Simon Lévy, tel que je l’ai connu – Par Abdeslam Seddiki

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Simon Lévy, Fès 1934 –Rabat 2 décembre 2011

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Il y a dix ans disparaissait Simon Levy, un Homme de réflexion et d’action et un militant infatigable. Tout comme à l’annonce de sa mort, il m’est toujours difficile d’écrire sur un Homme de la trempe du regretté Simon Lévy, décédé à Rabat le 2 décembre 2011, entouré de la sollicitude méritée de SM le Roi.

Doit-on évoquer l’homme, ses qualités, son accueil, sa disposition ? 

Doit-on évoquer le savant et l’intellectuel qu’il était avec ses innombrables travaux dans le domaine de l’histoire, du judaïsme, de la culture dont il a fait son cheval de bataille au cours des dernières années ? 

Doit-on évoquer l’enseignant pédagogue qui a contribué à la formation de milliers de jeunes à la faculté de lettre de Rabat dont il était l’un des professeurs distingués ? 

Doit-on parler du syndicaliste chevronné qui était présent sur tous les fronts de lutte syndicale tant au sein de l’UMT que du SNESUP ? 

Ou doit-on parler du militant politique engagé depuis son jeune âge dans les rangs du Parti Communiste Marocain, devenu successivement PLS et PPS, pour se hisser au podium du Bureau Politique et devenir l’un de ses grands dirigeants à côté des regrettés Ali Yata, Abdellah Layachi, Abdeslam Bourquia, Aziz Belal et d’autres ?

C’est dire que notre regretté Simon a eu une vie chargée et intense en activités. Il trouvait du goût à mener le combat sur tous ces fronts. Il était présent à tous les rendez vous importants qui ont jalonné l’histoire récente de notre pays : actif dans la lutte pour l’indépendance, ardent défenseur de la cause palestinienne, participant à la marche verte, présent dans les luttes démocratiques en se portant candidat dès les premières élections locales de 1976 et en arrachant haut la main son mandat pour siéger au conseil municipal de Ain Diab qui fut une expérience de gestion locale exemplaire, actif dans les forums de débat intellectuel où les thèses qu’il défendait jouissaient du respect de ses amis comme de ses adversaires, courageux pour exprimer ses convictions jusqu’au bout …
C’est tout cela, et d’autres aspects qui m’ont échappé certainement, qui font de Simon l’homme qu’il fut.

Sans aborder l’ensemble de ces dimensions, qu’il me soit permis, en guise de célébration mémorielle d’apporter à nouveau un témoignage sur son apport à la réflexion politique. Ayant eu la chance, à l’instar d’autres militants, de côtoyer notre camarade défunt, dans des réunions politiques et de suivre les leçons de formation idéologique qu’il dispensait généreusement aux jeunes militants du parti, j’ai pu mesurer toute sa pédagogie et la profondeur de son savoir. Il avait l’art d’exprimer en des termes simples des problématiques d’une grande complexité. Tel fut le cas, autant que je me souvienne, de ses conférences sur la tactique et la stratégie, les alliances de classe, la gauche au Maroc, parti et syndicat. Ces thèmes et d’autres, relevaient en quelque sorte des fondamentaux pour notre parti. Et chaque militant se doit de les maîtriser pour être en parfaite symbiose avec la ligne du parti.

Il tenait et croyait à l’union de la gauche au point d’en faire une religion. Je me rappelle d’une série d’articles qu’il avait publiés sur le sujet en réponse à certains comportements politiques qui allaient à l’encontre de cette union et qu’il avait intitulés « unitaires pour deux ».

Il tenait et croyait à la lutte organisée de masse. Et le lieu indiqué est bel et bien le syndicalisme dont il défendait l’unité car convaincu que la classe ouvrière est une et indivisible. Il incitait tous les membres du parti à adhérer aux organisations de masse pour faire du militant « ce poisson dans l’eau » formule chère à Mao Tsé Toung.

Pour lui, à l’instar d’Amilcar Cabral, pas de « pratique révolutionnaire, sans théorie révolutionnaire ». Il puisait ses sources dans tous les apports des différentes civilisations. De confession juive, et fier de l’être, il a su intégrer avec intelligence et créativité les apports des autres religions et civilisations au point d’être un précurseur du dialogue de civilisations. 

Avec Simon et grâce à lui, des générations entières ont appris que la contradiction fondamentale n’est pas celle qui oppose les religions et les cultures, thèse des fondamentalistes de tous bords, mais celle qui met en jeu des conflits d’intérêts politiques et économiques. C’est grâce entre autres à son apport et à celui d’autres militants de confession juive comme Edmond Amran ElMaleh, Abraham Serfaty et de centaines d’autres que notre pays est considéré comme exemplaire dans le domaine de la coexistence des religions.

Homme de culture et de mémoire, il s’est engagé dans la préservation de la mémoire et de la culture judéo-marocaines en dirigeant le Musée du Judaïsme Marocain dont il était le Secrétaire général.

Homme de principe et de conviction. Il est resté fidèle à ses engagements en dépit des vicissitudes et des « tremblements idéologiques » provoqués par la chute du Mur de Berlin, l’effondrement de l’URSS et la victoire de la pensée unique avec le consensus de Washington.

Pour faire valoir ses convictions, il n’a pas eu recours à la voie de la facilité, mais il a préféré créer un courant à l’intérieur du PPS baptisé « la zilna aala attarik » qui signifie : « nous sommes toujours sur la voie ».
Oui Simon, tu avais raison, nous sommes toujours sur la voie : celle du militantisme, celle de la lutte pour la justice sociale, de la dignité, de la libération des hommes et des femmes, de la solidarité et de l’amitié entre les peuples.

Reposes en paix, tu t’es acquitté comme il se doit de tes devoirs de citoyen. Le pays entier, tes camarades, tes amis, tes anciens étudiants et tous ceux qui t’ont connu et approché te rendent un vibrant hommage …

 

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