Politique
AUX URNES CITOYENS ! Par Mustapha SEHIMI
Ouverture des bureaux de vote qui se poursuivra dans l'ensemble du territoire national jusqu'à 19h00 : Au fond, ces scrutins sont une forme de référendum : les citoyens veulent-ils reconduire ce cabinet PJD ? Ou en changer et apporter leurs voix à des partis à la hauteur des exigences et des contraintes de cette difficile conjoncture ? De grands enjeux d'un Maroc moderniste, démocratique, de progrès de justice sociale et de développement ?
Ce mercredi 8 septembre, les électeurs sont appelés à voter simultanément pour les communales, les régionales et la Chambre des représentants .Voter ? C’est un "droit personnel", un "devoir national" aussi - la Constitution de 2011, en son article 30 (alinéa 2) le stipule. Qu'en sera-t-il ? Pour certains, à quoi bon voter ? Et d'invoquer mille et un " justificatifs" pour ne pas se rendre ce jour-ci aux urnes. La pratique électorale des années et même des décennies écoulées témoigne de cette situation de non-participation, ce que l'on appelle l'abstention et si l'on veut aller plus loin la problématique de l'abstentionnisme.
Quel sera le taux de votants ce 8 septembre ? L’on est réduit évidemment à des conjectures ou encore à des simulations. Le département de l'Intérieur est le mieux placé dans cette évaluation avec son maillage institutionnel et territorial à travers le Royaume. Les DAG des provinces et des préfectures occupent une place prééminente dans ce domaine. Mais d'autres sources, informelles celles-là, aident aussi à affiner ces sondages bruts. Le Chef du gouvernement sortant, Saâdeddine El Othmani, s'est risqué, lui, voici quelques semaines, à compter sur une participation de l'ordre de 45 %. Voire. Un chiffre supérieur de deux points à celui d'octobre 2016 des membres de la chambre basse du Parlement mais supérieur de dix points à celui des communales de septembre 2015.
Inquiétude
Qu'en sera-t-il au vrai ? Il vaut de noter que des élections ont lieu dans un contexte bien particulier. L'état d'esprit des citoyens est en effet marqué du sceau de l'inquiétude voire, sur certains aspects, de l’anxiété. D'abord, le ressenti par rapport à une hostilité dans l'espace régional. Avec l'Algérie, les relations déjà tendues depuis des décennies ont tourné à une tension accentuée faisant craindre une montée des périls. Avec l'Espagne, tout un chacun a suivi la rupture de fait liée à une position de Madrid portant atteinte à des fondamentaux du Royaume - son intégrité territoriale, l'une des "lignes rouges"... La tension a baissé et l'on peut espérer à terme un processus de "normalisation " qui sera de toute façon laborieux. Et puis, dans ce même registre, les actes d'hostilité l'Allemagne qui se sont multipliés depuis décembre dernier au lendemain de la reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité des provinces sahariennes du Royaume.
Autre facteur à prendre en compte : la situation sanitaire créée depuis mars 2020 par la lutte contre la pandémie Covid -19. Elle dure, avec tel ou tel variant mutant. A ce jour, l'on compte 13.324 décès, 41.765 cas actifs, 890.000 autres confirmés, 16 millions de vaccinés (2 doses) et 19,53 millions de vaccinés (1 ère dose). Mais elle a eu aussi un grand impact social et économique que le comité de veille économique (CVE) crée depuis dix sept mois présidé par Mohamed Benchaaboun, ministre de l'Economie et des Finances. Il y a là une prise en mains décidée par le Souverain qui suit au plus prés ce grand dossier
El Othmani n’a pas la main
Dans tout cela, force est de faire ce constat : le chef de l'exécutif et ses ministres islamistes n'ont pas la main : tant s'en faut. Les membres du gouvernement en "première ligne" sont surtout MM. Benchaaboune, Abdelouafi Laftit (Intérieur), Moulay Hafid El Alamy (Industrie, commerce, numérique) Khalid Ait Taleb (Santé) et Saïd Amzazi (Education nationale). Or, aucun de ces ministres n'est ... candidat aux élections du 8 septembre. En d'autres termes, le "faire" c'est eux ! Les autres ? Ils gèrent, autant que faire se peut, l'opinion publique ne leur accordant pas un intérêt particulier et ignorant même parfois leur affectation... Il reste qu'aujourd'hui la crise sanitaire a donné une valeur ajoutée aux institutions en place et plus globalement à l’Etat ; d'une autre manière, elle a activé un ressort de légitimation à l'Etat profond qui a en charge la préservation, la garantie et la défense des intérêts supérieurs - il s'agit du destin de la communauté nationale. Peu de place donc pour les institutions élues, celles locales ou régionales, ou encore pour le Parlement. Corollaire de ce déclassement : les élus, si peu présents...
Pourtant, le calendrier institutionnel est là et il faut le respecter. Le Souverain est très attaché à son respect : estime en effet que la construction démocratique, c'est d'abord le respect de l'agenda électoral. Mais en même temps, il considère qu'il faut faire plus et mieux : réexaminer les politiques publiques, les corriger, les infléchir et ce dans le cadre d'une vision - c'est le cahier de charges du Nouveau Modèle de Développement annoncé en octobre 2017 devant le Parlement et rendu public au début du mois de juin dernier. Un référentiel décliné à l'horizon 2035 avec des axes stratégiques et des leviers de changement qui a "ringardisé" les programmes des partis politiques. Ces deux derniers mois, ils se sont empressés pratiquement à faire du "bachotage" pour reprendre à leur compte ce NMD; plus encore: pour dire, chacun dans son registre, qu'il était le mieux placé pour mettre en œuvre les orientations royales ainsi que les nouvelles priorités et les challenges qui s' y accolent.
Changer de logiciel et de gouvernance
Comment toutes ces données sont-elles appréhendées par les électeurs ? Une première grille doit être mise en relief à cet égard : Les réformes, les grandes réformes c’est le Roi- le Roi houspillant le gouvernement pour ses lenteurs et son insuffisance action réformatrice. Ce qui a été entrepris par ce cabinet El Othmani est largement en-deçà des besoins, des attentes et des aspirations des citoyens. Comment peut-on lui confier vert un troisième mandat ? Que peuvent-i1 bien promettre, lui comme chef de l'exécutif comme ses ministres du PJD ?
La décennie écoulée n'a pas donné les résultats escomptés ; il faut changer de logiciel, de mode de gouvernance aussi, sans oublier de réelles compétences managériales couplées à des profils politiques crédibles. C'est aussi, il faut bien le dire, une alternance démocratique qui est en jeu avec ces votes du 8 septembre. Par les urnes, bien entendu, puis dans la recherche d'un format de majorité ou l'efficience, l'allant, le volontarisme réformateur seront les crédos. Au fond, ces scrutins sont une forme de référendum : les citoyens veulent-ils reconduire ce cabinet PJD ? Ou en changer et apporter leurs voix à des partis à la hauteur des exigences et des contraintes de cette difficile conjoncture ? De grands enjeux d'un Maroc moderniste, démocratique, de progrès de justice sociale et de développement ?
Alors ? Aux urnes citoyens ! Votez !