Sous les cendres - Par Naïm Kamal

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De Kharboucha et sa lutte par l’acte et le chant, entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, contre L’caïd Aissa ben Omar à Dounia Boutazout dans le rôle d’une cheikha dans une série sur 2M aux prises avec des prédicteurs dont l’intelligence bornée ne peut concevoir la complexité sociale de l’histoire

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Deux productions audiovisuelles ont particulièrement retenu l’attention ce Ramadan de l’an de grâce 1443, correspondant à 2022 du calendrier grégorien. Maktoub (C’est écrit dans son sens céleste) sur 2M, et Fath Al-andalouss (La conquête de l’Andalousie dans son sens très terre-à-terre) sur Al-oula. 

Les deux productions ont en commun d’avoir suscité des réactions extrêmes. Là s’arrête la comparaison. 

Deux faces du Maroc

2M, se fondant sur la mesure d’audience CIAUMED, affirme que Maktoub a battu les records des séries dans l’histoire de la chaine qui affiche le chiffre symétrique de 33 ans d’existence. Son pitch à tiroirs tourne autour d’un mythique et mal vu personnage du Maroc de toujours, la Chikha, cantatrice de chants et danses populaires du pays. 

L’histoire que raconte la série, plus complexe que ne peut le concevoir l’intelligence bornée d’un prédicateur comme Yassine Al-amri, a fait l’objet d’anathèmes sans appel. Pour bien mesurer l’amplitude de l’intolérance inventive du prédicateur, c’est lui l’inventeur en Islam de la décapitation du croyant qui aurait omis volontairement trois jours de suite de faire ses cinq prières. Mais il n’est pas le seul à s’être porté volontaire sur le front de la vertu, de la morale, du bien et du mal contre Maktoub.

Fath Al-andalouss a, lui, pris ses aises dans le créneau de l’histoire en racontant à sa manière l’épopée de Tarik Ibn Zyad. Là aussi branle-bas de combat. En jeu l’authenticité du récit (leader de la conquête ou vassal de Moussa Ibn Nouçair), et l’identité ethnique du personnage (arabe ou amazigh). Comme la bêtise humaine est infinie, les détracteurs de la série, poussés par un désir irrésistible de censure, vont jusqu’à ester en justice pour en suspendre la diffusion. 

Onanisme peu intellectuel

Il y a mille et une façons de lire et d’expliquer les positions des uns et des autres. Ergoter jusqu’à l’aube sur le sens d’une fiction et de sa mission, et remettre la suite du conte au soir suivant. Mettre sur la table les cinquante nuances entre un cinéaste, un scénariste et un historien, ou débattre jusqu’à ce que sommeil s’ensuive des spécificités du récit romancé et du livre d’histoire. Se raconter aussi des histoires sur la liberté de création et d’expression. Il y aura toujours des énergumènes pour dresser des limites et creuser des fossés. 

Ce que malheureusement la résurgence cyclique de ces crispations identitaires, culturelles, sociétales… nous racontent, c’est que sous les cendres, il y a toujours des braises. 

Le récit historique, selon qu’il est écrit par le vainqueur ou le vaincu, est arrangé ou reconstruit, embelli ou avili, magnifié ou banalisé, la suite est l’affaire de l’historien qui corrige autant que faire se peut l’historiographe souvent doublé d’un hagiographe.  

De ces ébats ramadanesques - j’aurais pu parler d’onanisme peu intellectuel - il n’y a qu’un fait dont l’authenticité est indiscutable : Tarik Ibn Zyad comme la Cheikha sont partie intégrante du Maroc. L’un a fait l’histoire, l’autre la raconte. Voire dans le cas de Cheikha Kharboucha, elle l’a faite autant qu’elle l’a racontée. Icône mythique de la “Aïta”, Kharboucha a défié par l’acte et par le chant à en mourir, le pouvoir et son représentant local l’Caïd Aïssa ben Omar. Les contempteurs des Cheikhates peuvent-ils en dire autant ? 

 

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