Tourisme : Le Maroc s’offre un embargo 5 étoiles – Par Abdellah Chenkou

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Le tourisme international a rebondi pendant la saison estivale de l'hémisphère nord. Mais le rythme de la reprise reste fragile. Le constat de l'Organisation mondiale du Tourisme (OMT) est assez clair : si les arrivées de touristes internationaux ont augmenté de 58%, elles sont restées inférieures de 64% aux niveaux de 2019. Et n’ont pas profité de manière égale à tous les pays. Un frémissement a été enregistré au Maroc cet été, mais l’apparition de l’omicron est venue tout remettre à plat. Le Maroc, toujours résolu à anticiper pour ne pas éprouver des structures sanitaires fragiles, a décidé de fermer. Pour deux semaines. Une décision qui a désespéré les opérateurs du secteur et énervé Abdellah Chenkou, directeur du Canard Libéré. Sous le titre qui colle aux circonstances, « Le Maroc s’offre un embargo 5 étoiles », Abdellah Chenkou fait part de son sentiment de plus en plus prégnant « qu’il existe deux gouvernements au Maroc. D’un côté, un exécutif qui fait des annonces en faveur de la relance économique et, de l’autre, un cabinet qui au nom de la lutte contre le Covid prend des décisions, comme la suspension des vols aériens, qui la torpillent ». Et dénonce un « bicéphalisme, générateur de confusion et d’incompréhension ».  Le texte qui ne manque ni de pertinence ni de piment a interpelé le Quid.ma qui le ressert bien volontiers à ces lecteurs. 

On a de plus en plus le sentiment qu’il existe deux gouvernements au Maroc. D’un côté, un exécutif qui fait des annonces en faveur de la relance économique et, de l’autre, un cabinet qui au nom de la lutte contre le Covid prend des décisions, comme la suspension des vols aériens, qui la torpillent. Cette situation donne lieu à une série d’incohérences.  Exemple parmi tant d’autres : les autorités marocaines décrètent le 20 octobre dernier, pour des raisons sanitaires, la suspension des vols directs avec trois pays européens (Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni). Cette décision brutale est intervenue au moment où l’ONMT était en pleins préparatifs pour participer au salon World Travel Market qui s’est tenu à Londres du 1er au 3 novembre 2021. Inutile de discourir sur l’effet ravageur d’une telle mesure sur le tourisme national qui commence à peine de sortir la tête de l’eau, et au-delà sur la crédibilité de la signature de la destination Maroc auprès des TO pris ainsi de court de manière récurrente.

Ce bicéphalisme, générateur de confusion et d’incompréhension,  crée un certain malaise dans toutes les strates de la société et jusque dans la communauté des affaires qui a du mal à saisir à quoi riment ces suspensions de liaisons aériennes et maritimes qui coupent le Maroc du reste monde en impactant durement l’activité économique globale. S’il est très difficile d’entendre quelque chose au Covid et à ses variants qui surgissent bizarrement malgré les campagnes de vaccination et les opérations de rappel à répétition, il est tout aussi ardu, à moins d’être doté d’une intelligence de troisième type, de comprendre quoi que ce soit à la stratégie marocaine en matière de lutte contre la pandémie. Certes, le verrouillage du pays à double tour pendant deux semaines- en attendant de connaître le potentiel de dangerosité de Omicron - vise à « préserver les acquis réalisés par le Royaume dans la lutte contre la pandémie et à protéger la santé des citoyens». Mais d’un point de vue économique, cette mesure extrême est tout bonnement désastreuse pour un pays qui n’a pas non plus les moyens d’en supporter les coûts tant financiers que sociaux. Et puis, est-il raisonnable de fermer le pays et de l’enfermer sur la base du principe de précaution qui, il faut le préciser, renvoie à une situation (Omicron) dans laquelle les dangers ou les risques sont possibles, mais incertains. Cette décision n’aurait été compréhensible, voire applaudie, que dans le cadre d’une politique de prévention qui concerne, elle, des dangers connus, bien cernés et dont les risques sont déjà évalués. En privilégiant le principe de précaution par rapport à un variant dont la dangerosité n’est pas encore avérée scientifiquement, le Maroc a donc agi dans l’incertitude là où il aurait fallu - sans doute - faire preuve de prudence…

Au Maroc, qui est loin d’être aussi riche que cette monarchie du Golfe et où le tourisme est un secteur essentiel, pourvoyeur de devises et d’emplois, l’approche adoptée consiste à cracher sur tous les touristes, qu’ils soient positifs ou non !

