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AMBITION CONTRARIEE D’UN PRETENDANT AUTO-BANNI
D?s le titre, ??Journal d?un prince banni??, le lecteur est induit en erreur. ??Auto-banni?? serait plus appropri?. Les voyeurs et les collectionneurs des ??petites histoires des alc?ves?? y trouveront certainement mati?re ? nourrir les discussions oiseuses des terrasses de caf?. Pour l?analyse il faudra repasser. De la compote ? la cr?me chantilly que Moulay Hicham a l?habitude de servir ? ses convives. Posture victimaire d?un prince qui serait martyre de sa diff?rence sur le ton pr?tentieux de celui qui a tout compris, tout dit avant les autres. Avec un brin d?humilit?, le prince se rendrait compte qu?il ressert les principes ?l?mentaires du processus de la maturation d?mocratique en les saupoudrant de r?f?rences historiques et th?oriques pour les habiller des atours de la science infuse.
Une approche brouillonne et h?sitante qui veut tout changer et ne rien changer. Tout changer pour que celui qui veut ?tre roi ? la place du roi devienne roi. Et ne rien changer pour qu?une fois roi il reste roi. C?est aussi simple que ?a. Retour sur une ambition contrari?e.
LE PRINCE INTEMPESTIF
29 juillet 1999, Palais Royal de Rabat. Juste apr?s le prince Moulay Rachid, le prince Moulay Hicham signe l?acte d?all?geance et se dirige pour saluer le tout nouveau roi install? sur son tr?ne. Le cousin qui voulait probablement d?j? marquer sa diff?rence, ne s?est pas limit? au salut protocolaire d?usage mais s?est baiss? sur l?oreille du roi et mit sa main droite autour de sa nuque dans un geste familier qui avait toutes les allures d?une accolade. Si l?on croit Fran?ois Soudan (Jeune Afrique du 22 janvier 2002), il lui aurait dit?: " l?instant est rude, il faut tenir?!" Vrai, faux, toujours est-il qu?une lueur d?exasp?ration traversa le regard ? la fois triste et grave du souverain. Du bout de doigts, il repoussa fermement le coude du prince l?invitant ainsi ? le lib?rer de cette ?treinte intempestive.
On peut facilement imaginer l?irritation que pouvait provoquer chez-lui cette entorse au protocole dans un instant aussi solennel. Mais pas seulement. Le matin m?me de la prestation du serment d?all?geance, le prince se serait maladroitement manifest? en sugg?rant qu?une institution aussi importante que les Forces arm?es Royales soit dispens?e du serment de la bey?a. On verra plus loin les incidences politiques auxquelles pouvait donner lieu une telle proposition et v?rifier sa contradiction avec la perception m?me qu?a le prince de l?acte d?all?geance.
N?anmoins la position rest?e sans cons?quences parce que sans suite, n?aurait eu aucun impact sur les rapports des deux cousins si d?j? depuis des mois les salons de Rabat ne bruissaient pas de rumeurs sur les impatiences de Moulay Hicham et ses propos tendant ? mettre en doute les comp?tences et les capacit?s du dauphin de Hassan II.
CONSTRUCTION D?UN PERSONNAGE
Intempestif?! C?est le qualificatif qui va le mieux ? Moulay Hicham. Ses allures de prince charmant, joueur et farceur cruel, prendront d?autres reliefs ? partir de 1994. Cette ann?e l? il fonde l?Institut Princeton pour les Etudes du Moyen Orient, d?Afrique du Nord et d?Asie. Sa premi?re appellation, Mohammed V, pr?sent?e comme un hommage au symbole de l?ind?pendance du Maroc, fait grincer des dents ? Rabat. Non seulement l?exploitation d?un tel patrimoine national n?cessitait une d?rogation sp?ciale, mais le non-dit de la revendication de cette filiation directe avec le grand p?re n??chappe pas au regard aiguis? de Hassan II. Et c?est tout naturellement qu?un ange passe venant consolider la s?rie de "malentendus" entre le d?funt roi et son neveu.
Pour l?opinion publique il n?y avait aucun mal ? cette appellation, m?me si elle aurait aim? qu?un un tel institut soit domicili? dans une universit? marocaine afin que ce qu?elle percevait comme le plaisir d?un prince qui s?offre un espace de r?flexion et de production intellectuelle soit ? la disposition g?ographique de la grande majorit? des Marocains.
