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L’importance pour le Maroc de piloter un traité international contre l’utilisation abusive de la religion – Par Salah El Ouadie*
Des Afghanes portant la burqa passent devant un salon de beauté, à Kaboul le 7 août 2021, une semaine avant que la capitale ne tombe entre les mains des talibans : « "Pour toute la nation, voir ainsi tout s'effondrer en un instant, c'était la fin du monde" (Aisha Khurram, 22 ans, étudiante afghane à Kaboul)
Des dizaines de parlementaires et d’associations de la société civile ont adhéré, récemment, à un projet mondial visant à faire adopter un «traité international pour l’interdiction de l’utilisation politique de la religion» (International Treaty to Ban the Political Use of Religion, BPUR).
L’initiative s’est concrétisée par la signature d’une lettre adressée au Chef du gouvernement et au ministre des Affaires étrangères. La lettre, consultable sur le Site Web de cette Coalition civique internationale, recommande que le Royaume soit à l’avant-garde des pays candidats à mener des efforts pour extirper les racines de l’un des conflits les plus dangereux qui menacent la coexistence pacifique sur la planète.
L’audience accordée, le 9 août, par le Chef du gouvernement Saad Dine El Otmani à la délégation des parlementaires et des responsables des ONG constitue un saut qualitatif dans ce processus. La lettre, signée par des députés de divers partis politiques et d’un nombre important d’ONG, propose au gouvernement d’adopter le traité proposé en vue de soumettre pour vote un texte dans ce sens devant l’Assemblée générale des Nations-Unies.
L’audience accordée par le Chef du gouvernement aux promoteurs de cette initiative qu’il a transféré au ministère des Affaires étrangères ouvre la porte, espérons-le, devant l’adoption par le Maroc du traité proposé afin qu’il joue un rôle pionnier dans la définition des contours finaux des normes interdisant toute utilisation abusive de la religion à des fins politiques de nature à faire entorse aux principes fondamentaux de la Justice.
L’initiative a été lancée il y a un an par son fondateur et secrétaire général l’écrivain journaliste irakien Salam Sarhane, ce qui en fait assurément une initiative qui émane des préoccupations propres à notre région. Immédiatement après son lancement, l’initiative a bénéficié d’un large soutien mondial et de l’appui de centaines de législateurs, de responsables et de personnalités internationales dans plus d’une cinquantaine de pays. Le traité proposé est arrivé devant une dizaine de gouvernement, dont l’Italie, le Bengladesh, l’Autriche, et Saint-Marin, et jouit de l’appui croissant d’autres pays, comme l’Egypte, la Grande-Bretagne, la Suisse, l’Afrique du sud, le Pakistan, le Nigéria et la République démocratique du Congo.
Le traité proposé tire son importance du fait qu’il stipule le plus grand respect de toutes les religions et aspire exclusivement à neutraliser les armes de l’extrémisme, faire valoir l’égalité entre les hommes, interdire la ségrégation dans les droits et obligations sur des bases religieuses, et à bannir toute exclusion religieuse ou toute restriction à la liberté de croyance et de prière.
En ce sens, cette initiative se distingue de toutes les autres à caractère controversé, qui donnent du grain à moudre aux extrémistes, font fi des croyances ancrées des peuples, et tentent d’imposer une séparation abusive entre la religion et la politique, une démarche qui n’a fait qu’exacerber le problème, même au sein des pays occidentaux où les défis de l’extrême droite ne cessent de s’accroître, en plus de leur propension à attiser l’extrémisme religieux dans plusieurs parties du globe.
Les tenants de cette initiative, dont des parlementaires et des responsables de par le monde, soutiennent que le traité proposé constitue l’unique issue du labyrinthe de l’un des conflits les plus dangereux qui a détruit plusieurs pays et impacté la vie de millions d’hommes et dont les racines remontent à l’utilisation abusive de la religion à des fins politiques.
Dans ce schéma, le Maroc dispose de tous les atouts lui permettant de piloter ce traité dont l’esprit rejoint parfaitement les orientations royales et gouvernementales et les convictions du peuple marocain, le Royaume étant une des rares oasis ayant résisté aux tempêtes de l’extrémisme sans se départir de l’héritage du Maroc et de ses traditions historiques pluriséculaires qui constituent un modèle vivant pour la mise en œuvre effective des objectifs préconisés par ce traité.
Nous estimons que notre pays est le plus apte à porter l’esprit non-conflictuel de ce traité qui prend en considération l’ensemble des sensibilités religieuses et empêche son glissement vers des questions controversées que pourraient évoquer certains pays, qui ne saisissent pas les équilibres profonds au risque d’attiser davantage les flammes de l’extrémisme dans plusieurs régions du monde.
Le projet du traité proposé constituerait également une action diplomatique proactive pour le Maroc en ce sens qu’il définira des normes mondiales claires et précises pour neutraliser les armes de l’extrémisme afin de pallier l’échec des pays avancés qui, durant des décennies, n’ont pas saisi les racines des conflits qui agitent plusieurs parties du globe, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et ont contribué à les exacerber au lieu de les éteindre.
Ceci est d’autant plus percutant que les promoteurs de cette initiative accordent une importance capitale au premier pays qui adoptera ce projet, car c’est à lui que reviendra la charge d’élaborer le texte officiel du traité. Aussi estiment-ils que le Maroc est le pays idéal pour assumer ce rôle au vu de son expérience singulière et de son héritage historique en matière de tolérance et de coexistence pacifique dans une région où la plupart des pays ont pâti de l’utilisation abusive de la religion à des fins politiques.
De toute évidence, la stature du Maroc en tant que pays pionnier à piloter un traité historique destiné à s’attaquer aux racines de l’un des conflits les plus insolubles dans le monde n’en sortirait que plus prestigieuse sur la scène internationale, et ses positions n’en seront que plus renforcées dans l’ensemble des questions régionales et internationales le concernant, otages d’agendas occultes et objets d’intérêts opportunistes.
Cependant que plus d’une dizaine de pays qui s’apprêtent à adopter le traité proposé, les promoteurs de cette initiative appréhendent l’intrusion éventuelle de certaines questions controversées, en raison de l’incompréhension des équilibres et des sensibilités religieuses. C’est la raison pour laquelle ils redoublent d’effort pour que le premier Etat à adopter le traité proposé soit un pays bien au fait de l’esprit non conflictuel de cette initiative afin de parvenir à un consensus mondial qui permettrait de mettre un terme à l’un des conflits les plus dangereux au monde.
En définitive, il paraît que le Maroc a une grande chance de mener les efforts mondiaux pour régler une des menaces les plus sérieuses à la paix mondiale, une opportunité aussi pour le Royaume de contribuer à la réalisation des objectifs éminemment humanistes de cette initiative, dans l’espoir de voir le monde passer à une nouvelle ère, avec des normes unifiées pour neutraliser l’extrémisme.
PS : Pour le texte du projet de traité, voir le lien