chroniques
La politique du spectacle – Par Naïm Kamal
Le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid
Par Naïm Kamal
Le paysage culturel de la région Fès-Meknès s’est enrichi avec l’ouverture de sept nouvelles salles obscures. Treize autres seront prochainement ouvertes. Auparavant, on avait annoncé les 150 salles de cinéma à l’échelle nationale par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication.
L’information fait plaisir à lire, surtout qu’auparavant, le jeune et fringant ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, avait présidé à Tamesna, la cérémonie de lancement d’inauguration de 50 salles de cinéma, première tranche d’un projet qui, de prime abord, est à la fois très ambitieux et audacieux.
Lancer 150 salles de cinéma à contre-courant d’un long processus de fermetures qui fait la tristesse des cinéphiles et l’impécuniosité des propriétaires des salles de cinéma, relève même de la témérité, bien que les informations distillées ne donnent aucune idée du coût du projet.
Mais le monde n’appartient-il pas aux audacieux, et le gouvernement à ceux qui lui font violence ?
C’est un rêve de 250 vraies salles de cinéma que mon regretté ami Noureddine Saïl, grand Monsieur du cinéma s’il en fut, a longtemps caressé sans avoir pu le voir se réaliser avant de quitter ses fonctions à la tête du Centre Cinématographique Marocain ni d’ailleurs avant de nous quitter tout court.
Les cinéphiles de la région de Fès-Meknès vont donc pouvoir se régaler. Les nouvelles salles de cinéma vont de 500 places pour la plus grande à 101 pour la plus petite. Selon des informations, leur équipement et aménagement tourneraient en moyenne autour de 2 millions dhs, un peu trop pour des experts qui estiment que 300 mille auraient suffi. Mais c’est un détail qui appartient au ministère d’infirmer ou de confirmer, et le cas échéant, au Parlement et à la Cour des comptes de trancher.
L’entreprise mériterait une standing ovation n’eut-été la lettre ouverte d’un réalisateur, l’un des rares à s’être prononcé, les autres se retenant pour des raisons qui font peine à savoir et à raconter.
Abdesslam Kelai, c’est son nom, interpelle sur sa page Facebook en ces termes M. Bensaïd : ‘‘Monsieur le Ministre, parlez-vous d'équiper les centres culturels de votre ministère avec un projecteur visuel, et considérez-vous cela comme l'inauguration de nouvelles salles de cinéma ? Je me souviens que la maison des jeunes de ma ville disposait d'un projecteur de cinéma au début des années quatre-vingt du siècle dernier. Je crains, Monsieur le Ministre, que votre discours d'aujourd'hui ne serve d'excuse pour abandonner les bâtiments des salles de cinéma historiques et réelles à travers notre pays, et ouvrir la porte à leur destruction, sous prétexte de l'existence de centaines d'autres "salles de cinéma" et de leur démolition au lieu de travailler à soutenir leur réparation, leur aménagement et leur numérisation pour qu'elles remplissent leur rôle en tant que bastions de la civilisation, de la citoyenneté et de l’art.“
Donc, il s’agit tout simplement de l’équipement de centres culturels et maisons de la culture du ministère de la Culture, ainsi que des maisons de jeunes de celui de la Jeunesse, de matériel numérique de projection, avec un son Dolby et de grands écrans de cinéma.
La remise, pour ne pas parler de mise en cause est grave. Mais le ministère si prolixe d’habitude sur les mouvements du ministre, n’a pas jugé nécessaire de répondre. C’est son droit.
Un bémol toutefois. La réalisation du ministère n’est pas mauvaise en soi. C’est même une excellente chose et c’est toujours ça de pris sur l’inculture ambiante et le règne analphabétisant de plus en plus sans partage des réseaux sociaux. Le tort du ministre, promu nous dit-on à un bel avenir politique, qui a reçu le prix de la meilleure personnalité gouvernementale du monde arabe en matière de communication sociale d’on ne sait quel institut, est qu’il confond vessies et lanternes. Intentionnellement ou pas, il fait passer des salles polyvalentes de centres culturels, au détriment du théâtre et bien d’autres activités artistiques ainsi réduits à deux jours par semaine, pour de nouveaux cinémas.
On sait ! L’illusion est aussi un art, et que demande le peuple ? Du spectacle !