Le moment est venu de demander la récupération de Sebta et Melilia

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Une situation paradoxale : demander la récupération de Gibraltar au prétexte qu’il est parti intégrante de la géographie de l’Espagne et de l’autre refuser d’ouvrir des négociations avec le Maroc sur une revendication autrement mieux argumentée.

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L’exigence peut sembler curieuse ou s’apparenter à une élucubration. Pour certains elle peut paraitre irraisonnable, invitant à ouvrir plus d’un front au moment où le Maroc se dédie à la consolidation de sa souveraineté sur le Sahara.   

Il est vrai que la question de Sebta et Melilia est encore au registre de la récupération de territoires marocains occupés. Tandis que les provinces du Sahara ont d’ores et déjà été récupérées par le Maroc. Mais ce qui unit les deux situations est qu’ensemble elles s’inscrivent dans le cadre de l’unité territoriale du Maroc.  

La situation serait certainement différente si l’on transcende le discours des principes pour se rapproche du langage de la gestion en conformité avec l’intérêt national. Mais donner la priorité à la question du Sahara ne devrait pas signifier que le dossier des deux villes doit attendre longtemps. Surtout que les contextes, international et régional, permettent le traitement concomitant des deux questions. 

Mais ce qu’il faut essentiellement retenir c’est que les évolutions politiques internationales actuelles dégagent trois indicateurs importants : 

Le premier réside dans la tendance mondiale à se débarrasser des séquelles de la guerre froide entre les deux camps, socialiste et capitaliste, dont les foyers de tension hérités de cette confrontation.

Le deuxième émane des transformations des relations entre l’Union Européenne et la Grande Bretagne qui ne sont pas sans incidences sur la confrontation entre celle-ci et l’Espagne sur Gibraltar.

Le troisième est le fruit de la reconnaissance par les Etats Unis d’Amérique de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara. 

L’un dans l’autre, ces indicateurs font de la récupération de Sebta et Melilia une exigence pressante. Plusieurs considérations poussent dans ce sens. L’une d’elles est que cette exigence qu’appuient solidement la géographie politique, l’histoire et le droit international, est plus fondée que la revendication de Gibraltar par l’Espagne. Car dans le cas de Gibraltar, c’est Madrid qui a cédé le rocher avant de se raviser longtemps plus tard en n’ayant dans ses mains pour négocier que la carte des eaux territoriales. La configuration est différente du point de vue juridique quand il s’agit de Sebta et de Melilia, où l’occupation, qui contrevient à la géographie, à l’histoire et au droit international, est flagrante.  

On peut estimer que l’agitation de cette revendication en ce moment est de nature à troubler la lutte du pays pour le Sahara, de même qu’elle serait susceptible de pousser l’Espagne à des réactions inconsidérées hostiles aux intérêts du Maroc.  Mais la vérité est que le Maroc a aujourd’hui en main plus d’une carte pour négocier avec l’Espagne afin de l’amener non seulement à s’écarter du discours de l’escalade et du bras de fer, mais aussi à chercher l’apaisement et la modération.

L’Espagne n’est pas déraisonnable au point d’être tentée par une situation conflictuelle avec le Maroc. D’autant plus que Madrid cherche instamment à remporter sa bataille avec la Grande Bretagne en demandant le soutien de l’Union européenne. Elle ne peut en conséquence ignorer la demande du Maroc si elle venait à être exprimée au risque de se retrouver dans une position paradoxale : d’un coté, demander la récupération de Gibraltar au prétexte qu’il est parti intégrante de la géographie de son pays et de l’autre refuser d’ouvrir des négociations avec le Maroc sur une revendication autrement mieux argumentée. 

La conjoncture est donc propice aujourd’hui pour le Maroc d’exprimer clairement ses revendications. Tout l’y prédispose. Non seulement Rabat a su capitaliser sur les évolutions internationales et régionales, mais il a pu produire une vision stratégique pour le nord du Royaume, lui permettant de boucler les points de passage de la contrebande et de transformer les deux villes en surcharge intenable à terme pour l’économie espagnole.

Le moment est venu pour le Maroc, tout y concourt, de mettre sur la table l’ensemble de ses cartes : le statut des deux villes, le lourd tribut qu’il paye pour éviter à l’Europe le raz de marée migratoire et son apport sécuritaire proactif contre le terrorisme qui menace l’Europe. Dans un tel contexte, l’Espagne ne peut rien de plus que l’échange : le report de l’ouverture des discussions sur le statut des deux villes contre le soutien à la cause nationale. 

Il se peut aussi qu’elle durcisse son attitude pour mettre le Maroc en position de demandeur.  Mais le scénario du ‘’troc’’, pour important qu’il est, ne doit pas être la perspective. Le Maroc a besoin aujourd’hui des deux fronts à gérer parallèlement, de la même manière qu’agit la Turquie lorsqu’elle intervient concomitamment au Moyen Orient, en Libye et au Haut-Karabagh sans perdre sur aucun des tableaux.    

Certes, la Turquie n’a pas de leçons à donner au Maroc. Le Royaume a sa propre expertise historique, son accumulation diplomatique immémoriale et un legs enraciné de ses relations, bien plus anciennes que celles de l’empire Ottoman, avec l’Europe et l’Occident. L’évocation du modèle turc est juste un moyen de mettre en exergue la particularité de la conjoncture régionale et internationale et la possibilité d’avancer audacieusement dans cette voie.  

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