société
La famille d'Henrietta Lacks, aux cellules extraordinaires, réclame justice
Un tableau représentant Henrietta Lacks, exposé à New York le 6 avril 2017
La famille d'Henrietta Lacks, une Afro-Américaine dont les cellules prélevées à son insu ont révolutionné la médecine moderne, ont annoncé jeudi leur intention de porter plainte contre les groupes pharmaceutiques qui en ont tiré profit.
"Ça fait 70 ans qu'ils utilisent ses cellules et la famille Lacks n'a rien reçu en contrepartie de ce vol", a dénoncé lors d'une conférence de presse sa petite-fille Kimberly Lacks.
"Ils l'ont traitée comme un rat de laboratoire, comme si elle n'était pas humaine, qu'elle n'avait pas de famille", a-t-elle poursuivi, en réclamant "justice pour ce traitement raciste et non éthique".
En 1951, Henrietta Lacks, 31 ans, est morte d'un cancer du col de l'utérus à l'hôpital John Hopkins à Baltimore. Lors des tentatives de la soigner, des cellules de sa tumeur avaient été prélevées et transmises à un chercheur sans qu'elle n'en sache rien.
Celui-ci a vite réalisé que ses cellules, rebaptisées cellules HeLa, avaient des qualités extraordinaires: elles pouvaient être cultivées in vitro, soit hors du corps humains, et se multiplier à l'infini.
Elles ont permis depuis à des laboratoires du monde entier de mettre au point des vaccins --notamment contre la polio--, des traitements contre le cancer et certaines techniques de clonage, une industrie qui se chiffre en milliards de dollars.
Des progrès dont la famille d'Henrietta Lacks n'a rien su jusqu'aux années 1970 et dont elle n'a véritablement compris la portée que grâce au travail de Rebecca Skloot, auteure en 2010 du bestseller "The Immortal Life of Henrietta Lacks".
"La famille Lacks a été exploitée pendant trop longtemps et on dit: c'est fini", a déclaré son petit-fils Alfred Carter, en annonçant qu'elle avait choisi d'être représentée en justice par le célèbre avocat des droits civiques Ben Crump.
Connu pour sa défense des proches de victimes policières y compris George Floyd, Me Crump a indiqué qu'il déposerait une plainte le 4 octobre pour le 70e anniversaire des prélèvements contestés et a fait le lien avec ses autres combats.
"Les vies noires doivent être appréciées à leur juste valeur en Amérique", a-t-il déclaré dans un clin d'oeil au mouvement Black Lives matter ("les vies noires comptent").
Son confrère Christopher Seeger a précisé que la plainte concernerait "tous ceux qui ont tiré profit de l'utilisation des cellules HeLa et qui n'ont pas conclu d'accord avec la famille pour la compenser".
En 2013, un accord a été conclu entre ses héritiers et l'université Johns Hopkins pour que deux membres de la famille siègent dans un comité chargé d'autoriser les futurs usages des cellules HeLa. Mais l'accord ne comprenait aucun volet financier.
"John Hopkins n'a jamais vendu ou profité de la découverte ou de la distribution des cellules HeLa et ne possède pas les droits sur ces cellules", relève toutefois l'institution sur son site.