chroniques
Une semaine après, le prix du mouton, on en parle encore- Par Bilal Talidi
Mohamed Sadiki, ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, et des Eaux et Forêts au Parlement
Il ne faut pas hésiter à dire que la grande majorité des citoyens n'ont jamais connu une fête de l'Aïd al-Adha pareille, marquée par un déficit sans précédent de moutons de sacrifice sur le marché. Cette année, le phénomène de l'abandon forcé de cette tradition religieuse a atteint des niveaux record en raison de la hausse exorbitante des prix des moutons ou de leur absence totale dans certaines villes.
Depuis la nomination de Mohamed Sadiki à la tête du ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, et des Eaux et Forêts, rien n'a changé dans ses discours avant et après la préparation de l'Aïd al-Adha. Il parle toujours des statistiques : nombre de moutons et de chèvres, points d'engraissement, l'offre et de la demande, ainsi que des efforts du ministère en matière de traçabilité et de sécurité sanitaire des moutons.
Après l'Aïd, il se rabat sur l’explication de la hausse des prix des moutons.
En réalité, personne ne peut confirmer la véracité des statistiques sur le nombre de têtes de moutons au Maroc. Le ministère parle de chiffres qu'il obtient des professionnels. Depuis plus de deux ans, il est question de plus de 7,5 millions de têtes prêtes pour le sacrifice, avec une offre largement supérieure à la demande, bien que cette année, le ministère ait admis une légère baisse de 2 % du cheptel ovin.
Ces statistiques suggèrent que les prix des moutons devraient être conformes aux lois économiques de l'offre et de la demande, car les estimations du ministère indiquent que le nombre de moutons sacrifiés ne dépasse pas 5,6 millions de têtes.
En termes de mesures gouvernementales pour assurer l'offre et stabiliser les prix, le ministre parle d'un budget de 20 millions de dirhams pour financer deux programmes de soutien à l'élevage (soutien à l'alimentation), en plus de la suppression des droits de douane et des taxes sur l'importation de moutons destinés au sacrifice, et un soutien de 500 dirhams par tête importée pour les importateurs.
Sur cette base, on était on droit de s’attendre à une baisse des prix plutôt qu’à leur surenchérissement.
Les mesures prise par le ministre semblent importantes, mais il est patent que leur fait défaut le suivi de leur impact et de la réalisation des objectifs visés, notamment la maîtrise des prix pour permettre aux citoyens au rituel sans coûts prohibitifs.
Il y a trois ans, le ministre avait reproché aux médias de véhiculer des prix fictifs supérieurs à 5000 dirhams pour justifier la perception d'une hausse des prix. Il a affirmé qu’il y en avait pour. Toutes les bourses, et que les prix variaient entre 800 et 6000 dirhams en fonction du pédigrée et de la qualité des ovins ainsi que du degré d'engraissement des moutons.
Ces deux dernières années, il a attribué la hausse des prix à la conjoncture mondiale, à l'inflation et à l'augmentation des coûts, déclarant que la situation aurait été pire sans les mesures gouvernementales.
Cette année, il a de nouveau évoqué devant le Parlement la sécheresse qui frappe le Maroc depuis trois ans consécutifs, blâmant les intermédiaires et spéculateurs responsable de la hausse des prix, affirmant également que le ministère n’avait pas la main sur contrôle pas les prix des moutons.
En dépit de la véracité de certaines de ces affirmations, elles n'ont pas répondu à la question de la disparition des moutons du marché dans certaines villes, ni à celle de la perturbation de l'offre et de la demande.
En réalité, il y a des points qui nécessitent des éclaircissements, tels que : les moutons importés ont-ils tous été destinés au sacrifice ou certains professionnels autorisés par le ministère à importer ont-ils trompé ce département en profitant du soutien et de la levée des droits de douane et des taxes pour transformer les moutons de sacrifice offres pour les mariages et les événements qui se tiennent généralement en été, afin de les vendre à des prix très élevés et de réaliser des bénéfices sur tous les fronts ?
En réalité, nous n'avons pas d'informations sur la capacité du ministère à surveiller ces professionnels, mais tant que le ministère obtient lui-même les statistiques sur les têtes de moutons de ces professionnels, il est fort probable qu'il ne dispose pas des moyens pour vérifier si ces moutons sont destinés au sacrifice ou à autre chose.
Dans ce cas, il faut s'interroger sur l'impact des mesures gouvernementales en faveur des professionnels et sur leur objectif. Si, comme annoncé précédemment, le but est de contrôler les prix de la viande rouge, la réalité montre qu'ils n'ont fait qu'augmenter dès que ces mesures ont été mises en place, puisque le prix de la viande ovine a atteint 130 dirhams sur le marché national. Et si l'objectif est uniquement de contrôler les prix des moutons de sacrifice, les données révélées par les marchés de moutons cette année montrent que le prix moyen d'un mouton de sacrifice a dépassé 4500 dirhams, ce qui a justifié l'abandon forcé de cette pratique par une grande partie des citoyens, certaines estimations indiquant que cela a concerné plus de 40 % des personnes.
Le fait est qu’il y a beaucoup de zones grises que le ministère se doit éclaircir. Tout d'abord, attribuer la hausse des prix, que ce soit pour les légumes et les fruits ou pour les moutons de sacrifice, aux spéculateurs est une réponse traditionnelle qui ne satisfait plus personne, car elle signifierait que le gouvernement, dont c’est l’une des missions, à faire face aux lobbies, alors qu’en principe l'État est plus puissant que les professionnels et les intermédiaires. Quand M. Sadiki se rabat sur ces lobies, il ne fait rien d’autres que laisser entendre que les autorités et l’Etat qui les emploie sont, pour le moins, faible. Ensuite, un département qui dépense, selon ses propres affirmations, beaucoup d'argent dans des programmes pour alléger les souffrances des agriculteurs et des éleveurs, qui alloue des millions de dirhams pour soutenir les aliments pour bétail, et qui offre une subvention pour chaque tête importée, ne peut pas ensuite lever le drapeau blanc et dire qu'il n'a aucun contrôle sur les prix et que les spéculateurs sont responsables de leur augmentation.
Il est recevable que la sécheresse a une part de responsabilité dans la hausse des prix des moutons de sacrifice, et admissible également que la conjoncture mondiale joue un rôle. Ce sont des facteurs exogènes qui échappent au contrôle de tout gouvernement pour en limiter certains impacts négatifs. Cependant, en ce qui concerne les spéculateurs, les professionnels importateurs ou le fonctionnement du marché intérieur, le gouvernement dispose de tous les moyens nécessaires pour les contrôler et assurer ainsi la stabilité des prix, ou au moins, ne permettre qu'une légère augmentation, tout en respectant le principe de la liberté des prix.