Le désaveu royal

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Omar Azimane, président de la Fondation Hassan II pour les MRE, Driss Yazami et Abdellah Boussouf respectivement président et secrétaire général du CCME

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Le dossier du Sahara marocain et les Marocains du monde ont été les deux principaux sujets abordés par le Roi, dans son discours du 69è anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple du 20 août 2022. Comme il lui arrive souvent, le Souverain met ses Sujets, Marocains du monde ; au même niveau que la question nationale. C’est dire la place, dans la vision royale de ces derniers.

Des interrogations sans complaisance 

Le Roi a commencé par saluer les liens indéfectibles des Marocains du monde à leur patrie et a souligné leur engagement en faveur des intérêts supérieurs du pays, pour son développement et son rayonnement dans le monde. Il a rappelé leur potentiel en matière d'apport économique, politique et culturel pour le Maroc, avant de s’interroger en ces termes : 

Qu'avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigrés ? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent-ils compte de leurs spécificités ? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment ? Leur avons-nous assuré l'encadrement religieux et éducatif nécessaire ?  Leur avons-nous apporté l'accompagnement requis et les conditions favorables à la réussite de leurs projets d'investissement ?

Pourtant l’État marocain a consenti des moyens considérables pour ce secteur et nombreuses sont les institutions qui sont censés vieller sur ce dossier. Le terrible questionnement royal sonne donc comme un désaveu. Il s’abat, comme de la foudre, sur les institutions en charge de ces questions et interpelle les politiques publiques des deux dernières décennies. Passons-les en revue.

La Fondation Hassan II dédiée aux Marocains de l’étranger :

La fondation Hassan est une offrande aux Marocains du monde par le Roi défunt. Elle a une gouvernance digne de la Corée du nord. Son conseil d'administration, dont plusieurs membres sont disséminés dans les cimetières, n'a pas été renouvelé depuis sa création en 1997. Dotée de moyens importants, avec un budget annuel de 160 Millions de Drh, cette institution demeure fermée, voire énigmatique, à l'image de son organigramme non nominatif affiché sur son site officiel. Les services prodigués apparaissent sans les noms des titulaires. Un organigramme digne d'un service secret.

 

La fondation emploierait une pléthore d’agents, jusqu’à 633 personnes dont plus de 576 à l'étranger. Parmi ses missions déclarées, l'envoi des enseignants en langue arabe destinés aux enfants d'immigrés dans les sociétés d'accueil, ainsi que "l'animation religieuse" en collaboration avec le ministère des Habous et des affaires islamiques. Elle parachute des imams du bled vers les sociétés d'accueil, notamment pendant le mois de Ramadan. Faut-il rappeler, à ce propos, que la France a annoncé, en février 2020, la fin du programme dit ElCO (enseignement de la langue et de la culture d'origine) dans les écoles publiques, ainsi que la fin des imams détachés par les pays d'origine, dans l'objectif de mettre fin des influences étrangères sur l'islam de France.

Depuis cette annonce importante de nature à remettre en cause la raison de l’existence même de la Fondation, qu’a-t-elle fait ?  Silence totale, aucune réflexion aucune proposition alternative pour anticiper et s'adapter aux exigences des pays d'accueil et à l'évolution de l'immigration marocaine, notamment en France, qui accueille le plus gros contingent MRE, estimé à 2,5 millions, binationaux compris. 

La fondation Hassan ne s’occupe plus des opérations saisonnières "Marahaba", gérée depuis quelque année et plus efficacement par la Fondation Mohamed V. cette opération technique de grande envergure mobilise des services compétents et dont c’est le métier.

 Le CCME, Colère de la Communauté Marocaine de l'Étranger 

Crée en 2007 par Dahir Royal, l’enthousiasme manifesté par les acteurs associatifs des Marocains du monde sera de courte durée et la déception n’en sera que plus grande. Issu de la matrice des droits de l’homme, le CCDH, la gouvernance du CCME est digne des républiques bananières. Le mandat de ses membres est de 4 ans. Ils n’ont jamais été renouvelés. Et à ma connaissance, il y a, en 14 ans d’existence, une seule réunion de l'assemblée en violation de son décret. Pire encore, ses membres ne se sont pas réunis depuis de longues années. Le retrait du président du CCME, depuis sa nomination à la tête du CNDH, un retrait qui a perduré après le CNDH, a laissé les manettes au secrétaire général qui a mis main basse sur l'institution CCME, avec une gestion opaque, des méthodes de gestion tribale et clanique. Il a fini non seulement par détourner l’institution de ses objectifs initiaux mais de faire du CCME sa chose. Je reviendrai, en temps utile sur ses responsabilités dans les dérives de l’Islam de France et de Belgique.

En réduisant le CCME a sa plus plate expression, en le paralysant depuis de nombreuses années, le leadership du CCME a non seulement failli dans sa mission, a non seulement foulé des pieds les espérances des Marocains du monde. Il a, et c’est le plus grave, trahi la confiance royale.  

Le Ministère chargé des marocains de l’étranger :

L'inefficacité des ministres successifs à la tête du ministère des Marocains du monde, trouve son explication dans les intérêts particuliers que nourrissent les partis politiques marocains, à l'égard d'un portefeuille ministériel important en lien avec ses avantages. Alors, que le positionnement stratégique de l'immigration marocaine nécessite une vision globale dans la durée.

D'ailleurs, la suppression du ministre MRE dans le gouvernement Akhannouch, est passée inaperçue. C’est que désormais son existence dans l’organigramme ministériel est égale à son inexistence. Inexistence similaire à la pathétique Nezha El Ouafi, qui a occupé le poste de ministre MRE, les deux dernières années du gouvernement El Othmani. Le plus inquiétant, outre que cela n'a semblé irriter personne chez les acteurs associatifs de l’immigration, cela peut se lire un fatal désintérêt.

Mais c’en fini. Le signal royal est fort. C’est le feu d’artifice. Il y a comme une nouvelle feuille de route. Et elle est tracée par Sa Majesté, dans un extrait du discours royal, on ne peut clair :

« Il est grand temps de moderniser et de mettre à niveau le cadre institutionnel et de doter cette communauté de l'encadrement nécessaire ainsi que des moyens ». 

Cela ne saurait rester lettre morte. 

Il appartient donc et d'abord à ceux qui occupaient des responsabilités dans le champ MRE, de tirer les conclusions de leur désastreux bilan. Par ailleurs, il appartient également à chacun d'entre nous, de prendre sa part, dans la réflexion et les propositions pour participer à l'écriture du chantier de demain, celui d'une gestion saine et rationnelle en phase avec l'évolution de l'immigration marocaine et ses besoins, une communauté qui regorge de talents, de compétences dans tous les domaines et qui mérite un meilleur traitement. 

Hamid Soussany

Nice. France

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