Or, au moindre rebond épidémique dans un pays étranger, le Royaume s’empresse avec une célérité qui tranche avec sa lenteur historique dans le traitement des problèmes de fond de la nation, de suspendre ses liaisons aériennes avec ce dernier. Expression d’une panique ou d’un excès de zèle, habillée  en stratégie d’anticipation, cette façon de faire est  devenue une pratique systématique qui tombe comme un couperet, là où de nombreux pays comme les Émirats arabes unis se sont  réellement donné les moyens pour faire tester instantanément les voyageurs à leur arrivée dans le pays, aux frais de l’État émirati. Ce filtre sanitaire présente l’avantage inestimable de ne pas laisser filer le touriste sain et surtout de prendre son argent et de mettre à l’écart celui qui s’avère contaminé. Au Maroc, qui est loin d’être aussi riche que cette monarchie du Golfe et où le tourisme est un secteur essentiel, pourvoyeur de devises et d’emplois, l’approche adoptée consiste à cracher sur tous les touristes, qu’ils soient positifs ou non !

Quid du « double contrôle » aux frontières par caméras thermiques et thermomètres, ainsi que par tests antigéniques, annoncé pompeusement par le ministère de la Santé via un communiqué en date du 13 novembre dernier? Ceux qui sont revenus de voyage avant le blocus international que s’est offert le Maroc ont vite compris qu’il s’agit d’un dispositif installé juste pour le décor. Censé être déployé sur le terrain avec toute l’efficacité requise, ce travail de tous les instants reste virtuel dans les aéroports. Est-ce pour cette raison que les décideurs sont revenus, à la première occasion, à la politique du blocus aérien et maritime ? Censé faire pièce à Omicron et l’empêcher de se faufiler dans les bagages des voyageurs étrangers - ce qui est loin d’être acquis car un virus ne se bloque pas par des décisions pareilles qui sont in fine inutiles et donc contreproductives -, ce blocus a été décrété par le comité interministériel du suivi du Covid, que n’incarne du reste aucune figure décisionnaire.  Cette entité, dont les membres ne prennent même pas la peine de s’exprimer publiquement pour défendre leurs décisions, se contente juste de se fendre de communiqués laconiques alors que leur contenu entraîne des conséquences dramatiques sur les hommes et leurs activités. Ainsi le Maroc se barricade. Par les airs et par mer alors que l’OMS a recommandé aux États de ne pas fermer leurs frontières.    

Décision lourde de conséquences à tout point de vue. Bonjour la galère pour les Marocains qui se trouvent en voyage à l’étranger et qui risquent s’ils n’ont pas eu la chance d’embarquer dans un vol retour avant lundi 29 novembre à minuit d’être condamnés dans leur pays d’accueil du moment à une immense détresse identique à celle de 2020. Car, comme la dernière fois, les autorités n’ont pas prévu dans l’immédiat d’opérations de rapatriement des victimes du verrouillage des frontières. Elles ont juste minutieusement bien préparé l’action de la fermeture du pays et de ses points d'accès !

Le désagrément est tout aussi grand pour les Marocains qui ont programmé des projets urgents à l’étranger notamment des opérations chirurgicales ou des contrôles médicaux sensibles. Au nom de la préservation des « acquis réalisés par le Maroc dans la lutte contre la pandémie et protéger la santé des citoyens », le comité interministériel de suivi de la pandémie a donc jugé urgent de couper le Maroc du reste du monde ! A croire que la santé d’un secteur essentiel comme le tourisme, qui fait vivre plusieurs dizaines de milliers de familles, n’est pas digne d’être sauvegardée. De nombreuses unités hôtelières et d’entreprises de transport touristique, écrasées par ces restrictions à répétition, sont déjà en faillite… Du coup, le sauvetage du secteur devient très problématique sur fond d'une détresse qui atteint son paroxysme. Il ne reste plus qu'à signer officiellement son certificat de décès...

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