Ce n?est qu?avec le temps que l?institut de Princeton appara?tra pour ce qu?il est, une rampe de lancement et un espace de recrutement des affid?s?: Le d?but d?un processus qui va faire couler beaucoup d?encre.
Une ann?e plus tard (juillet 95), le prince se fait remarquer par la publication d?un article dans le Monde diplomatique. C?est une premi?re?qu?un enfant du s?rail prenne la parole publiquement sur des questions touchant ? la politique. Une petite phrase, l?inexistence "d?un seul Etat de droit dans l?ensemble du monde arabe", ne passe pas inaper?u. D?sormais, ce que l?on pouvait prendre pour une exception allait devenir la r?gle. Cette fois-ci, toujours sur les colonnes du m?me mensuel, il va droit au but. Un article consacr? ? "la transition d?mocratique et la p?rennit? du tr?ne", plaide en septembre 1995 pour que la monarchie du 21?me si?cle r?gne autrement. Par ces sorties, le prince intrigue autant qu?il s?duit. S?il fait jaser certains sur ses intentions r?elles, bien des gens tombent sous le charme?: prince en rupture, prince d?mocrate, prince dissident, prince citoyen et enfin prince rouge. Les titres et les qualificatifs pleuvent et versent tous dans le m?me fleuve, la construction de l?image d?un prince diff?rent, qui parle autrement. Ils ont aussi comme effet secondaire, mais on ne s?en apercevra pas tout de suite, celui de flatter un ego princier d?j? suffisamment d?velopp?.
Plut?t qu?une analyse in?dite, l?article publi? sur les colonnes du Monde diplomatique n?est en soi qu?une synth?se du d?bat de l??poque entre ce qu?on appelait alors les forces d?mocratiques et le Palais. Qu?il soit repris ? son compte par le prince ne laisse pas indiff?rente l?opposition nullement m?contente de son intrusion dans le subtil et dur rapport des forces avec le monarque. Le quotidien en arabe de l?USFP, Alittihad Al-Ichtiraki, s?empresse de le reprendre sur ses colonnes. Le contexte ?tait marqu? par deux faits majeurs?: la maladie d?sormais acquise depuis une ann?e de Hassan II et la pr?paration de l?alternance que le d?funt roi voulait consensuelle. Moulay Hicham n?ignorait ni les cons?quences de l?une ni la signification de l?autre. Son texte ax? sur la r?forme de la monarchie apparaissait? comme un appel du pied ? l?opposition essentiellement de gauche. Il r?sonnait aussi comme la pr?paration de l?apr?s Hassan II.? Si en son temps le prince s?en ?tait d?fendu, un autre texte paru cinq plus tard et rendu c?l?bre par sa contestation du principe constitutionnel de la primog?niture dans la succession monarchique, donnera les cl?s d?acc?s et fournira une grille de lecture permettant aux soup?ons de prendre corps. A cet instant, le prince cherche ? substituer ? cette r?gle de succession, ??le conseil de famille??, en cours dans les pays du Golfe, pour d?cider dans le huis clos du palais de celui qui sera roi. J?y reviendrai plus loin.
LA VITESSE SUPERIEURE
Des journaux priv?s, mais ?galement le quotidien de l?USFP, qui cessera de le faire apr?s le d?c?s de Hassan II, prendront l?habitude? de donner un large ?cho ? ses ?crits sans trop regarder ? la coh?rence de ses positions. Reste qu?? ce stade, l?activisme du prince ressemble pour l?essentiel ? un exercice intellectuel. Pas pour longtemps. Au d?but des ann?es deux milles, Moulay Hicham commence ? donner des signes de f?brilit?.? Il est visiblement d??u, et le fait savoir, du gouvernement Youssoufi, de l?USFP et de l?ancienne opposition en g?n?ral. Apparemment, il n?a pas atteint ? travers l?alternance et la gauche socialiste son objectif?: Une transition et une dynamique qui finiraient par l?imposer en cl? de voute du syst?me. Impatient, il change de vitesse.
Sur les chapeaux de roue, il publie en 2001 son c?l?bre article, ? la base une conf?rence ? l?IFRI, dans le quotidien le Monde. S??levant contre les ??d?rives dynastiques??, il d?cline sa d?finition du guide qui doit?"exciper d?une sup?riorit? moral pour s?imposer. Et cela revient, assure-t-il,? ? incarner ? la fois valeurs essentielles ? un moment donn?, et se faire reconna?tre le r?le de guide lorsque le moment impose le changement??. L?homme providentiel en quelque sorte, Moulay Hicham en l?occurrence, qui se cache au tournant d?une phrase, facile pourtant ? deviner lorsqu?il fait pr?valoir "la comp?tence", la sienne suppos?e, sur le principe de la primog?niture consacr?e par la constitution marocaine dans la succession au tr?ne. Ses desseins se d?voilent au grand jour.
