Politique
Lettre au president-elu par Mohamed Saleh Tamek : a propos de Guergarate, du Polisario et du jihadisme
Mohamed Saleh Tamek qui a été Wali à Dakhla et actuellement Délégué général du gouvernement à l’Administration pénitentiaire et à la Réinsertion, a adressé, au Président-élu américain Joe Biden
Lendemain de l’intervention des FAR le 13 novembre 2020 pour débloquer le passage de Guergarate, Mohamed Saleh Tamek qui a été Wali à Dakhla et actuellement Délégué général du gouvernement à l’Administration pénitentiaire et à la Réinsertion, a adressé, au Président-élu américain Joe Biden, une lettre fort instructive sur la situation au Sahara et particulièrement à Guergarate. C’est en sa qualité de cheikh sahraoui et citoyen marocain d'origine sahraouie qui a travaillé pendant plusieurs années avec les Nations Unies et la MINURSO en tant que cheikh d'identification des candidats au référendum qu’il s’exprime dans cette correspondance.
Monsieur le Président-élu,
Je tiens tout d’abord à féliciter votre excellence pour votre élection à la présidence des États-Unis d'Amérique et à travers vous madame la vice-présidente et saisis cette occasion pour vous adresser cette lettre. Je prends cette initiative pour les considérations suivantes :
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Premièrement, j’étais étudiant Fulbright dans les années 90 du siècle dernier à l'Université du Delaware, Newark dans le First State du Delaware.
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Deuxièmement, je suis chef tribal (cheikh) et citoyen marocain d'origine sahraouie. J'ai travaillé pendant plusieurs années avec les Nations Unies et la MINURSO en tant que cheikh d'identification des candidats au référendum. J’ai émis à ce titre des avis consultatifs sur plus de 16000 candidats de ma tribu, soit 10% du total des candidats identifiés.
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Troisièmement, j'ai été Wali de la région de Dakhla - Oued Ed-Dahab où j’ai travaillé pendant quatre ans (de 2005-2009) au développement socioéconomique et socioéducatif de la région pour assurer le bien-être de sa population. Les délégations américaines ayant visité la région peuvent en témoigner.
Le poste frontière de Guerguerate relève de la Wilaya de Dakhla - Oued Ed-Dahab. Au cours de mon mandat, j’ai fait face aux problèmes liés aux différents types de trafic auxquels s’adonnaient les membres du Polisario (traite d’êtres humains, trafic de stupéfiants et contrebande de tous sortes, y compris de chameaux !
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Quatrièmement, je nourris tout autant que vous une forte croyance en la justice et en l’Etat de droit que votre parti promeut comme principes fondamentaux d’une authentique démocratie et qui ont poussé le peuple américain à voter pour un président afro-américain et pour vous et madame la vice-présidente Harris.
Voici quelques faits saillants concernant le dernier incident au poste frontière de Guerguerate :
Le Royaume du Maroc a toujours maintenu une zone tampon entre lui-même, l'Algérie et la Mauritanie, sans que cette mesure lui ait été imposée. L'ONU sait que la berme a été construite bien avant le cessez-le-feu. Depuis Septembre 1991 et la mise en place de celle-ci, la route entre le Maroc et la Mauritanie demeurait ouverte et la circulation des personnes et des biens a été maintenue par toutes les parties. Ces dernières années, les dirigeants du Polisario semblent avoir une sorte de fixation sur ce bout du désert, tantôt menaçant le bon déroulement du rallye Dakar, tantôt empêchant les camions et les véhicules de traverser la frontière.
En octobre 2020, ils ne se sont pas contentés d’entraver les mouvements des véhicules, mais ont amené de la région de Tindouf, à 2000 km au nord, des soldats et des femmes civiles pour bloquer complètement la route, prenant ainsi en otage des personnes, des marchandises et de camions pendant plus de deux semaines. L'ONU et la MINURSO en ont été témoins.
Les dirigeants du Polisario n’ont tenu aucun compte de la situation épidémique liée au Covid 19, négligeant les risques auxquels sont confrontés des conducteurs et des voyageurs pacifiques et ont profité de la tenue de la session du Conseil de Sécurité pour mettre tout le monde devant le fait accompli.
Monsieur le Président élu,
En effet, le Polisario a violé la liberté de circulation des biens et des personnes, bloquant entièrement ce point de passage, au mépris de toutes les conventions internationales en la matière, notamment en cette période de pandémie du coronavirus.
