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Un mécanicien de Gaza indifférent aux bombardements redonne vie aux voitures de collection
Dans son atelier de Gaza City, Mounir al-Chindy, qu’il pleuve ou qu’Israël bombarde, s'affaire minutieusement à l'intérieur d'une Armstrong Siddeley gris foncé dépouillée de sièges, ses mains manipulant avec précaution le véhicule à la silhouette allongée qu'il a commencé à réparer il y a un mois.
Il n'a pas pu obtenir les pièces manquantes pour restaurer les voitures de collection qui peuplent son garage, comme ce coupé Hurricane anglais de 1946. Il a donc décidé de faire avec les moyens du bord pour contourner le strict blocus terrestre qui étouffe la bande de Gaza depuis 2007.
"Les voitures vintage, c'est mon hobby", confie le mécanicien de 40 ans à l'AFP, le nez plongé dans les entrailles de sa dernière protégée, qui a pour l'instant plus l'aspect d'une carcasse que d'une rutilante automobile de collection.
Obtenir des pièces pour restaurer de tels modèles est compliqué dans les pays mêmes où ils ont été construits, mais à Gaza cela relève presque de l'impossible.
Depuis 2007, Israël impose un rigoureux blocus terrestre, aérien et maritime à la bande de Gaza qu'il justifie par la nécessité d'isoler le Hamas, mouvement islamiste qui dirige l'enclave palestinienne, et notamment pour l'empêcher de se procurer des armes.
Mais des organisations de défense des droits humains dénoncent une punition collective qui affecte les deux millions de Gazaouis.
"J'ai cherché sur Internet les pièces de voitures, mais je ne les ai pas trouvées. J'ai donc géré localement", raconte Mounir. Chaque restauration lui prend environ trois mois.
Le Gazaoui, qui a rénové des voitures pendant 12 ans aux Emirats arabes unis, maîtrise avec brio l'improvisation dans son atelier au rez-de-chaussée d'un immeuble au nord-est de la ville de Gaza.
C'est ici, devant le mur de béton recouvert d'étagères où grouillent toutes sortes de pièces détachées, que le mécanicien a patiemment redonné vie à une Mercedes Gazelle, qui trône désormais dans le garage, ses sièges en cuir bordeaux et son élégante carrosserie beige comme neufs.
"Très peu de gens s'intéressent à ces vieilles voitures, car leur réparation coûte cher et elles sont difficiles à revendre", explique-t-il.
"Exceptionnel"
L'Armstrong est une voiture de luxe britannique très appréciée des passionnés d'automobile. Mais, même à son apogée dans les années 1940, elle n'était pas aussi populaire qu'aujourd'hui, précise-t-il, si bien que les pièces d'origine se font rares.
"La voiture était vide, petit à petit je l'ai complétée" avec des pièces détachées d'autres véhicules, note le mécanicien.
Il a acheté la voiture environ 3.000 dollars (2.700 euros) à un homme qui en était propriétaire depuis plus de 20 ans. Il lui en coûtera au moins 10.000 (9.000 euros) de plus pour la remettre en état de marche, estime-t-il.
Une fois rénovés, les vieux véhicules s'offrent au regard des passants sur la corniche à Gaza, le long de la mer. Une dizaine de voitures de collection seulement se trouvent dans l'enclave, selon Mounir.
Ce dernier rêve de sortir de la bande de Gaza pour montrer au monde ses belles voitures mais il sait que c'est impossible en raison du blocus.
Il ne pourra pas aller bien loin avec son coupé anglais, même lorsque celui-ci sera réparé d'ici quelques mois : la superficie de la bande de Gaza est de 365 km2, environ 40 km du nord au sud. Mais il fera sûrement sensation.
Hossam Ayoub, un voisin, ne peut détacher son regard de l'engin.
"C'est incroyable, ces voitures vintage font partie de l'histoire", s'exclame-il. "C'est exceptionnel ici, on n'a pas l'habitude d'en voir."