Mais tout projet a besoin de relais. Coup? des partis institutionnels qu?il n?a pas su m?nager, de l?arm?e qu?il a brocard?e, le prince se tourne vers la gauche "informelle" compos?e de socialistes en rupture de banc et d?anciens gauchistes en mal d?action. Dans le noyau dur du Journal-Hebdo, qui pour des raisons obscures passe d?un soutien inconditionnel au r?gne de Mohammed VI ? une hostilit? frontale, Moulay Hicham trouve un "alli? naturel". M?me Ali M?rabet personnage tr?s ?quivoque n??chappe pas ? sa sollicitude. Il prend aussi pied par l?interm?diaire de journalistes "amis" dans certains hebdomadaires arabophones. Il lorgne du cot? du tissu associatif et grade par ailleurs un ?il sur la mouvance islamiste.
Malgr? ses d?n?gations, les relations de la presse avec le prince sont sujettes ? caution. " Sonnantes et tr?buchantes". Interrog? par Tel Quel en d?cembre 2005 sur le "pr?t" qu?il a fait ? deux actionnaires de l?hebdomadaire Al Ayam, Moulay Hicham affirme ?qu?il lui "est souvent arriv? d?aider des entrepreneurs qui voulaient se lancer dans les affaires. Dans ce cas, ces gens m?avaient dit qu?ils lan?aient une affaire en Espagne." Autant dire que "ces gens" l?ont ??flou頻. En juin 2005, La Vie Echo publie un article, qui ne sera jamais d?menti, intitul? "Moulay Hicham?: un titre et des chiffres." Par le menu d?tail il y d?crit la pompe de financement par millions d?euros. C?est finalement l?anthropologue Abdallah Hammoudi, l?ami que le prince avait install? ? la t?te de son institut de Princeton qui apportera le mot de la fin. Dans une interview que r?alise avec lui Tel Quel (octobre 2005), A Hammoudi finira par dire "que le prince Moulay Hicham a tout ? fait le droit de soutenir des journaux ou groupe de presse qui, sur le terrain actuel, d?fendent les m?mes id?aux que lui."
Mais il ne faut pas croire, ces millions d?euros, la presse marocaine, il est vrai, n?en per?oit que des miettes. L?essentiel de la manne va ? des instituts ?trangers tels l?Institut Fran?ais des Relations Internationales, ? un comit? d?universitaires en charge d?un document sur la gouvernance au Maroc? A partir de cette ?poque, on va le voir se camper ? cot? de tous les pourfendeurs professionnels du Maroc.? La bande des trotskystes, Jean Pierre Tuquois du journal le Monde qu?il alimente r?guli?rement, son ancien r?dacteur en chef Edwy Plenel, Ignace Dalle de l?AFP qui s?est abreuv? ? sa bonne source pour r?diger son ouvrage "les trois rois". En Espagne il est de bonne intelligence avec des journalistes d?El Pais et El Mundo. Il se d?ploie ?galement du cot? d?opposants historiques comme Abdallah Ibrahim ou encore l?irr?ductible Fquih Basri pour "partager avec eux ses analyses". M?me un personnage aussi sulfureux que l?islamiste Abdelkrime Moti?? compromis dans l?assassinat en 1973 du leader socialiste Omar Benjelloun, n??chappe pas ? ses "assiduit?s". Ce travail inlassable de " r?seautage" a pour objectif pr?cis de doter le prince des moyens de faire parler de lui ? d?faut de pouvoir influer sur les ?v?nements.
Dans l?estime qu?il a pour lui-m?me, il ne se con?oit que dans une place centrale, pr?sent ou absent, disert ou silencieux. Jour apr?s jour, ses amis sinc?res ou int?ress?s tissent de lui l?image d?un prince exceptionnel et hors normes qui correspond trait par trait aux canons du guide qu?il d?finit dans son article sur les d?rives monarchiques,? excipant ??d?une sup?riorit? morale?? reconnue et admise.
