Culture
REFLEXIONS SUR LA QUESTION RELIGIEUSE : 1/2 - BREVES CONSIDERATIONS SUR LES RELIGIONS MONOTHEISTES
Abraham ou Ibrahim s’apprêtant à sacrifier, sur ordre de Dieu, son fils Isaac ou Ismail, c’est selon, avant que Jehova ne l’interpelle : « Ne porte pas la main sur l’enfant ! Ne lui fais aucun mal! Je sais maintenant que tu as foi en moi », ou pour Ismail l'ange Jebril intervient pour empêcher le sacrifice. Dans le Coran, Allah dit à Ibrahim « Nous l’appelâmes : “ Ô Ibrahim, tu as ajouté foi à la vision ! ” C’est ainsi que nous rétribuons les êtres doués d’excellence’’ ».
Je ne prétends pas à la connaissance profonde d’aucune des trois religions et je n'évoque le judaïsme et le christianisme ici qu’en tant que prédécesseurs de l'islam. De ce fait, je n’exclue pas qu’on puisse trouver dans ce texte des erreurs ou des maladresses, sans remettre en cause sa validité. L’Islam étant l’héritier de traditions juives et chrétiennes, je commencerai par évoquer d’abord celles-ci.
Les deux grandes religions à vocation universelle, le Christianisme et l’Islam, dont se réclament plus de la moitié des humains, descendent en ligne directe de celle d’un peuple qui ne représente que 0,2% de l’humanité au jour d’aujourd’hui : les Juifs. Ces trois religions se reconnaissent le même ancêtre : Abraham avec lequel tout aurait commencé il y a 4000 ans. Et sont construites selon le même principe : un prophète, un événement fondateur et un livre.
Pour le judaïsme, le prophète s’appelle Moise (arrière-petit-fils d’Abraham) et l’acte fondateur, la « sortie d’Egypte » des Juifs sous la conduite de Moise (1). Le Livre, la Torah (aussi appelée bible hébraïque ou pentateuque), est essentiellement l’histoire de la famille de Jacob (petit fils d’Abraham, plus tard appelé Israël) et le récit de l’acte fondateur appelé Exode ou sortie d’Egypte de cette famille devenue peuple (600 000 descendants des 70 membres de la famille de Jacob) par multiplication et procréation conformément à la promesse de Dieu à Abraham.
Le problème est qu’aucune recherche historique ou archéologique moderne n’a pu établir la moindre preuve de l’existence ni d’Abraham ni de Moise ni de Jacob et, partant, de la « sortie d’Egypte ». La conviction, aujourd’hui partagée par la majorité des scientifiques impliqués dans la vérification de l’historicité de la Bible, est que la Torah a été compilée par des générations de scribes entre le Xème et probablement aussi tard que le IIème siècle avant Jésus av. J-C (2) et non rédigée par Moise sous la dictée de Dieu en personne au XIIIème siècle av. J-C. Sorte de « mémoires d’outre-tombe», (Moise y relate sa propre mort), l’historicité en moins.
Pour le christianisme, (2 milliards d’adhérents sur les cinq continents), le prophète a pour nom Jésus, l’acte fondateur sa résurrection, et le livre: les évangiles. L’historicité de Jésus fait (de moins en moins) débat. Par contre l’acte fondateur, la Résurrection est un évènement contesté, et s’il n’est pas reconnu par le Coran, il est aussi écarté par de nombreux non musulmans. Voici ce qu’en dit St Paul dans sa « lettre aux Corinthiens » : « ...et voilà votre foi. Nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Mais, s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ, lui non plus, n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est sans objet, et votre foi est sans objet ; nous voilà reconnus comme de faux témoins de Dieu ».
En clair : Jésus a été ressuscité du fait de la réalité de la Résurrection, car si celle-ci n’existait pas, le message du Christ n’aurait pas de sens. Parfait exemple de paralogisme (faux raisonnement, raisonnement qui se mord la queue). Quant au message auquel se réfère St Paul, nul à mon avis ne le résume aussi bien qu’Emmanuel Carrère dans une interview (3) à propos de son livre "Le Royaume", publié en 2014 où il raconte ses tribulations entre ferveur catholique (messe quotidienne pendant trois ans, pèlerinages sur les pas de St Paul) et agnosticisme. A la question «c’est quoi le christianisme ? », il répond : « C’est l’histoire d’un prophète exotique, né d’une mère vierge, qui guérit les malades d’un coup d’œil, demande à ses proches de manger son propre corps pour devenir meilleurs, disparaît crucifié, revient d’entre les morts et promet à tous la vie éternelle. Comme l’observait Borges, la théologie semble parfois une branche de la science-fiction... »
Le Livre, les trois évangiles dits synoptiques sont des variations d’un même récit : la vie de Jésus, écrite par ses apôtres dans les décennies suivant sa mort. Le quatrième (Jean) complète les précédents par les actes et propos du Christ. Les évangiles constituent le « nouveau testament », l’ancien étant la bible hébraïque. Jésus (comme ses apôtres) était un juif (circoncis) autoproclamé Messie dont la venue est annoncée dans la Bible à la fin des temps. Non reconnu comme tel par ses coreligionnaires, il fut déclaré hérétique, et livré aux romains qui le crucifièrent. Deux jours plus tard, il fut ressuscité et aéroporté au ciel où il siège à la droite de Dieu comme l’a constaté le prophète de l’Islam Muhammed lors de son voyage nocturne à dos d’une jument ailée. Un des rares miracles attribués au prophète de l’Islam alors que ses deux illustres prédécesseurs en accomplissaient à tour de bras. Et nous voilà ainsi parvenus à l’objet de notre réflexion : l’Islam sujet de la deuxième partie de cet article
Demain : II - Le prophète de l’Islam ‘’porteur des messages authentiques’’ ?
(1) on pourrait aussi considérer Abraham comme le premier prophète du judaïsme et l’acte fondateur son départ de son Ur natale sur l’Euphrate pour le pays de Canaan, sur ordre de Dieu. Mais cela ne changerait rien
(2) Finkelstein et Siberman in « la Bible dévoilée » folio p.66
(3) encore accessible dans le site du magazine