Khou klamek – Par Salah Elouadie

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Le président français Emmanuel Macron, l’homme qui revient par la fenêtre

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M. Le Président,
Jusqu’à ce que vous vous adressiez à chacun de nous, personnellement, par vidéo interposée, je me suis abstenu de réagir à vos prises de parole envers mon pays.
Mais dès que vous avez pris la liberté de nous adresser directement la parole, ce qu’aucune tradition ni aucun usage ni aucune règle ne vous autorise, il est devenu de mon droit, sinon de mon devoir, de vous appliquer un droit de réponse auquel j’aurais aimé ne pas faire appel. 

Ce droit de réponse, nous l’avons baptisé, chez nous depuis longtemps, « le frère de vos paroles » (Khou klamek).
Certes, il est louable que la France, comme d’autres, puisse proposer son aide, par les canaux d’usage, à notre pays qui a été meurtri par l’une des catastrophes naturelles les plus graves de son histoire. Ceci, on ne peut que le souligner et vous et nous en féliciter.

Ce qui offusque les Marocains, en revanche, c’est la façon d’agir. L’usage politique qu’on veut en faire. Le paternalisme auto-attribué qui a suinté des médias français.
Déjà, au début de l’épidémie du Covid, vous aviez twitté, un peu trop précipitamment, pour vous adresser à vos concitoyens bloqués dans notre pays, en empruntant au lexique discourtois de l’inélégance à l’égard de notre pays. Vous vous rappelez de cet épisode sans doute.

J’espérais que la récente mise au pas par d’autres Africains excédés, eux aussi, par vos remontrances sur des tons d’une supériorité indue à en devenir caricaturale, allait vous inciter à quelque humilité. Il n’en est rien à ce que je constate.

C’est que, au fond, et même si vous l’avez vous-même mentionné dernièrement sans en prendre – apparemment - la pleine signification, ou en tirer toutes les implications, le monde d’hier n’est plus.
Il est révolu le temps de l’arrogance impunie. Révolu également le temps des postures de donneurs de leçons. Révolu aussi le temps où les index accusateurs, les vôtres, précédaient votre verbe annihilateur.
Le protectorat, je ne sais pas si vous êtes au courant, c’est fini depuis 67 ans.
De même, le temps des standards occidentaux revendus à bas prix aux peuples du monde, après des décennies de colonisation, comme étant des standards universels, est une page qui appartient au passé consommé.
Si moi, simple citoyen marocain, je me permets de vous recadrer, c’est parce que vous vous êtes, vous-mêmes, mal cadré, en vous octroyant le droit de vous adresser directement à moi.
Le Maroc est un pays qui a ses institutions. Souffrez svp de passer par la porte principale.
Et si ce n’était le respect que j’ai pour les électeurs français qui vous ont par défaut élu président, j’aurais certainement été moins regardant sur mon lexique.
Imaginez un seul instant qu’un responsable de notre pays s’adresse à vos compatriotes par-dessus votre épaule…

Dans son récent ouvrage, « Le prince balafré, et les Gaulois (très) réfractaires », dans lequel il vous défend plus qu’il ne vous attaque, votre estimable compatriote Alain Duhamel ne peut que relever votre propension à susciter ‘’une haine particulière’’ des Français. Visiblement vous vous êtes arrangé pour qu’ils ne soient pas les seuls.

J’aurais aimé, M. le Président, poursuivre cet échange à distance avec vous, mais des obligations plus pressantes et plus gratifiantes m’appellent ailleurs : celles de participer à cet élan de solidarité d’un peuple qui sait être humble avec les humbles et grand lorsque la voix de l’histoire se fait entendre.

Je vous laisse à vos débats « stratégiques » et « existentiel » autour de l’Abaya ou pas Abaya, alors que la France ne cesse – hélas - de rapetisser et rétrécir dans un monde qui change à un rythme époustouflant. 

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