EXCES DE VITESSE
D?s le d?but, l?islamisme est pr?sent dans ses pr?occupations mais nullement encore comme une urgence ou une possible alliance politique. Dans Le Monde diplomatique il ?crit que "les invocations d?ordre religieux ? une autorit? transcendantale ont souvent eu pour effet [dans le monde Arabe] de renforcer les structures de d?pendance, ce qui retarde d?autant le d?veloppement d?une citoyennet? politique moderne." Et d?ajouter?: "sous sa forme radicale ou conservatrice, l?appel ? l?Islam peut alors, au nom de la loyaut? ? des traditions, se transformer en l?gitimation d?un ordre non d?mocratique servant ainsi ? emp?cher tout renouveau." Dans sa d?fense " du bon usage de l?Islam" afin de le rendre compatible "avec l?existence des droits publiques et sociaux", il a en t?te ?ventuellement la commanderie des croyants et ?il est fort probablement loin de penser qu?un jour il aura par n?cessit? ou opportunisme politique ? faire les yeux doux aux islamistes.
Dans un article sur "la relation complexe de Moulay Hicham avec les islamistes marocains" (Al Ayam du 27 novembre 2005), Anas Mazour connu pour sa proximit? avec les mouvements islamistes rel?ve qu?? la suite d?un ?change de correspondance sur la question "d?alkhilafat" en Islam entre le prince et l?Islamiste Abdelkrim Moti?? bas? en Lybie, "a conduit le porte- parole du mouvement Aladl wa Alihssane, Fath Allah Arsalane ? louer la th?se du prince, ce qui a amen? Moulay Hicham ? courtiser les disciples de Cheikh Yassine en d?clarant qu?il les a trouv?s aux cot?s d?organisations gauchistes parmi les plus proches de lui." Depuis il ne ratera aucune occasion pour exprimer ses sympathies pour diff?rents islamistes, de Mustapha Ramid ? Nadia Yassine et peu importe si cette derni?re le renvoie ? ses chaires? lorsqu?il lui apporte sa solidarit? contre les poursuites dont elle fut l?objet suite ? sa revendication d?une r?publique islamique.
Apr?s les difficult?s des Etats-Unis en Irak, le prince dissident avait adopt? une attitude plut?t critique sur la politique am?ricaine traitant du grand Moyen Orient cher ? Bush en lorgnant du cot? de Ryad. Mais le 29 septembre 2003, il n?h?site pas ? solliciter l?appui am?ricain en proclamant lors d?un colloque ? Harvard que ??la d?mocratisation, dont le Proche Orient a d?sesp?r?ment? besoin [?] implique de soutenir les forces qui ont courageusement ?uvr? dans ce sens?: dissidents et journalistes, qui risquent leur vie et leur libert?, r?formistes islamiques [?] groupes de femmes, syndicats et repr?sentants de la soci?t? civile [?] Toute puissance ext?rieure, ajoute-t-il, d?sireuse d?intervenir au nom de la d?mocratie, doit dialoguer avec ces forces, les respecter et trouver avec elles des solutions politiques, sociales et ?conomiques." Encore un peu et il signerait un acte de protectorat avec Washington contre son intronisation par la Nouvelle Rome.
A travers ses ?crits, interviews et conf?rences, le prince essaye de se donner un destin fond? sur une stature nationale et une dimension internationale. Mais Moulay Hicham est ambivalent, moderne et f?odal. Moderne, il fait l?exception en venant en costume europ?en ? la prestation du serment d?all?geance. F?odal, il n?a aucune r?ticence ? se laisser embrasser l??paule par un v?n?rable octog?naire de la trempe de M?hammed Boucetta et se pr?te de bonne gr?ce sur la terrasse de l?Amphitrite palace au baise main du personnel de l?h?tel. Liberal, il veut consolider le r?le du premier ministre et le poids du parlement. Conservateur, il souhaite que la distribution du pouvoir royal revienne ? l?archa?que notion de "conseil de la famille" au d?triment de la constitution qui a tranch? la question de la succession. D?mocrate, il d?fend le droit ? la libert? d?expression de Nadia Yassine. Autocrate, il ne dit rien lorsque l?un de ses proches fait pression sur Abbas El Fassi, alors secr?taire g?n?ral de l?Istiqlal, pour r?duire au silence le r?dacteur en chef de l?Opinion, Jamal Hajjam, coupable d?un article critique ? l??gard du prince. Curieusement cette ambivalence d?teint sur ses "partisans".
