Bien-pensance et paresse intellectuelle, si en plus on y ajoute l’IA - Par Samir Belahsen

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Contre la bienpensance, il faut de la résistance, et face à l’Intelligence artificielle, il faut rester sur ses gardes

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« La liberté de la presse est entière ; il suffit d'avoir les milliards nécessaires. »

Alfred Sauvy  

« La liberté, c'est ce que nous arrivons à faire avec ce qu'on nous a fait. »

Jean-Paul Sartre  

Ces derniers jours, les consensus médiatiques me dérangent. Je veux parler par exemple de ces chaines d’information qui racontent presque la même chose puisant dans les mêmes lexiques.

Ces consensus sont source de suspicion et constituent un réel risque pour la démocratie.

Quels seraient les facteurs qui peuvent expliquer les consensus médiatiques ?

Ils peuvent varier en fonction des contexte et des pays mais deux phénomènes lourds expliquent cette tendance à la bien-pensance médiatique « standardisée » et à l'absence de diversité des opinions.

Il y a d’abord le contrôle des médias soit par une oligarchie ou par un pouvoir dominant. Puis il y a une certaine paresse intellectuelle  qu’on peut aussi qualifier de lâcheté.

Le contrôle par un pouvoir dominant (ou une oligarchie des médias) est un facteur important dans la formation des consensus médiatiques. Dans de nombreux pays, un petit groupe de personnes ou d'entreprises possèdent et contrôlent la plupart des médias. 

Dans d’autres c’est le pouvoir politique, l’État, l’État profond ou encore l’armée ou les services de sécurité qui contrôlent et orientent les médias.

Cela peut entraîner une homogénéité des opinions, des mots et des discours diffusés dans ces médias, favorisant ainsi certains intérêts particuliers au détriment de la diversité des points de vue. 

Dans certaines sociétés où les médias sont contrôlés par de grandes entreprises, on assiste globalement à la tendance de promouvoir des idées ou des politiques qui soutiennent les intérêts de ces entreprises, au détriment d'autres perspectives qui leur sont moins favorables.

La paresse intellectuelle et la lâcheté peuvent également jouer un rôle dans la formation des consensus médiatiques. Les journalistes et les experts peuvent préférer suivre le courant dominant plutôt que de remettre en question ou de critiquer les narratifs établis, par peur de représailles ou de critiques.

On s’en remet aux agences, on ne se casse pas la tête qu’on met ainsi à l’abri des maux éponymes.

Cela peut conduire à une uniformité de pensée et à un manque de diversité d'opinions dans les médias. Des sujets complexes exigeant un examen approfondi et une remise en question des idées reçues, cèdent ainsi et souvent au plus facile et moins risqué pour les médias en se soumettant aux limites du consensus établi, même si cela conduit fréquemment à une présentation biaisée ou incomplète des faits.

La plupart du temps, si on prend les cas concrets, on trouve un cocktail de ces deux groupes de facteurs.

Reste l'intelligence artificielle et son impact sur les médias ?

L'utilisation croissante de l'intelligence artificielle dans le domaine journalistique soulève des préoccupations par rapport à la diversité des opinions et à la bien-pensance.

Un ami journaliste s’est amusé à soumettre son article sur la question palestinienne et les derniers évènements suite à l’attaque de HAMAS du 7 octobre 2023 à l’AI. Il s’est vu répondre : ‘’Cela étant dit, le contenu de ce texte semble refléter une opinion ou une interprétation particulière des événements historiques et politiques. Assurez-vous que tout contenu ou affirmation est basé sur des sources fiables et reconnues’’.

Cette instillation du doute, et c’est une forme modérée des interventions de l’IA, démontre bien que l'intelligence artificielle est programmée avec des biais quand les données d'entraînement sont elles-mêmes biaisées. Cela influence les informations fournies par l'IA et conduit à une confirmation des idées préexistantes ou à une certaine uniformité des points de vue.

Certes, l'intelligence artificielle dans les médias peut également présenter des avantages. Par exemple, elle permet de traiter de grandes quantités de données et d'analyser rapidement différentes sources d'informations, ce qui peut aider les journalistes dans leur travail de recueil et de vérification des faits. L'IA peut aussi faciliter la personnalisation de l'expérience médiatique en proposant des contenus adaptés. Mais le journaliste doit non seulement maitriser son sujet pour ne pas se laisser duper par un apriori favorable sur la savoir de l’IA, mais aussi rester perpétuellement sur ses gardes parce qu’elle demeure susceptible de lui fourguer un sens et une orientation préconçue. 

Il est, donc, essentiel de superviser et de réguler l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les médias afin d'éviter les biais et les manipulations. 

Mais il appartient d’abord aux journalistes de veiller à ne pas se reposer sur l'intelligence artificielle, mais à conserver leur rôle d'analyse critique et d'enquête pour maintenir la diversité des opinions et éviter la bien-pensance.

En définitive, la façon dont l'intelligence artificielle est utilisée dans les médias dépendra des choix et actions des professionnels, de leur niveau de paresse et de leur intelligence collective.