Le féminisme islamique est donc aujourd’hui porté par des femmes soit pieuses, soit théologiennes, militantes qui sont dans une démarche d’appropriation des sources de l’islam

Concept très en vogue le féminisme musulman ou islamique se base en réalité sur deux sources de l’Islam contemporain. D’une part l’expérience iranienne, celle de la Révolution de Khomeini, qui a remis la Sharia au cœur même du processus révolutionnaire. D’autre part le Réformisme islamique, l’Islah de l’Egyptien Mohamed Abduh qui considère que l’islam est compatible avec le progrès scientifique. Dans les deux cas, le but des théoriciens était d’apporter la preuve par l’Islam que l’Islam n’est pas la cause de la régression, ni de la ségrégation, ni de la discrimination à l’égard des femmes et des peuples musulmans. Les Iraniennes qui vont subir le choc et la régression spectaculaire de leurs droits acquis grâce aux apports d’une civilisation plusieurs fois millénaires, n’oublient pas que la Perse ancienne était la patrie des Platoniciens et des Zoroastriens celle du fameux savant Soufi qu’Henry Corbin surnommait « l’Imâm des Platonicien de Perse », Sohravardî, et que les lumières de l’ancienne Perse continuent à briller malgré la pénombre du soir.

Les Iraniennes vont donc utiliser une sorte de « subterfuge », celui d’une libération islamique des femmes. Elles vont rechercher la spécificité « possible » mais hypothétique d’une libertépropre aux femmes musulmanes. Derrière ce subterfuge, ce sont souvent des femmes laïques qui ont peur de dévoiler leur laïcité. Les universités anglo-saxonnes ont par la suite théorisé etincubé un mode ou un mode de pensée qui porte le flambeau d’un combat égalitaire entre les sexes au cœur même de la sphère religieuse.

Idéologie ou mouvement d’idées, le féminisme Islamique est un courant qui se dit « inclusif » dans le sens où il intègre la défense des minorités comme les homosexuels, les transgenres, etc.. C’est en même temps une réaction aux idées du Wahhabisme qui lui n’use d’aucun subterfuge pour affirmer qu’il n’y a pas d’égalité de sexe, ni de reconnaissance des questions liées à la sexualité, à l’homosexualité et à la trans-identité.

Le féminisme islamique est donc aujourd’hui porté par des femmes soit pieuses, soit théologiennes, militantes qui sont dans une démarche d’appropriation des sources de l’islam. Elles sont organisées en réseau et Internet est leur moyen de communication privilégié. Elles nourrissent ce que certains appellent « les interprétations gayfriendly du Coran ». Elles pratiquent l’Ijtihad féminin au cœur de l’Islam et relèvent les interprétations inégalitaires de l’islam qui sont à la base des lois sur le statut personnel.

Ce sont aussi les thèses de Tariq Ramadan qui est partisan d’une “réforme radicale” de l’islam et qui défend le féminisme islamique.

Le féminisme qui a été l’un des principaux combats du 20^ème siècle, puisqu’il s’est nourri au socialisme scientifique, à la psychanalyse, à l’anthropologie, la philosophie, la sociologie, est inscrit naturellement dans un cadre de référence profane et laïque où règne l’esprit rationnel et scientifique.

Et si aujourd’hui, après une éclipse de quelques décennies, qui coïncide probablement avec les belles années de plomb et de dictature dans les pays musulmans, le féminisme revient avec les printemps arabes, c’est grâce à une nouvelle génération de femmes libres et engagées, conscientes que pour faire avancer les droits des femmes, il faut briser les stéréotypes sur les rôles, sur les corps, sur la sexualité, sur la reproduction, et surtout empêcher la « haremisation » de l’espace public . Il faut stopper toute forme de violence à l’égard des femmes. Il faut se doter d’une volonté politique réelle, une politique qui ne se sert pas des femmes pour une cause réactionnaire ou théologique, car « prendre le parti des femmes, c’est les défendre quand elles sont violentées, humiliées, menacées, c’est garantir les valeurs d’une laïcité non dévoyée, de réclamer de véritables moyens, éducatifs, économiques, de solidarité, afin de gagner l’émancipation de toutes », disent les féministes pures.

*Bouchra Boulouiz est spécialiste eb communication. Auteure, sa bibliographie compte plusieurs romans dont notamment Le Choc des imaginaires