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Cinéma, mon amour de Driss Chouika: HAPPY HOLIDAYS , UNE EXPLORATION HUMANISTE D’UNE SOCIÉTÉ MULTICULTURELLE ET MULTIETHNIQUE
L'équipe du film "Happy Holidays" de Scandar Copti reçoit l'Etoile d'Or lors de la cérémonie de remise de prix du Festival International du Film de Marrakech. 7/12/24
« Je suis profondément honoré, mais profondément affecté par les temps difficiles que nous traversons depuis 11 mois. Notre humanité commune et notre sens moral ont été mis à l'épreuve alors que nous assistons au génocide en cours à Gaza. Cette réalité douloureuse nous rappelle les conséquences dévastatrices de l'oppression, qui est un thème de notre film. Notre film examine comment les récits moraux peuvent nous rassembler en tant que communautés, mais aussi nous rendre aveugles à la souffrance des autres ».
Scandar Copti (du mot du réalisateur lors de la remise du prix Orizzonti du meilleur scénario à la Mostra de Venise le 07 septembre 2024).
Le Jury du 21ème Festival International du Film de Marrakech, présidé par le cinéaste italien Luca Guadagnino et qui a compté parmi ses membres la comédienne marocaine Nadia Kounda, a déscerné son Grand Prix, l’Etoile d’Or, au film “Happy Holidays“ du palestinien Scandar Copti. Le film a été présenté en avant-première à la 81ème Mostra de Venise le 4 septembre 2024, où il a remporté le prix Orizzonti du meilleur scénario, puis il a gagné le Grand Prix, l’Alexandre d’Or, au 65ème Festival International du Film de Thessalonique en novembre 2024.
"Happy Holidays" (« yanaad alikou » en dialecte arabe palestinien), réalisé avec une grande sensibilité humaine et une approche bien nuancée de la narration cinématographique, captive le public en abordant subtilement les thèmes universels de l'identité, de l'appartenance et des défis multiculturels que pose la société dans un pays comme Israel. Ce film attirant offre une perspective émotive et réfléchie sur la vie quotidienne d’individus en quête de sens à leur vie et leurs rapports sociaux.
L’histoire du film, construite dans un style bien réaliste, suit le parcours de Rami, un jeune homme israélien d'origine palestinienne, au cours des fêtes de fin d'année. Ce moment de l'année, généralement synonyme de joie et de festivité, devient pour Rami une période introspective marquée par des événements qui ébranlent profondément son quotidien. La force du récit réside dans le fait qu’il se déroule dans une société multiculturelle où les tensions ethniques et identitaires sont d’une complexité dont les soubassements sont impossibles à déchiffrer.
LA MULTICULTURALITÉ COMME TOILE DE FOND
"Happy Holidays" se déroule dans le cadre vibrant de Tel Aviv, une ville riche en diversité culturelle et ethnique. En utilisant cet environnement complexe, le film met en lumière les défis et les opportunités inhérents à la vie dans une société multiculturelle et multiethnique. Copti réussit à montrer comment les échoppes animées, les fêtes colorées et les rencontres fortuites contribuent à enrichir et compliquer l'expérience de Rami, tout en exposant les réalités parfois brutales des préjugés et des discriminations.
L'un des aspects les plus remarquables du film est sa capacité à représenter de manière authentique les conflits internes traversés par son protagoniste. Dans sa réalisation, avec une approche profondément humaniste, Scandar Copti n'hésite pas à explorer des thèmes complexes comme le sentiment d'appartenance, les conflits identitaires et les relations interpersonnelles. Grâce à des dialogues bien écrits et une mise en scène réaliste, sur un mode presque documentaire, le film révèle les luttes et les dilemmes auxquels sont confrontés des personnes vivant entre deux mondes culturels que tout oppose.
Rami, interprété d’une manière talentueuse, incarne parfaitement le tiraillement d'une jeunesse à la croisée des chemins. Son évolution à travers le film est centrale, passant d'un jeune homme confus à une personne qui accepte pleinement ses dualités. Les personnages secondaires, comme les membres de sa famille et ses amis, ajoutent une dimension supplémentaire à son parcours, reflétant la variété des perspectives au sein d'une même communauté. Les interactions entre ces personnages sont habilement révélatrices des dynamiques sociales en jeu. Par ailleurs, il est à noter que le casting du film est composé d’acteurs non professionnels. Le réalisateur lui-meme confirme que « Ce sont de vraies personnes qui viennent du milieu professionnel des personnages qu'ils incarnent. Par exemple, Miri (Meirav Memoresky) est une vraie infirmière, et Walid (Raed Burbara) est un vrai médecin » ; une belle expérience.
Dans "Happy Holidays", Scandar Copti démontre une maîtrise impressionnante de la réalisation cinématographique. Sa capacité à capturer des moments intimes avec un sens aigu du détail et de l'authenticité permet au film de transcender la simple narration pour devenir une véritable expérience émotionnelle. L'utilisation astucieuse et nuancée des lumières, de la musique et du montage contribuent à intensifier l'impact visuel et émotionnel du film. En nous immergeant dans le voyage de Rami, nous découvrons les nuances et les subtilités des identités confrontées à la multiculturalité. C'est un rappel puissant de la force et de la fragilité de l'esprit humain lorsque confronté aux complexités de l'existence contemporaine.
En fin de compte, le film s’est penché avec succès sur la question de savoir si une personne peut réellement se sentir chez elle dans un lieu qui l'accueille sans vraiment l'accepter. En explorant la complexité des liens familiaux et amicaux, Copti réussit à créer une résonance émotionnelle avec les spectateurs. Ces thèmes universels touchent particulièrement ceux qui, comme Rami, cherchent leur place dans un monde en perpétuel changement.