Cinéma, mon amour de Driss Chouika: LA CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE, MIROIR ET MOTEUR DE L'ÉVOLUTION DU CINEMA

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 Les années 1950 et 1960 ont apporté une nouvelle vague de critiques qui scrutent le cinéma sous des angles culturels, idéologiques et politiques. Aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux ont radicalement transformé la critique cinématographique. Les plateformes numériques amplifient la diversité des voix, permettant à n'importe qui d'exprimer ses opinions

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« Je suis bien placé pour le savoir: au cinéma, le critique, c'est le juge et l'assassin ».

Michel Galabru. 

Depuis les débuts du septième art, la critique cinématographique a pris de multiples formes, s'adaptant aux changements culturels, technologiques et esthétiques du médium. Cet article explore l'évolution de la critique cinématographique, des entrées de journaux aux analyses profondes qui façonnent notre compréhension du cinéma aujourd'hui.

A la fin du 19ème siècle, le cinéma émerge comme. une attraction foraine. Les critiques de l'époque se concentrent principalement sur la nouveauté du médium, son pouvoir d'attraction et ses effets sur le public. Les articles décrivaient souvent les films de manière factuelle pour communiquer une expérience visuelle nouvelle. Une fois le cinéma a gagné en complexité narrative et technique, la critique a commencé également à se transformer. Walter Benjamin, philosophe allemand, observa que "la reproductibilité technique de l'œuvre d'art" introduit de nouvelles façons de percevoir et de critiquer l'art.

A partir des années 1930, le cinéma devient une forme d'art à part entière. La critique a évolué en conséquence pour s’attaquer à des questions de style et de narration. Des critiques influents comme André Bazin, co-fondateur des "Cahiers du Cinéma", proposent des théories qui ont un impact durable. Par exemple, Bazin soulignait l'importance du réalisme et la profondeur de champ, déclarant que "le réalisme n'est pas un style, mais un mécanisme par lequel le cinéma peut accéder à la signification". Cette période voit aussi l'émergence du genre en tant que concept critique, analysé par des figures comme Siegfried Kracauer, qui considère les films comme des reflets sociaux.

Puis, les années 1950 et 1960 ont apporté une nouvelle vague de critiques qui scrutent le cinéma sous des angles culturels, idéologiques et politiques. Des mouvements comme le néo-réalisme italien et la Nouvelle Vague française encouragent une lecture plus engagée du cinéma. François Truffaut, critique et réalisateur, avec son essai "Une certaine tendance du cinéma français", critiquait le conformisme du cinéma traditionnel et glorifiait la liberté créatrice des auteurs. Cela a introduit la politique des auteurs, qui continue d’influencer la critique cinématographique moderne.

Aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux ont radicalement transformé la critique cinématographique. Les plateformes numériques amplifient la diversité des voix, permettant à n'importe qui d'exprimer ses opinions. Ceci est à la fois une bénédiction et un défi pour la critique traditionnelle. Les critiques professionnels, jadis les gardiens de la qualité esthétique, doivent désormais cohabiter avec les blogueurs, vloggers, et critiques amateurs qui ajoutent une pluralité de perspectives. Comme l'a souligné le critique Roger Ebert, "jamais auparavant les opinions sur le cinéma n'ont été plus démocratiques".

MIROIR ET MOTEUR DE L'ÉVOLUTION DU CINEMA

La critique cinématographique a toujours été un miroir et un moteur de l'évolution du cinéma. Aujourd'hui, avec le large et riche développement du cinéma, la critique cinématographique est devenue une rencontre de l'académique, de l'immédiateté numérique et de l'engagement personnel. Elle continue de refléter l'évolution du cinéma mondial. Les critiques abordent des questions de représentation, de genre, et de politique culturelle. Par exemple, les discussions autour des adaptations littéraires et des représentations culturelles dans les films ont incité une réévaluation critique des structures de pouvoir en vigueur à Hollywood et dans les centres les plus influents du cinéma mondial.

La critique cinématographique, comme une entité vivante, a évolué aux côtés du cinéma depuis ses humbles débuts. De simple commentaire descriptif à une analyse complexe et profonde, elle joue un rôle essentiel dans notre compréhension et notre appréciation des films. Cette discipline s'est développée au fil du temps, influencée par des changements technologiques, culturels et esthétiques. 

UNE HISTOIRE DE FASCINATION ET DE TRANSFORMATION

L’histoire de la critique cinématographique a été ainsi une histoire de fascination et de continuelle transformation. La fin du 19ème siècle marque les premières apparitions du cinéma, véhiculé par les frères Lumière et Thomas Edison. À cette époque, la critique cinématographique était essentiellement descriptive, destinée à capturer l'émerveillement des premières audiences. Les critiques se concentraient sur l'expérience visuelle, souvent comparée à d'autres formes de spectacle comme le théâtre ou la photographie. Le critique américain Vachel Lindsay, par exemple, a écrit dans “The Art of the Moving Picture“ (1915) que le cinéma "trace des contours si vivants qu'ils évoquent un monde d'imagination et de rêves". Les critiques de cette période mettaient en avant la capacité du cinéma à transporter le spectateur dans des lieux inaccessibles autrement.

Avec l'émergence du cinéma sonore à la fin des années 1920 et le développement des grands studios hollywoodiens, le cinéma devient une forme d'art reconnue. Ce changement a nécessité une approche critique plus sophistiquée. En réponse, des théories esthétiques et narratives définissent cette période. Selon Bazin, "le cinéma trouve sa grandeur dans la manière dont il capte la réalité brutale". Il défendait le réalisme, soutenant que le cinéma doit refléter fidèlement le monde réel.

Les années 1950 et 1960 voient l'émergence de la politique des auteurs, une théorie attribuant au réalisateur le statut de véritable auteur du film. Cette idée, popularisée par les critiques français comme François Truffaut, met l'accent sur la vision personnelle du cinéaste. Truffaut exprime un rejet du conformisme et loue la création personnelle. Il avance que "dans chaque production se révèle un ensemble de thèmes et de signatures qui font partie intégrante de l'ADN du cinéaste". Cette période encourage des lectures plus profondes et personnelles des films.

Puis, les festivals de cinéma sont devenus un incubateur pour la critique cinématographique moderne. Ils offrent un espace où critiques, réalisateurs et publics engagés peuvent échanger des idées. Pour beaucoup, la critique la plus stimulante émerge dans cet environnement des festivals les plus prestigieux. Le critique Peter Bradshaw du Guardian décrit ces expériences comme "un champ de bataille d'opinions", où chaque projection engendre des discussions passionnées. Les festivals offrent une scène mondiale aux films, mais aussi à la critique qui les accompagne.

Enfin, l'avènement d'Internet et des réseaux sociaux a transformé la critique cinématographique, la rendant plus accessible et démocratique. Aujourd'hui, tout un chacun peut devenir critique, partageant son opinion sur des plateformes numériques.

Roger Ebert, l'un des critiques les plus respectés, a remarqué ce changement en disant : "Internet offre un nouveau front pour la critique cinématographique, un front où chacun a une voix". Cette évolution a ses avantages, notamment la diversité des perspectives, mais elle pose aussi des défis à la critique traditionnelle. En somme, la critique cinématographique a parcouru un long chemin depuis ses origines descriptives, devenant un art en soi qui a sans cesse renouvelé notre compréhension et notre appréciation du cinéma. Elle reste essentielle dans la manière dont nous percevons le monde à travers le prisme cinématographique, continuant, comme l'écrivait Bazin, à chercher "ce qui est en mouvement, en train de se cristalliser".

DRISS CHOUIKA