Politique
N. Bourita : La reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara n’est pas (en substance) un coup de tête
Nasser Bourita, ministre des AE marocain et David Schenker, Sous-secrétaire d'Etat américain en charge des questions du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord à Dakhla.
Double sortie dans la presse de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères marocain, en français dans Jeune Afrique et ne arabe dans Achark-alawsat. Dans cet article, le ministre explique que la décision américaine de reconnaitre la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara n’est pas le produit d’un coup de tête, mais le fruit et l’aboutissement d’un processus qui a commencé au milieu des années 2000 sous la présidence de Bill Clinton. Depuis, les administrations Clinton, Bush et Obama ont toutes apportés leur soutien à l’autonomie comme solution. Pour N. Bourita, le poids de cette décision est à lire à l’aune de celui de son auteur : puissance globale, membre permanent du Conseil de sécurité. Plus loin il précise que « cette décision est à mesurer au regard de la perspective de solution qu’elle offre à ce différend qui n’a que trop duré, pour nous rapprocher de la stabilité et de la sécurité durables dans un sous-continent hautement stratégique [… elle est à l’opposé de] celle des autres parties, qui privilégient le statu quo, voire le pourrissement»0 En voici le texte :
La décision des États-Unis de reconnaître la souveraineté pleine et entière du Maroc sur la totalité de son Sahara et d’affirmer un soutien sans ambiguïté à l’initiative marocaine d’autonomie n’a laissé personne indifférent. Elle en a surpris certains et en a conforté de nombreux autres dans leur opinion. Partout, elle a fait couler beaucoup d’encre. Elle en a aussi conduit quelques-uns à se faire un sang d’encre.
CONTRE LE STATU QUO ET LE POURRISSEMENT
Le poids de cette décision est à lire à l’aune de celui de son auteur : puissance globale, membre permanent du Conseil de sécurité. Il s’agit d’un allié majeur du Maroc, avec lequel des relations stratégiques ont été construites ces vingt dernières années, sous la conduite éclairée de Mohammed VI. Ces relations, ancrées dans l’histoire et tournées vers l’avenir, se sont consolidées au fil des différentes administrations.
Surtout, cette décision est à mesurer au regard de la perspective de solution qu’elle offre à ce différend qui n’a que trop duré, pour nous rapprocher de la stabilité et de la sécurité durables dans un sous-continent hautement stratégique.
Certes, depuis 1991, l’affrontement militaire a cédé la place à la confrontation diplomatique – même si le Polisario n’a pas attendu la décision américaine pour rompre le cessez-le-feu et mener des actions de harcèlement somme toute insignifiantes.
Dans ce conflit, ce sont deux visions qui s’opposent. D’un côté, celle du Maroc, portée par son souverain, qui veut que l’avenir soit meilleur que le passé, et qui investit massivement pour le construire avec plus de 7 milliards de dollars sur dix ans rien que dans les provinces du Sud, répondant ainsi à la vision royale de ne pas laisser les populations otages du processus politique qui s’enlise.
empêchant l’intégration économique régionale, menaçant la sécurité dans une région instable et faisant fi des conséquences humanitaires en jeu.
LE SENS DU COMPRIMIS
C’est à la lumière de ces données qu’il faut apprécier la décision américaine. Et c’est de ce point de vue-là qu’elle se révèle dans sa dimension la plus structurante : elle inaugure un momentum renforcé en faveur d’une solution politique réaliste et durable basée sur le compromis dans le cadre de l’autonomie.
C’est ce sens du compromis, typique de sa tradition millénaire d’État central, qui a permis au Maroc d’évoluer vers une logique d’autonomie élargie où la population du Sahara marocain peut gérer ses affaires politiques, économiques et sociales à travers des organes législatif, exécutif et judiciaire régionaux.
Les États-Unis connaissent bien la genèse et l’évolution du dossier, ses dynamiques et enjeux. D’ailleurs, le cheminement, dont l’initiative d’autonomie est le fruit, est le résultat de consultations approfondies entre le roi et l’administration Clinton. Soumise en concertation avec l’administration Bush, républicaine, elle a ensuite été soutenue par l’administration Obama, démocrate. Ces administrations successives ont toutes apporté leur appui à l’autonomie comme solution à ce différend régional.
La proclamation présidentielle de l’administration Trump est donc venue couronner ce processus et expliciter une position constante de soutien depuis vingt ans. Un soutien qui va de pair avec la reconnaissance d’une souveraineté nationale et d’une intégrité territoriale.
Ligne de crédit et accords commerciaux
Au-delà du soutien qu’ils apportent au Maroc à travers des déclarations politiques publiques, les États-Unis lui rendent disponibles, depuis 2015, une ligne financière au profit des provinces du Sahara marocain. De même, les accords commerciaux conclus avec l’Union européenne s’appliquent aux provinces du sud du royaume. Le soutien fort des États-Unis ne surprend donc que l’ignorance et l’amnésie.
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La proclamation américaine est aussi en phase avec l’évolution du dossier au sein des Nations unies. D’abord à travers les déclarations de nombreux anciens envoyés onusiens qui avaient martelé que « l’indépendance du Sahara » n’était pas une option réaliste.
Ensuite, les dix-sept dernières résolutions du Conseil de sécurité ont consacré une doctrine claire, en appelant à une « solution politique réaliste, pragmatique et durable », tout en marquant la prééminence des efforts sérieux et crédibles du Maroc pour sortir le dossier de l’impasse.
Pour y parvenir, le Maroc reste fidèle au processus politique mené sous les auspices des Nations unies, sur la base de paramètres clairs, impliquant les véritables parties du différend régional. Et le roi s’y est engagé auprès du secrétaire général des Nations unies, António Guterres.
LA SEULE PROMESSE D’UNE SOLUTION SANS VAINQUEUR NI VAINCU
Il est primordial de souligner que le processus politique n’est pas une fin en soi. C’est un chemin. Ceux qui croient contrarier le Maroc en s’opposant à son initiative d’autonomie ne font que servir une impasse et s’opposent en réalité à la seule promesse d’une solution sans vainqueur ni vaincu, et qui bénéficie d’un élan d’appui international de plus en plus affirmé.
Un package vertueux au service de la paix au Moyen-Orient
Nous en voulons pour preuve les 42 pays qui ont récemment réitéré leur soutien à l’autonomie sous souveraineté marocaine dans le cadre d’une conférence ministérielle à l’initiative du Maroc et des États-Unis. En outre, la décision américaine de rejoindre la vingtaine de pays ayant inauguré des consulats à Laâyoune et Dakhla motivera sans nul doute d’autres nations à leur emboîter très prochainement le pas.
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Lorsque le Maroc a signé, le 22 décembre dernier, la déclaration trilatérale qui contient la déclaration présidentielle américaine, il a scellé par la même occasion un engagement pour un package vertueux, favorisant la stabilité dans le Maghreb et au service de la paix au Moyen-Orient par la même occasion. C’est une chance qui s’offre à nous aujourd’hui de nous inscrire dans un positionnement constructif et agissant vers le seul horizon réaliste, juste et durable.