International
Un nouveau virus proche de celui du Sras scruté par les autorités mondiales
Quel est le nouveau virus détecté en Chine ? Peut-il provoquer une épidémie comparable à celle du Sras ? Ces questions agitent la communauté scientifique mondiale alors que trois patients sont morts de problèmes respiratoires et que des cas apparaissent dans d'autres pays d'Asie.
Quel virus, quels effets ?
Jamais observé jusque-là, ce virus appartient à la vaste famille des coronavirus. C'est le "septième coronavirus capable de donner des manifestations cliniques chez l'humain", explique Arnaud Fontanet, responsable de l'unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur à Paris.
Son origine semble se trouver dans un marché de Wuhan, ville chinoise de 11 millions d'habitants, fermé le 1er janvier. "On suppose que la source était des animaux vendus dans ce marché et qu'il y a eu passage chez l'homme", indique le Pr Fontanet.
Ce virus est proche de celui qui avait provoqué l'épidémie de Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002-2003. Elle avait fait 774 morts dans le monde (dont 349 en Chine continentale et 299 à Hong Kong) sur 8.096 cas, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Du point de vue génétique, il y a "80% de similarités" entre les deux virus, relève le Pr Fontanet, et tous deux entraînent des pneumopathies (maladies respiratoires).
Jusqu'à présent, trois patients sont morts, tous en Chine. Les deux premiers avaient 61 et 69 ans, l'âge du troisième n'a pas été précisé.
Quelle transmission d'humain à humain ?
C'est la question centrale, sur laquelle on manque encore de certitudes.
Depuis les premiers cas, les autorités sanitaires chinoises jugent le risque d'une transmission du virus entre humains "faible", même s'il n'est "pas exclu".
Elles s'appuient sur le fait que les tests n'ont pas montré de contamination de l'entourage ou des soignants des premiers cas, à l'exception d'une femme dont l'époux travaillait sur le fameux marché, alors qu'elle-même assure ne s'y être jamais rendue.
Mais la donne a changé ces derniers jours. Limité à une quarantaine avant le week-end, le nombre de cas connus est désormais officiellement estimé à 205, dont 201 en Chine (198 à Wuhan, deux à Pékin et un à Shenzhen). Les autres cas ont été repérés au Japon (1), en Thaïlande (2) et en Corée du Sud (1), chez des patients qui avaient tous séjourné auparavant à Wuhan.
Des scientifiques pensent que ce nombre est largement sous-estimé : des chercheurs de l'Imperial College de Londres chiffrent à plus de 1.700 le nombre probable de cas à Wuhan depuis le 12 janvier, en se basant sur des projections statistiques.
"Des incertitudes demeurent, mais il est clair qu'il existe un certain degré de transmission du virus d'humain à humain", juge le Dr Jeremy Farrar, de la fondation de recherche britannique Wellcome.
"Il est possible que certains malades n'aient que peu voire pas de symptômes, ce qui masquerait le nombre réel de personnes infectées et donc l'étendue de la transmission entre humains", poursuit-il.
- L'épidémie va-t-elle s'étendre ?
"Compte-tenu des habitudes de voyage à travers le monde, de nouveaux cas dans d'autres pays (que la Chine) sont probables", avertit l'OMS, à quelques jours des grands chassés-croisés du Nouvel An chinois.
"Il est très difficile de prédire l'ampleur de l'épidémie à ce stade, mais il est clair qu'elle s'étend. Nous sommes tous bien plus préoccupés qu'il y a quelques jours", reconnaît le Dr Mike Turner, de Wellcome.
C'est pourquoi plusieurs pays, dont les Etats-Unis, ont mis en place un système de surveillance aux aéroports pour filtrer les voyageurs venant de Wuhan et les isoler s'ils présentent des symptômes respiratoires.
Par ailleurs, pour contenir l'épidémie, il faut trouver sa source, c'est-à-dire les animaux qui sont les réservoirs du virus.
Cela pourrait permettre de savoir si des foyers existent dans d'autres marchés que le premier, et de prendre de nouvelles mesures.
Dans le cas du Sras, "c'est en interdisant la consommation des civettes (un mammifère dont la viande est appréciée en Chine, ndlr) et en fermant les fermes d'élevage qu'on avait pu prévenir toute réintroduction" du virus, rappelle le Pr Fontanet.
Un danger comparable au Sras ?
"La gravité semble plus faible que le Sras", juge le Pr Fontanet.
Mais théoriquement, cela pourrait changer. "On n'a pas vraiment d'argument pour dire que ce virus va muter, mais c'est ce qui s'était passé avec le Sras", dont le virus avait évolué après son apparition pour devenir "plus transmissible et plus virulent", selon le spécialiste français, même si cela reste pour l'instant "purement spéculatif".
Une réaction à la hauteur ?
"On a appris les leçons du Sras: on est mieux armé, plus réactif", estime le Pr Fontanet.
Selon lui, les autorités sanitaires chinoises ont accompli "un tour de force" en repérant qu'un "problème anormal était en cours" au moment des premiers diagnostics mi-décembre, puis en faisant la relation entre ces patients et le marché.
En outre, la Chine a "rapidement réalisé et partagé avec le reste du monde la séquence génétique de ce nouveau coronavirus", ajoute le Pr Adam Kamradt-Scott, de l'Université de Sydney. Cela a permis de mettre sur pied un test spécifique pour identifier les cas.
"Par rapport au Sras, l'une des premières différences, c'est la transparence (de la Chine) vis-à-vis de l'OMS", conclut le Pr Fontanet, puisqu'en 2002-2003, "l'histoire avait été cachée" pendant plusieurs mois.