Fort de ses droits légitimes et conformément au droit international et aux accords signés, le Maroc, confronté à une situation hautement problématique créée par le Polisario qui ne cesse d’entraver la circulation des biens et des personnes, n'a eu d'autre choix que d'utiliser la force pacifique pour libérer l'axe routier traversant la zone tampon de Guergarate reliant le Maroc à la Mauritanie, après avoir informé tous les pays voisins, à l’exception d’un seul. Ainsi, le Maroc, en réinstaurant l’ordre dans ces lieux, n’a été mû par aucune intention belliqueuse et a veillé à ce que l'utilisation éventuelle des armes soit limitée à la légitime défense.
En agissant ainsi, le Maroc n'a fait que restaurer la légalité et la liberté de circulation des personnes et des véhicules.
Monsieur le Président élu,
Le Polisario a violé de façon ouverte et officielle le cessez-le-feu qui a été institué le 6 septembre 1991 et qui a toujours été respecté par le Royaume du Maroc, en bafouant les accords militaires y afférents, notamment le SOFA (Sahara Occidental Force Agreement). Dans son communiqué de presse publié le 14 novembre 2020, le Polisario a annoncé la fin de l'accord de cessez-le-feu et le retour aux hostilités armées et mis toutes ses forces en état de guerre, mettant ainsi en péril la stabilité et la paix dans toute la région et en faisant un terrain propice pour le terrorisme.
Le Polisario est un mouvement qui, à sa création, a adopté l’idéologie marxiste, ce qui explique les vieilles et solides relations qui le liaient au régime Castriste, à l'ANC sud-africain et à l'ancien bloc soviétique. Depuis la révolution Islamique de Khomeini en Iran, son discours a commencé à s’imprégner d’islamisme. Dans les années 90 et surtout depuis l’apparition d'Al-Qaida et de l'Etat islamique, il s'est rapproché de l'islamisme radical. En témoignent clairement les liens qu’entretient le Polisario avec tous les mouvements armés dans le Sahel. Il a été établi que des éléments armés du Polisario, dont le chef sahraoui Aboulwalid Assahraoui, avaient rejoint les rangs de l’AQMI qui est une filiale d'Al Qaida.
Le 15 novembre 2020, le Polisario a publié un communiqué de presse présenté comme émanant d'un groupe d'oulémas et de prédicateurs religieux qui lui sont inféodés établi dans les camps de Tindouf dans le sud de l'Algérie et "justifiant" le retour aux hostilités armées, en invoquant des versets du Coran et des Hadiths qui rappellent à tout lecteur ou auditeur averti ceux qui sont fréquemment utilisés par les islamistes radicaux. Ces citations qui appellent au « jihad » et incitent au sacrifice et au martyre sont mises en avant sur le mode jihadiste pour justifier la reprise des hostilités militaires contre le Maroc. En voici quelques exemples :
« Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) - parce que vraiment ils sont lésés ; et Allah est certes Capable de les secourir ». (Sourate d’Al-Hajj : 39)
« Combattez dans le sentier d'Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes. Allah n'aime pas les transgresseurs !» (Chapitre Al Baqara : 190)
« Et qu'avez-vous à ne pas combattre dans le sentier d'Allah, et pour la cause des faibles : hommes, femmes et enfants qui disent : "Seigneur ! Fais-nous sortir de cette cité dont les gens sont injustes, et assigne-nous de Ta part un allié, et assigne-nous de Ta part un secoureur. » (Sourate An- nissae : 75)
« Quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui, à transgression égale. Et craignez Allah. Et sachez qu'Allah est avec les pieux ». (Sourate Al Baqara : 194)
La terminologie usitée dans le communiqué de presse en question, dont ci-joint copie, est puisée dans le registre de langage utilisé d’habitude par les organisations terroristes islamistes.
Monsieur le Président élu,
Le Maroc, en tant que premier Etat ayant reconnu l'indépendance des États-Unis au 17ème siècle est enchâssé à l'est par l'Algérie et à l'ouest par l'océan Atlantique. Ses seuls débouchés sont le détroit de Gibraltar au nord et le poste frontière du Guergarate au sud. Tout blocage de ce dernier débouché étoufferait cet allié indéfectible et partenaire anti-terroriste de votre pays.
Sincèrement vôtre.
Rabat, 14 novembre 2020