chroniques
Du populisme au racisme ? Par Dr Belahsen Samir
Des migrants subsahariens arrêtés par la police tunisienne
« Un peintre apprenti demandait à son maître "Quand dois-je considérer que mon tableau est fini ?" Et le maître répondit : "Quand tu pourras le regarder avec surprise, en te disant : C'est moi qui ai fait ça ? »
Jean-Paul Sartre (1905 - 1980)
« La terre ne survivrait pas à un alignement général des niveaux de consommation sur celui des pays les plus riches. »
Renaud Camus (1946 )
Le populisme
Le populisme désigne l’approche politique qui oppose le peuple aux élites politiques, économiques et médiatiques. Il est nourri par le sentiment d’exclusion de l'exercice du pouvoir. C’est un symptôme parmi d’autres de la crise démocratique.
En Tunisie l’accession de Kais Saied fut d’abord le résultat d’une crise démocratique. Une démocratie parlementaire que personne n’a protégée. Ni ses acteurs, ni les démocraties occidentales … Quant aux frères arabes actifs, ils n’ont rien économisé pour faire capoter une expérience démocratique singulière.
Tous les éléments définitionnels du populisme sont réunis dans le discours du président.
Des théories du complot expliquent tout avec la démagogie des arguments pour aboutir à des solutions simplistes.
La sauce personnelle du président comprend un certain panarabisme nostalgique, une posture d’opposant éternel, un mépris des corps intermédiaires… et maintenant le racisme.
Le mardi 21 février 2023, devant le Conseil de sécurité nationale, le président a tenu un discours historiquement haineux au sujet de "hordes des migrants clandestins" en provenance d'Afrique subsaharienne, dont la présence serait selon lui source de "violence, de crimes et d'actes inacceptables", insistant sur "la nécessité de mettre rapidement fin" à cette immigration.
Il a ordonné aux autorités d’agir "à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires" pour faire face à cette immigration et à "une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières".
Cette immigration clandestine relèverait, selon lui, d’une «entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie», afin de la transformer en un pays «africain seulement» et estomper son caractère «arabo-musulman».
Lexique xénophobe primaire.
Eric Zemmour, le journaliste devenu homme politique et président de Reconquête, a publié un tweet en soutien aux déclarations du président contre les migrants subsahariens :
« Les pays du Maghreb eux-mêmes commencent à sonner l’alarme face au déferlement migratoire. Ici, c’est la Tunisie qui veut prendre des mesures urgentes pour protéger son peuple. Qu’attendons-nous pour lutter contre le Grand Remplacement? »
Le président Kaïs Saied serait-il , lui aussi, adepte de la théorie du «grand remplacement» de Renaud Camus ?
Il faut préciser qu’un parti minuscule dit nationaliste menait une campagne aux relents racistes sur les réseaux sociaux et sur terrain pour « lutter contre la colonisation de la Tunisie par les Subsahariens ».
Ils défendent une théorie du complot. Les Européens en connivence avec les élites tunisiennes francophones voudraient faire coloniser la Tunisie par des Subsahariens . Leur principal slogan :« La Tunisie pour les Tunisiens ».
Après avoir mis au pas l’administration et la justice, le président s’attaque aux avocats, aux journalistes , aux syndicalistes et aux subsahariens…
Dernière nouvelle : N’ayant pu incarcérer un avocat du front de salut, les autorités ont arrêté son père…
Le populisme mène à tout… à toutes les dérives.