L?absence de congruence entre le discours et l?acte a fini par troubler l?image d?un prince qui se prenait au s?rieux. D?autant plus que Moulay Hicham sacrifie au populisme. En assurant que "le petit peuple s?identifie" ? lui, il fait sourire. Lorsqu?il figure, selon le Journal Hebdo du 18 juin 2005, dans un casting hollywoodien pour un film sur l?Irak, il amuse ce "petit peuple". Quand il assure sur LCI avoir hypoth?qu? sa maison ? Rabat pour obtenir un cr?dit bancaire, il le fait marrer tout autant qu?il le d??oit en investissant 100 millions de dollars en Tha?lande.
Avec la farce ? l?anthrax qu?il fait envoyer ? un ami juste apr?s l?attaque du Trad center du 11 septembre, surgit l?enfant g?t? qu?il est rest?. Ce qui ne l?emp?che pas d?inscrire l?enqu?te de la police qui fait suite ? cette blague de mauvais go?t, dans une intense activit? s?curitaire qui vise sa personne. De la simple parano?a?? Peut-?tre. Mais il se peut aussi que le prince avait une id?e derri?re la t?te?: le guide qui dit exciper ??d?une sup?riorit? morale?? ne se devait-il pas de renvoyer de lui l?image d?un pers?cut? pour la ??hauteur de ses id?es??. La mise en sc?ne de ce personnage au profil quasi messianique ira jusqu?? l??vocation d?une pr?tendue tentative d?assassinat que met en seine Simon Malley dans le Nouvel Afrique Asie all?grement repris par la presse marocaine qui compte le prince pour ami. Devant l?incr?dulit? de l?opinion publique, il finit par b?moliser cette campagne de victimisation? dans Tel Quel (7 janvier 2005)?: " je dis que j?ai fait l?objet d?une gestion s?curitaire. Je ne suis pas une victime."
MAUVAISES APPRECIATIONS
Des ?pisodes comme son absence de la photo de la famille royale, les photos d?rob? ? l?intimit? des femmes de la cour? qu?on le soup?onne avoir remis ? l?hebdomadaire Al Ayam pour illustrer un entretien avec un ancien m?decin du palais, le Dr Cleret, l?exploitation m?diatique que ses quelques amis font de sa pr?sence ? la c?r?monie marquant le cinquantenaire de l?ind?pendance du pays apparaissent comme de broutilles face au projet r?el pour le Maroc que le prince?? tente d?enrober non sans arts dans du flou artistique. A voir le prince discourir sur la d?mocratie nombre d?observateurs s?est laiss? leurrer par les convictions d?mocratiques de Moulay Hicham. Pourtant, il suffirait de pr?ter un peu plus attention ? ses petites d?clarations pour saisir la port?e effective de ses id?es. Dans une interview avec Driss Benani de Tel Quel (d?cembre 2004), il limite son ambition ? "une troisi?me voie entre la monarchie absolu et l?aventurisme. Ce qu?il r?p?te encore aujourd?hui, autrement mais le r?p?te, dans son ouvrage".
Si l?on juge par ses propres textes, il n?y a rien que dit le prince que n?a pas fait et fait progressivement Mohammed VI?: L??largissant des espaces de libert?, M?me si Moulay Hicham s??vertue ? le nier, la r?forme du statut de la femme, le r?glement avec ?l?gance et courage de passif de la r?pression, l?ouvrage pour que le syst?me makhzanien adopte les comportement d?une monarchie citoyenne, la veille au maximum ? l?int?grit? des ?lections,? la conception que se fait actuellement le pouvoir de l?Etat qui inscrit la diversit? culturelle et linguistique du pays ainsi que ses particularit?s r?gionales dans la perspective de leur reconnaissance pour une meilleure int?gration dans le tissu national en vue d?une "landerisation" progressive du Maroc, la r?activit? au pouls de la Nation sont autant d?intrants pour la modernisation monarchique du pays.
Mais prisonnier d?une grille de lecture barricad?e derri?re une ambition d?mesur?e et des ranc?urs incommensurables, il s?questre sa propre lucidit? et finit par ne voir la r?alit? qu?? travers les prismes que lui impose son grand app?tit pour le pouvoir.
Dans une conf?rence (mai 2005), ? l?IFRI sur "l?avenir du monde Arabe au lendemain de la guerre en Irak?: une lutte pour la d?mocratie et le d?veloppement", Moulay Hicham ne manque pas de relever que "la liste des difficult?s face auxquels se trouvent les diff?rent pays arabes et la r?gion en g?n?ral est redoutable. Il n?existe pas de r?ponses rapides et certaines ? une r?ussite imm?diate." La m?me approche, juste et pertinente, sera reconduite apr?s le printemps arabe. D?s lors s?impose une question?: pourquoi Moulay Hicham, d?s qu?il s?agit du Maroc, se montre-t-il impatient?? Depuis l?av?nement de Mohammed VI, il s?ing?nie ? vendre du Royaume l?image d?un pays qui sombre dans l?attentisme et l?immobilisme en simulant le mouvement.
