Pensées déconfinées

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C’est à l’épreuve des circonstances exceptionnelles, terribles le plus souvent, que l’on jauge la valeur d’un homme d’Etat. Churchill demeure, entre autres, immortel pour avoir, le 13 octobre 1940, promis à son flegmatique peuple « du sang et du labeur, des larmes et de la sueur », dans la décisive bataille d’Angleterre contre l’Allemagne nazie.

Quand le roi du Maroc est monté, en 1999, sur le trône, la jeunesse du pays le qualifiât de M6, tendre et sympathique expression de proximité générationnelle. Le chef de l’Etat, dans la crise que nous vivons, a pris la tête d’une guerre, qu’aucune école militaire ne put enseigner. Un conflit contre un ennemi dangereux, bien plus puissant que n’importe quelles armées ou quels envahisseurs. Un ennemi infiniment petit, un nanomètre invisible et imprévisible. En sanctuarisant très tôt le pays, Mohamed VI a réagi comme un prodigieux et précieux commandant en chef. Il rentre ainsi dans l’empyrée des grands hommes d’Etat, père de la nation.

 Seul le dépassement vient à bout de l’adversité. De cette épreuve, le Maroc sortira, à ne pas en douter victorieux. Sans sombrer dans un nationalisme échevelé, force est de constater que les choix, rapides et progressifs, fait par le roi, outre qu’ils soient salués dans le monde, sont pour le moins audacieux, judicieux et sages. On peut d’ores et déjà en tirer la conclusion que le Maroc est un Etat-nation au sens moderne du terme. Ceux qui caricaturaient le système politique en lui accolant, rictus au coin des lèvres, le sobriquet « Makhzen » censé être disqualifiant, pour ne pas dire infamant, en prendront pour leurs grades. Si le coronavirus, et ce dans le monde entier, est un choc pour les politiques de santé publique, sa gestion au Maroc où l’infrastructure hospitalière est loin d’être au niveau du défi, est exemplaire. 

Il faut aussi saluer le peuple marocain. En dehors des piètres tentatives de certains islamistes, la majorité, dans tout son arc en ciel, fait preuve d’une étonnante maturité et une rigueur quasi asiatique. Ici, le mot couvre-feu n’a pas eu besoin d’être prononcé. Il est pratiqué, dans les faits, avec une impressionnante évidence et une discipline qui ferait envier beaucoup de maires de villes françaises.

Nous sommes face à une adversité perverse. Cet ennemi, un milliardième de mètre, est retors. Le mal, dans le sens diabolique du terme, est parmi nous. Cynique, il va jusqu’à se refugier dans le corps des enfants, potentiels chevaux de Troie, pour surprendre ses proies avant de les terrasser.  Il ne craint rien. Si ce n’est, le savon, ce nouveau cuirassé de notre impuissance.

Reste la médecine. Les experts médicaux ont le vent en poupe, surtout en France. Ils goûtent avec gourmandise leur heure de gloire warholienne. On se couche et on se réveille avec leurs avis.  Surpris par cet intrus rétif, ces sachants ignorent presque tout de la bête. Du coup, notre idée de cette saloperie progresse au même rythme que la leur. La télévision, arbre à palabres des temps modernes, est devenue le déversoir de toutes les expertises, de la plus brillante à la plus ineptes. Remplissage oblige, sur les plateaux télé se côtoient aussi bien l’expert en virologie, en épidémiologie, en infectiologie que le médecin généraliste de campagne. Chacun y va de ses hésitations en pontifiant. Cela confirme que la science, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas la vérité mais le chemin qui y mène. 

Le pire, c’est le tribalisme des blouses blanches.  Il tourne vinaigre. Il faut dire que les enjeux sont énormes et planétaires. Sous nos yeux de profanes, l’on assiste, confinés, à une sourde guerre picrocholine entre mandarins, labos et lobbyistes. Avec son hydroxychloquine, le druide Didier Raoult, une sorte de Panoramix marseillais, devenu, pour avoir levé un espoir thérapeutique, une cible de fléchettes de ces messieurs les ronds-de-cuir. D’autres, de tous bords politiques, d’Éric Cantona à l’extrême-droite, prennent faits et cause pour lui, y compris, par pétition interposée, en tenant à témoin une opinion hébétée. Enfin, il y a les gilets jaunes qui veulent le préempter comme l’un des leurs. Il faut dire qu’avec sa dégaine de Buffalo Bil, chasseur des bactéries et des virus, il dénote dans le cénacle feutré des scientifiques. Né à Dakar, le type eut une scolarité chaotique. Après un baccalauréat littéraire, c’est en candidat libre qu’il se présentera à la faculté des sciences, avant de devenir une sommité dans son domaine et l’un des meilleurs infectiologues de la planète. Chapeau l’artiste. 

A tout malheur quelque chose de bon. Vous vous rappelez de Greta Thunberg, une gamine de 17 ans, un peu dépressive et moins instruite que Didier Raoult. Elle devint, en deux ans, une icone devant laquelle les grands de ce monde s’agenouillèrent. Le coronavirus et sa crise sanitaire permettent, aujourd’hui, à une planète, sans usines, sans avions et sans voitures, un répit inespéré. C’est peut-être enfin l’occasion pour vérifier, in vivo, cette autre plaie de notre modernité, le réchauffement climatique. 

 

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