votera pas en faveur du gouvernement Jemli au Parlement. Les raisons de cette position sont justifiées par les doutes relatifs à la compétence et à l’indépendance des candidats de cette équipe

En même temps, le secrétaire général du Mouvement "Achaâb", Zouhaier Meghzaoui a annoncé que le bloc démocratique formé par ce parti et le Courant démocrate n’accordera pas sa confiance au nouveau gouvernement.

Il a estimé que ce gouvernement est celui de "Qalb Tounes" et "Ennahdha" même si ces deux formations se cachent derrière ce qu’ils ont appelé "des compétences et des indépendants".

"Ce sont des dirigeants des second et troisième rangs de ces deux partis", a-t-il dit.

Ce qui a le plus dérangé est à l’évidence l’engagement non respecté par Habib Jemli qui a pourtant assuré que son gouvernement ne serait pas partisan, et comprendrait des "personnalités nationales indépendantes caractérisées par leur compétence et leur honnêteté".