Actu
Les aphorismes de Nouhad : « A chaque temps, ses codes et ses modes, c’est commode ! »
Depuis des temps imm?moriaux, les soci?t?s connaissent et reconnaissent des codes et des modes vari?s?: codes de l?honneur, de la morale, du go?t?Des lois, des r?gles, des pr?ceptes, des d?crets, qui diff?rent selon les instances codificatrices mais dont les raisons et les n?cessit?s codantes restent ?nigmatiques voire insondables, ? la lumi?re d?une Histoire puissante et souvent trompeuse et falsificatrice. Mais ? en croire?Guy des Cars?:???un code, ?a finit toujours par se d?chiffrer??.
Dans l?aphorisme, codes et modes sont mis au pluriel afin d?englober la totalit? de leurs sens, de les faire agir concurremment et de rendre compte de leur polys?mie. Le mot ??Codes?? est d?sign? dans ses deux acceptions?: les codes publics connus comme les r?glements et les r?gles de conduite, et les codes secrets et confidentiels, occult?s et r?serv?s aux initi?s comme les syst?mes et suites de symboles encod?s ? dessein, et qu?il faut absolument d?coder avant de comprendre. Il en est de m?me?du mot ??modes?? qui se r?f?re au mode (masc)?: forme, genre, mani?re, m?thode, processus (mode de vie, d?existence, d?action), et ? la mode (f?m)?: go?ts collectifs, mani?re collective de vivre, de penser propre ? une ?poque, ? un pays, ? un milieu, sans ?carter le vieux sens de convenance et de fantaisie.
Les r?gles ainsi model?es, ne sont pas toujours de bon modelage?car susceptibles d??tre fantaisistes, capricieuses ou int?ress?es. L??volution des codes et des modes prouve qu?ils ne sont ni naturels ni arbitraires mais plut?t command?s et taill?s sur mesure pour ?tre convenables et seyants, et que leur codification est pratique, sinon profitable, socialement, ?conomiquement, id?ologiquement?En effet, les habitudes collectives sont passag?res et les engouements des modes, ?ph?m?res. La modification des codes, ? travers l?Histoire, montre l?inconstance et la l?g?ret? des peuples, ? moins que ce ne soit l?app?tit insatiable de leurs dirigeants.?Emmanuel Carr?re en sait quelque chose?:???le code p?nal est ce qui emp?che les pauvres de voler les riches et le code civil ce qui permet aux riches de voler les pauvres.??
En somme, lancer une mode, codifier un mode ou modifier un code, est toujours ? la mode, c?est ? la page car dans le coup et dans le vent, c?est la seule chose qui n?est jamais pass?e de mode. Suivre le dernier cri, c?est ?tre in, branch?, c?bl?, et rien ni personne n??chappe ? l?emprise de ces tentacules?: villes, plages, restaurants, acteurs, chanteurs, tout y passe pour ?tre conforme au go?t du jour et quand c?est pass? de mode, pas de souci, ?a revient toujours ? la mode, contin?ment, inlassablement. C?est l?absurdit?, l?artifice et la superficialit? d?nonc?s par le sarcasme de?Gide?:???il est des modes jusque dans la fa?on de souffrir ou d?aimer??.?M?me les mots et les langues passent de mode, pour diverses raisons, et deviennent d?suets, obsol?tes, voire lettre morte.
Commodit? s?entend dans le sens d?agr?ment, avantage ou utilit? et confort, tel des commodit?s d?acc?s, de fonctionnement. Commode, c?est ce qui se pr?te ais?ment et d?une fa?on appropri?e ? l?usage qu?on en fait, convenable, fonctionnel, maniable, ou ce qui rend la vie plus agr?able, plus confortable, facile, simple, ais?e. La commodit? est une solution de facilit? qui ne peut que m?priser les autres commodit?s et frustrer certains id?aux, priorit?s, n?cessit?s ou urgences, qui s?opposent ? elle quand elle court ?prement apr?s ses avantages et ses int?r?ts. Aussi, existe-t-il toutes sortes de commodit?s?: celle du vice, du mensonge, de l?hypocrisie, de l?artifice, de la cupidit??Ces pendants du mal qui peuvent devenir, eux-m?mes, de grands principes, d?o? la remarque conclusive de?Somerset Maugham?:?? ce qu?il y a de vraiment commode avec les principes, c?est qu?on peut toujours les sacrifier quand c?est n?cessaire.???
Il est des codifications, certes heureuses, mais il est des r?gles qu?il vaut mieux modifier que codifier car leur production ainsi que leur codification r?pondent davantage ? l?avidit? et aux exigences des codificateurs qu?aux besoins r?els du peuple.?Codes et modes sont des aliments dont la coction dans le temps est la commodit?.