En fait, Moulay Hicham commet deux erreurs monumentales qui vont le happer dans ce tourbillon. En laissant dire alors que le souverain aimait le pouvoir mais pas le job, il a juste oubli? que Mohammed VI a ?t?, ? rude ?cole, programm? et solidement form? pour r?gner et gouverner avec une vision claire de ce qu?il veut. L??loignement am?ricain du prince n?est certainement pas ?tranger ? cette m?prise. En disant actuellement que Mohammed VI n?a pas la passion du pouvoir, contrairement ? lui, il persiste ? s?inscrire dans la ligne de la contestation de la primog?niture et se placer en r?serve de la monarchie. Si fort qu?il n?h?site pas dans son ouvrage ? pi?tiner de sa plume son propre fr?re Moulay Ismail. Qu?en aurait-il ?t? s?il avait eu le glaive??
PRINCE ROUGE OU PRINCE REGICIDE
Quand le prince qui r?ve toujours du chaos ? venir d?clare que ??la monarchie sera pour tous ou ne sera pas??, il faut appeler ? la barre Barthes et Lacan. Le ??tous?? qui peut laisser croire que se sont les Marocains est un leurre derri?re lequel se cache ??Lui Le Prince??. C?est une menace des actions ? venir. Mais restons dans le pass? pour mieux comprendre le pr?sent. A quoi pensait le prince, en invitant le roi, le jour m?me du d?c?s de Hassan II, tandis que les fronti?res du Maroc sont perp?tuellement sous la menace, ? exclure de la prestation du serment l?arm?e?? Autant que l?on sache, c?est lui qui ?crit dans " d?rives monarchiques" que " le pacte f?d?rateur d?borde la formule juridique" et que "cela, on le voit bien aussi dans la c?r?monie d?all?geance [qui] regroupe la soci?t? repr?sent?e dans ses formes de vie, et ses formes d?interaction" dont " les hommes d?armes."
Reste ? discuter la contestation de la primog?niture, consacr?e par la constitution marocaine, "comme une d?rive absolutiste". Derri?re la critique ?merge le pr?tendant, mais de sa port?e se d?gage le suicidaire.? Ce principe a ?t? retenu pour ce qu?il a de stabilisateur. Instaur? de fait en 1958, inscrit en 1962 dans la constitution, la primog?niture institutionnalise la transmission des droits constitutionnels de la Couronne du Maroc. Elle la lib?re en fait des griffes des ??conseils de famille?? ? la ??khaligienne?? et des querelles de clans. Il suffit de survoler l?Histoire du Maroc pour prendre la mesure des affres que peuvent provoquer les guerres de succession et de pouvoir que l?on retrouve chez toutes les dynasties. Chez les S?adiens, l?affrontement entre Abdelmalek et son fr?re Almasloukh aurait pu avoir des cons?quences d?sastreuses sur le pays n?eut ?t? la victoire miraculeuse des Marocains sur les Portugais. Au sein de la dynastie Alaouite, l?absence de r?gles d?finies a, ? plusieurs reprises, conduit ? l?affaiblissement du l?Etat et du pays quand ce n?est pas ? leur effritement. ? la disparition de Moulay Ismail en 1727, le Maroc connut pour cette raison trente ans d?anarchie et seize r?gnes pour seulement sept fr?res qui se d?posaient mutuellement. Durant son bref r?gne, Moulay Yazid (1790-92) eut ? son tour en l?un de ses fr?res, apr?s la longue p?riode de paix assur?e par Sidi Mohammed Ben Abdellah, un rival dont usa la dissidence. Moulay Slimane ne fut gu?re plus heureux et dut passer un temps pr?cieux, qu?il aurait certainement souhait? consacrer aux affaires du pays, ? faire face aux pr?tentions de sa proche famille. Les exemples sont encore nombreux, mais les plus proches remontent ? la succession de Hassan premier et la colonisation du Maroc. La derni?re crise dynastique remonte, elle, ? l?exil de Mohammed V en 1953. Avant Benarafa, les Fran?ais avaient pens? ? quelqu?un d?autre. Est-ce dans cette tradition que s?inscrit toujours Moulay Hicham??