Politique
La théorie du complot
Abdellatif Hammouchi se trouvait au Qatar pour participer au 12ème salon international de la sécurité intérieure et de la sécurité civile (MILIPOL). En marge de cette activité, le DGST-DGSN de la sécurité et de la sureté au Maroc a été reçu par l’émir de Qatar cheikh Tamim Ben Hammad Al Thani.
L’audience a fait l’objet d’une dépêche de l’agence de presse officielle de l’émirat. L’évènement peu fréquent publiquement, notamment dans la conjoncture qui est celle du Golfe, ne pouvait passer inaperçu. Je voulais en faire un article pour donner des aspérités et des couleurs à une information de par trop laconique.
De fil en aiguille, l’inspiration de l’instant a fait prendre au texte une direction qui n’était pas sa destination initiale. Il ne s’en est porté que mieux. Une rétrospective brève et rapide, pour ne pas dire sommaire, de l’histoire de la sécurité intérieure au Maroc. Toute sa quintessence se résumait à constater que le patron de la DGST-DGSN, apparait comme un cas hors norme ou du moins échappe aux standards marocains en cours depuis plus de quatre décennies.
Pour qui sait bien lire, il est vrai de plus en plus rares, ce constat ne comportait ni message occulte ni sous entendu sournois ni une mise en garde contre quiconque ou quoi que ce soit.
Je me doutais bien que l’article était d’une nature à donner lieu à des interprétations et matière à ceux qui vont chercher dans les nuages, au gré de leur imagination, qui une main invisible, qui un éléphant, qui une anguille sous roche, qui des poux dans la tête de votre serviteur.
Par contre j’étais loin de m’attendre qu’en traitant une dépêche pour la sortir de sa faditude, j’aillais me retrouver en train de faire œuvre de bravitude. Moustfa Elfane, un journaliste qui anime un site en arabe, Adar, m’en a offert l’honneur et le privilège : « Où notre confrère Naïm Kamal a été chercher cette audace subite avec laquelle il a parlé d’un éminent responsable dans la pyramide de l’Etat où il a [A. Hammouchi] la charge d’appareils sécuritaires sensibles ? », s’étonne-t-il.
« Gorge profonde » et imagination en effervescence
Jusque-là je ne soupçonnais pas que sous le règne de Mohammed VI, en 2018, il faut un parapluie ou de la témérité pour parler d’un personnage de l’Etat fut-il du gabarit de Abdellatif Hammouchi. En faisant mienne la logique de son article, il m’est facile de lui renvoyer l’ascenseur : Qui lui a dicté sa réponse ? Mais je crains que ce soit précisément ce qu’il cherche : faire croire et laisser croire, comme le font beaucoup pour tirer profit d’une proximité imaginée avec les services. C’est peut-être aussi une offre de service à la quête d’un officier traitant qui tarde à se présenter.
Je passe sur les gentillesses que Moustafa Elfanne réserve à ma personne. Je commence à en avoir l’habitude depuis le jour où il a écrit que je devais des excuses à l’ex-capitaine Adib quand je fus convoqué par une juge hexagonale, au mépris des accords de coopération judiciaire maroco-français, pour répondre de mes actes « diffamatoires ». S’il trouve en moi une source d’inspiration, tant mieux pour lui.
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Il en va autrement lorsqu’il suggère pernicieusement que ma « gorge profonde » se trouverait du coté de Yassine Mansouri pour la simple raison que je n’ai pas mentionné dans mon article la DGED, dont le cœur du métier est le renseignement extérieur.
De par ma configuration intellectuelle je ne suis pas réfractaire à la théorie du complot. Je m’en délecte même. Je ne peux toutefois laisser dire sans signaler l’abus, celui que commettent en littérature nombre de critiques qui prêtent souvent aux romanciers des intentions plus qu’ils n’en ont sur leurs comptes d’idées.
Non que j’aie des inquiétudes que Moustafa Elfanne puisse influencer quiconque ou orienter ses soupçons vers une direction donnée. La DGST a les compétences et l’efficacité suffisantes, de même qu’elle est bien outillée pour savoir avec exactitude où mènent mes connexions, nulle part. Seulement je trouve injuste qu’on me dépossède, à si peu de frais, de mes propres élucubrations.