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Maroc - UE : Pacta sunt servanda – Par Naïm Kamal (Actualisé*)
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Haut-représentant de l’Union Européenne, Josep Borrell
Par Naïm Kamal
Article actualisé*
L’Union Européenne se fout de la gueule du monde ! L’expression n’est sans doute pas élégante, mais c’est l’impression que laisse la décision de la Cour de justice de l’UE (CJUE) « annulant » les accords de pêche et agricole entre l’UE et le Royaume du Maroc.
Certes, dès l’annonce de cette décision, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Haut-représentant de l’Union Européenne, Josep Borrell, ont donné le ton, dans une déclaration conjointe, en réaffirmant leur attachement au « partenariat stratégique » avec le Maroc, une formule claire, presque magique qui reviendra dans toutes les déclarations des capitales européennes qui se sont exprimées dans le sillage des deux hauts responsables de l’Union.
Madrid, Paris, Rome, Lisbonne, Vienne, Budapest, Bruxelles, Helsinki, Amsterdam, ou encore Prague ont tous dit peu ou prou la même chose. En substance, leur détermination à travailler avec l’UE et le Maroc pour préserver et continuer à développer cette relation privilégiée, voire, comme l’affirme le ministère des Affaires étrangères français, l’étendre à d’autres domaines.
La plus directe a été Rome qui ne s’est pas contentée de « prendre note » de la décision européenne. En rappelant que « le partenariat stratégique est fondamental entre l’UE et le Maroc, y compris dans le domaine de l’agriculture et de la pêche », le Vice-président du Conseil des ministres, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Antonio Tajani, a interpellé « la Cour européenne (qui) devrait en tenir compte ».
La France, s’en tient, elle, à « la préservation des acquis du partenariat, dans le respect du droit international », précision qui va de soi et qui mériterait dans ce contexte quelques explications. Le Quai d’Orsay n’a toutefois pas manqué de se référer à la lettre adressée par le Président français au Roi Mohammed VI à l’occasion de la Fête du Trône, pour redire que la France reste « déterminée à accompagner les efforts du Maroc en faveur du développement économique et social du Sahara, au bénéfice des populations locales ».
Berlin, avec un temps de retard sur les autres capitales, et certainement de « réflexion », a fini à son tour par réagir en « prenant note » de l'arrêt de la CJUE. A leur tour, les Allemands parlent de « partenariat stratégique, multidimensionnel et privilégié » pour rappeler en conclusion que « les relations entre l'UE et le Maroc s'inscrivent dans la durée, l’étendue et l'approfondissement », précisant que c'est ce qu'a souligné à nouveau la déclaration commune de la Présidente de la Commission Européenne et du Haut Représentant pour les Affaires Étrangères et la Politique de Sécurité. Mais en dégageant cet extrait spécifique de la déclaration commune, le communiqué allemand laisse l’impression de vouloir insister sur ce que la diplomatie germanqiue en retient, omettant de faire référence à « Pacta sunt servanda ».
La Belgique, les Pays Bas, l’Autriche et la Finlande s’inscrivent eux clairement dans le propos de Ursula von der Leyen et Josep Borrell en apportant leur appui à « la déclaration conjointe de la présidente de la Commission européenne et du Haut-représentant de l’Union Européenne ».
Que dit cette déclaration d’important ? Précisément "Pacta sunt servanda" ! L'expression, latine, signifie littéralement « les pactes doivent être respectés ». Elle est souvent utilisée en droit international pour souligner que les accords et traités entre les États doivent être honorés et exécutés de bonne foi. Aphorisme éloquent, "Pacta sunt servanda" fait fonction de condition sine qua non pour la confiance et la prévisibilité dans les relations entre Etats.
L’affaire est cepedant entendue et aucun n’a en principe de raison de se réjouir, même si dans la décision européenne il y a du grain à moudre pour Alger qui est ainsi comblé à minima, sachant que la diplomatie algérienne a dû rapidement manifester son désenchantement en déclarant regretter la résolution de nombreux pays européens à passer outre la décision de la CJUE. Elle devra pourtant s’en contenter. Néanmoins, cette désagréable manière qu’ont les Européens de l’Union de vicier de la main gauche ce qu’ils ont signé de la main droite, n’est pas de nature à consolider la confiance ou instiller la sérénité dans les relations.
* NDLR : l’actualisation du texte se rapporte à la réaction allemande qu’on a donné absente dans le premier article