La question qui se pose, ? ce stade, est?: commode pour qui?? Qui en sont les v?ritables b?n?ficiaires?? Force nous est de constater qu?il est des questions auxquelles il n?est pas du tout commode de r?pondre. Il n?en reste pas moins que pour lire une ?poque, il faut d?chiffrer ses commodit?s qui ne sont pas toujours intelligibles, et saisir ses codes qui sont souvent abscons.?P?n?trer les desseins d?un temps, c?est cerner ses d?dales, ses labyrinthes et ses m?andres et percer ses myst?res et ses ?nigmes, qui ne sont autres que ses sacro-saintes commodit?s.
Pour plus de commodit?, un ou une nouvelle mode, un ou de nouveaux codes, sont encod?s, ? chaque fois, afin de permettre ? une poign?e, dans sa ru?e vers le gain et la fortune, de s?installer commod?ment et ? son aise, dans son ?poque, jusqu?? l?arriv?e de ses successeurs qui s?inqui?teront, ? leur tour, de leur bien-?tre et de leur confort, sans daigner jeter le moindre petit regard aux faibles et aux d?munis. Praticit? est, donc, loin d??tre synonyme de v?rit? ou de sagesse, la preuve?:?commodit? ici, incommodit? ailleurs, facilit? pour les uns, difficult? pour les autres.
La technique du regroupement,?utilis?e ci-dessus, ressemble, certes, ? la figure de l??cho (vu qu?elle r?p?te, comme elle, la ou les derni?res syllabes d?un mot), ? la rime ou ? l?hom?ot?leute (qui r?p?te un phon?me dans une m?me phrase), mais elle en diff?re par le fait qu?elle rassemble la premi?re syllabe du premier mot avec le dernier mot?sur lesquels porte la technique : co (de codes) et modes, liaisonn?s, donnent lieu au mot synth?tique ??commode?? qui traduit la situation dans ce qu?elle a d?unique et de g?n?ral quoi que la caract?risation avec ce mot soit ? la fois descriptive et appr?ciative car elle porte un jugement railleur se rapportant, entre autres au temps-espace, ce chronotope emprunt? ? Bakhtine et qui fond les indices spatio-temporels en un tout bas? sur la solidarit?.
C?est une technique qui repose sur deux proc?d?s,?le premier se basant sur une vision fragment?e -ou?jumel?e-?de la r?alit? : codes et modes, et le deuxi?me proposant une sensation de satisfaction fugace d?avoir trouv? la cl? ou le fin mot de l?histoire?: commode?! Le ton faussement solennel de ce dernier mot, suivi du point d?exclamation, peut rappeler d?autres figures de pens?e dont l?ironie qui consiste ? dire le contraire de ce que l?on entend et qui n?est d?celable que dans un d?calage entre ce qui est dit, et la situation qui est vis?e mais ? laquelle les paroles ne s?adaptent pas.
L?ironie utilise essentiellement l?antiphrase et cr?e souvent un effet comique dont la vis?e est critique car l?ironiste s?attaque aux d?fauts de l?homme et aux travers de la soci?t?. Autrement dit?: ? chaque temps, ses codes et ses modes,?c?est pas commode?!?Car si c?est commode pour les uns, ?a l?est moins -ou alors pas du tout- pour les autres, tous ces pauvres qui s?en accommodent, dans l?attente d?autres codes?plus humains, plus altruistes?tels le code de l?amour, de la tol?rance et du partage?!
Et pour finir en commodit?, quoi de plus seyant qu?une bavette sur la mode, taill?e par la langue de?Colbert?: ??la mode est pour la France ce que les mines du P?rou sont pour l?Espagne??.?Au fait, on s?aper?oit qu??tre commode n?a pas ?puis? toute sa mine et qu?il est toujours capable d?autres sens, notamment?: rapporter gros.?Henri Poincar?, qui en sait long sur la commodit? humaine, nous en touche un mot?:???douter de tout et tout croire sont deux solutions ?galement commodes, qui l?une et l?autre nous dispensent de r?fl?chir??. On s?en doutait, toute commodit?, avant d??tre pratique, est d?abord th?orie, c?est-?-dire qu?elle commence par la r?flexion -ou plut?t son absence?puisqu?elle en est le substitut parfait- passe par le calcul des moyens, avant de virer ? la facilit? du gain et finir en praticit? de l?entreprise, et cette commodit?-l?, h?las?aucun code ne peut l?interdire?!