Entre autres ancien président de l’Instance centrale de prévention contre la corruption (ICPC), ambassadeur du Maroc au Royaume Uni, cet ingénieur Ponts et Chaussées de Paris est surtout un compagnon de détention politique d’Ahmed Herzenni, ambassadeur itinérant, ancien président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, décédé le 13 novembre 2023, Abdesselam Aboudrar a apporté un témoignage concis et éloquent à l’occasion  de la cérémonie d’hommage au disparu  organisée par le Conseil National des Droits de l’homme à Rabat. En voici le texte :

« Par quoi commencer ? ». Telle a été la question lourde de sens pour notre génération, qui s’est immédiatement imposée à mon esprit lorsque Mme Karima, épouse et compagne de route de feu Ssi Ahmed Herzenni, m’a demandé de prendre la parole à cet hommage à notre ami et camarde Ahmed Herzenni l’occasion du 40ème jour de son départ pour l’éternité. 

C’est là une mission d’autant plus ardue qu’il s’agit d’une personnalité unique, aux dimensions multiples et à l’apport intensément dense.

La réponse fut directe et évidente. Elle vient du titre donné à une longue interview de Ssi Ahmed Herzenni publiée par la revue « Version Homme », en janvier 2010, et reproduit en 2018 sous le titre « Une vie debout ! » dans l’édition française de son livre « Un révolutionnaire dans la réforme ».

C’est que lui qui aimait tant la musique et la poésie, semblait continuellement répéter avec Samih Al-Qassim et chanter avec Marcel Khalifa :

Droit, j’avance, tête haute, j’avance ! 

Personnellement, je suis de ceux qui pensent que ce qui caractérise les hommes, au-delà de leurs pensées, leurs positions et leurs expériences, c’est la primauté qu’ils accordent aux valeurs et à leur mise en œuvre dans leurs comportements au quotidien.

Et à ce niveau, Ssi Ahmed Herzenni fut un modèle de congruence. Ces valeurs, il en rappelle certaines dans l’interview précitée :

• La rectitude, la rigueur et la franchise qu’il tient, précise-t-il, de son frère aîné Abdellah, puis l’amour de la vie et la vitalité qu’il doit à son défunt frère Hmida.

• La cohérence avec soi-même dans ce sens où il s’agit de dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit et défendre l’un et l’autre en toute circonstance et en tout lieu.

• La proximité avec les gens et plus particulièrement les plus humbles d’entre eux.

• Le patriotisme qu’incarne la fraternité, l’action pour un meilleur lendemain pour le pays et ses gens, et le rejet de la haine, des rancunes et des pulsions revanchardes.

C’est dans ce sens que le défunt avait décrit la brève période précédant et suivant immédiatement l’Indépendance comme étant « Mon Andalousie à moi », rêvant toujours de retrouver l’esprit ayant prévalu à cette époque.

Pour ma part, j’ajouterai deux vertus que Ssi Ahmed n’a pas citées, connaissant sa réticence à s’auto-encenser : l’humilité et la bonté, des qualités que personne, je crois, ne contesterait.

Et au-delà de son attachement à la défense des droits de l’Homme tels qu’internationalement reconnus, il était profondément convaincu de l’actualité de la transition démocratique dans notre pays et de l’impérative large mobilisation des forces vives à cet effet. Il était tout aussi convaincu de concilier et rallier l’ensemble des parties aspirant à cet idéal.

Ainsi, il n’a cessé de multiplier les initiatives, l’une après l’autre, ou d’adhérer à celles lancées par d’autres parties bien intentionnées dans le même objectif, celui de la transition démocratique.

Il s’agit là d’une conviction immuable que Ssi Ahmed s’est forgée après une profonde réflexion entamée alors qu’il était encore derrière les barreaux.

Malheureusement, le temps imparti ne permet pas de brasser l’ensemble des aspects de l’apport riche et distingué de Ssi Ahmed Herzenni aux plans intellectuel et professionnel.

Repose en paix cher Ssi Ahmed ! Nous avons été chanceux et fiers d’avoir vécu aux côtés d’un Homme de ta trempe !  

Paix à ton âme, patience et réconfort aux tiens et tes proches, dont nous sommes.

29 décembre 2023.