chroniques
Le risque de la médecine traditionnelle quand elle devient alternative au traitement médical – Par Mustapha Hmimou
L’automédication traditionnelle, l’on trouve des fois des remèdes qui ne font pourtant pas mal quand ils s’avèrent inefficaces. Tel est le cas de la consommation d’une manière ou d’une autre de certains produits comestibles comme le miel ou l’ail ou toute autre pitance. Mais cela devient dangereux dès qu’il s’agit de boire, d’ingurgiter ou d’inhaler à l’insu du médecin traitant des substances ou des préparations à base de produits impropres à la consommation.
Grâce à l'aimable invitation du désormais docteur Zakaria Lahbil j'ai eu l’immense plaisir d'assister à la soutenance de sa thèse du doctorat en médecine générale de la Faculté de Médecine de Casablanca. Une thèse intitulée Perception des médecines complémentaires chez les patients asthmatiques.
l s’agit d’une recherche exploratoire inédite au Maroc, selon le professeur président du jury. Recherche par le biais de questions-réponses qui a duré quatre mois auprès d'un échantillon de patients asthmatiques pour explorer la réalité de l'auto-thérapie en parallèle avec la thérapie médicale. Il m’a semblé pourtant qu’il s'agit aussi et en même temps, d'une recherche tournée vers l'avenir, compte tenu de ce qu’elle comporte comme aspiration à faire prendre conscience de la nécessité d'encadrer une telle auto-thérapie par le corps médical traitant afin de protéger leurs patients de ses préjudices potentiels pour leur santé.
Le sujet qui a retenu donc mon attention en marge de la discussion du jury des résultats de cette recherche et qui m'a motivé pour écrire ces lignes, est le thème de la médecine traditionnelle en général. Médecine qui existe encore et existera toujours dans toute société humaine à des degrés divers d'un lieu à un autre et d’une époque à une autre. L’on y a souvent recours lorsque le patient estime que le traitement médical est inefficace ou que son effet escompté tarde à venir. Il peut des fois s’empresser pour l'adopter juste parce qu'il ne sait pas le temps nécessaire pour que le traitement médical fasse effet. Ici doit être mis en avant le rôle pédagogique du médecin traitant censé bien informer son patient et le rassurer pour l'éloigner des dangers de toute automédication saugrenue.
La situation s’aggrave chez les patients atteints de maladies chroniques, comme le diabète notamment, et surtout chez ceux qui s’imaginent pouvoir en guérir complètement grâce à des remèdes miracles de grand-mère, avec en prime l’illusion de la dispense complète de suivre et de supporter tout régime alimentaire. Le risque augmente encore davantage lorsqu’une la médecine traditionnelle devient une alternative au traitement médical. Ici, le rôle éducatif du médecin traitant devient plus urgent.
Sauf que dans l’automédication traditionnelle, l’on trouve des fois des remèdes qui ne font pourtant pas mal quand ils s’avèrent inefficaces. Tel est le cas de la consommation d’une manière ou d’une autre de certains produits comestibles comme le miel ou l’ail ou toute autre pitance. Mais cela devient dangereux dès qu’il s’agit de boire, d’ingurgiter ou d’inhaler à l’insu du médecin traitant des substances ou des préparations à base de produits impropres à la consommation.
Le cas devient plus dangereux encore lorsque ce faisant l'état du patient semble se stabiliser ou s'améliorer, juste par l’effet bénéfique attendu de tel ou tel remède traditionnel, tout comme l’effet placebo parmi les volontaires pour les expériences dans les laboratoires pharmaceutiques. Et ainsi le pauvre risque d’avoir, au bout d’un moment plus ou moins long, la mauvaise surprise de se sentir dans un état plus grave qu’avant, voire si sérieux qu'aucun traitement ne puisse le sauver quand c’est trop tard pour bien faire. C’est ainsi que toute auto-thérapie par la médecine traditionnelle ne peut être vraiment qualifiée de traitement complémentaire que quand elle est, au besoin, consentie, bien cernée et suivie de très près par le médecin traitant.
Selon les résultats de la recherche sujette de la thèse du lauréat Dr. Zakaria Lahbil, bon nombre de patients asthmatiques ont répondu qu’ils n’ont pas informé leurs médecins traitants de leur recours au traitement traditionnel en parallèle avec le traitement médical prescrit. Lorsqu'on leur a demandé pourquoi, ils ont répondu parce qu'on ne le leur avait pas demandé. Dans tels cas les médecins ignorent que leurs patients adoptent l’auto-thérapie en plus du traitement médical exigé. Ils ignorent par conséquent les effets négatifs potentiels de la première sur le second. Ils ignorent également les effets positifs potentiels de l’auto-thérapie qui en principe méritent attention et recherche scientifique. A ce propos, le professeur président du jury a rappelé, à très juste titre, que bon nombre de médicaments produits par les laboratoires pharmaceutiques, ont pour origine la médecine traditionnelle.
Ce qui a donc retenu mon attention, en marge du débat de la thèse, c’est le rôle pédagogique escompté du corps médical traitant, notamment en cas de toute auto-thérapie sciemment recherchée et constatée en parallèle avec la thérapie médicale. Auto-traitement à jamais omniprésent parmi bon nombre de patients partout dans le monde, et sans nulle échappatoire ni dans l'immédiat ni dans le futur. Il vaut donc mieux pour le patient que ce soit son médecin traitant qui lui en parle plutôt que de l’abandonner à la merci des avis et des conseils des membres de sa famille, de ses amis ou ses collègues, avec de bonnes intentions d’ailleurs doublées d’une bonne dose d’enthousiasme, et qui pensent ainsi tout bonnement bien faire.
Ce que l’on attend donc de nos médecins, c’est qu’ils prêtent une attention particulière à la médecine traditionnelle afin de bien la cerner et l’encadrer dans l’intérêt de la santé de leurs patients et même pour l’avancement de la recherche scientifique quand certains remèdes de grand-mère s’avèrent pourtant, sous contrôle médical, bienfaisants pour la santé des patients. Un rôle pédagogique qu’une fois de plus il convient de ne pas négliger.